rospection physique ou digitale ? Pour Simon Frech, il n’y a pas photo. L’avantage va clairement à la première. « Les campagnes d’e-mail ou de téléphone sont peu fructueuses », rapporte le gérant du domaine du Météore qui produit 90 000 cols sur 25 hectares, à Cabrerolles (34). Avant Millésime Bio et Wine Paris, les deux salons auxquels il a participé cette année, il a adressé près de 400 mails d’invitation à des clients et à des prospects. Si une bonne partie de sa clientèle a répondu, cela n’a pas été le cas de la centaine de prospects. « Nous n’avons eu que 5 ou 6 retours qui n’ont abouti à aucune vente, indique-t-il. Mais, contre toute attente, nous avons conclu des marchés avec des acheteurs qui se sont présentés sur notre stand sans que nous les ayons contactés. C’est la première fois que cela arrive ! »
Pour lui, la prospection physique s’avère bien plus porteuse. L’an passé, il a visité une trentaine de cavistes de l’enseigne Cavavin dans l’ouest de la France, la région lyonnaise et en Occitanie. « Je me suis présenté sans rendez-vous, explique-t-il. Je n’ai pas toujours été bien reçu. Mais, la démarche a payé. Presque tous ces cavistes m’ont pris des échantillons et une dizaine ont ensuite passé commande. J’ai réussi à capter l’attention en parlant de l’histoire de mon domaine qui se trouve sur un ancien cratère. Nous avons eu de nombreux articles à ce sujet. » Sa cuvée Le Météore, en appellation Languedoc dans les trois couleurs, est en outre bien placée en prix : 9,80 € TTC au domaine. Son faugères à 12 € TTC a également plu. « Grâce à ce travail de fond, nous sommes aujourd’hui référencés dans l’enseigne au niveau national », se félicite le responsable.
« Les tournées de terrain exigent du temps et de l’investissement, mais elles donnent généralement de bien meilleures retombées que la prospection digitale, confirme Mickaël Rouyer, consultant en marketing viticole. En face-à-face, les clients sont plus réceptifs et plus enclins à passer commande. Mais c’est un travail de longue haleine. Il ne faut pas se contenter d’un passage par an, plutôt deux à trois, pour transformer la visite en acte d’achat. Les vignerons doivent aussi se démarquer en proposant des cuvées dans l’air du temps, à petits degrés, en biodynamie, sans sulfites ajoutés… Ou bien avec des étiquettes originales. »
Pour Séverine Veyrac, propriétaire du château de Belaygues, 13 hectares à Labastide-Saint-Pierre (82) en AOC Fronton, les deux techniques sont complémentaires. Cette ancienne commerciale, qui a rejoint son époux sur l’exploitation en 2018 est sur les routes une bonne partie de l’année. « Cette année, j’ai participé à une dizaine de salons destinés aux particuliers dans l’Ouest, le Centre et en région parisienne, explique-t-elle. Je profite de ces déplacements pour prospecter des cavistes, des restaurateurs et des grossistes. »
Pour les localiser, elle se rend sur Mappy puis elle consulte leur site internet : « pour voir si nos vins peuvent correspondre à leur positionnement, explique-t-elle. Je les contacte ensuite par téléphone pour prendre rendez-vous. Cela me prend deux à trois journées. » Sur place, elle se fixe trois à quatre visites par jour. Grâce à ce travail, la vigneronne a implanté ses vins dans le réseau traditionnel ce qui lui a permis d’augmenter ses ventes qui sont passées de 4 500 à 25 000 cols en six ans. Les professionnels absorbent la moitié de ces quantités.
Pour sa part, Michel Champseix, le propriétaire du Château Vieux Chevrol, 34 hectares à Néac (33) n’a que très peu de temps à consacrer à la prospection physique. Aussi elle se résume à la participation à deux salons par an : Millésime Bio et Wine Paris. « Je ne peux pas m’absenter longtemps de mon domaine. Les salons constituent mon principal levier de démarchage », indique ce vigneron qui commercialise 190 000 bouteilles en AOC Lalande de Pomerol, dont 60 % à l’export.
Pour lui, la prospection numérique « ce n’est pas la panacée. Envoyer des e-mails en masse, c’est l’échec assuré. Il n’y a aucun retour. Cela fonctionne un peu mieux quand je cible les prospects déjà rencontrés et avec lesquels je n’ai pas encore conclu d’affaires. »
Michel Champseix se dit qu’il obtiendrait de meilleurs résultats en passant par des plateformes mettant en contact vendeurs et acheteurs. Cette année, il a testé celle développée par Wine Paris pour mettre les exposants en relation avec les visiteurs. « Cette plateforme nous a renseignés sur le potentiel d’achat des importateurs, les appellations qu’ils cherchent, leur réseau de distribution…, expose-t-il. Le taux de retour n’a pas été incroyable, car on n’était pas les seuls à prospecter. Mais au moins je n’ai pas passé de temps à chercher des adresses ! »
Par cette plateforme, Michel Champseix a obtenu une quinzaine de réponses et quelques rendez-vous dont cinq qu’il juge intéressants. « Il s’agit d’importateurs et de distributeurs nord-américains et coréens qui devraient passer commande », annonce-t-il.
Sur les salons, le consultant Fabrice Chaudier insiste sur la nécessité de transformer l’essai immédiatement. « Lorsqu’on noue un bon contact avec un prospect, il ne faut pas se contenter d’un échange de cartes de visite, assure-t-il. Il faut penser au coup d’après lui en proposant un rendez-vous téléphonique ou une visio. » Selon lui, l’époque où les affaires mettaient des mois avant d’aboutir est révolue. « Aujourd’hui, un nouveau marché peut se conclure rapidement, les vignerons doivent être réactifs », assure-t-il.