ombé sur 450 à 500 hectares de vignes dans la vallée de la Marne, à l’Est de l’Aisne, le violent orage de grêle du dimanche 12 mai est un coup de massue pour les vignerons champenois dont les parcelles sont hachées et ravinées, quand leurs cuviers et domiciles ne sont pas inondés… Et que des talus ne sont pas tombés dans les vignes. Touchant à des degrés divers les communes de Trélou-sur-Marne, de Courcelles, de Passy-sur-Marne et de Barzy-sur-Marne, deux cellules orageuses semblent s’être acharnées sur les vignes sans défense, dont 200 ha auraient été fortement touché d’après les premières estimations que l'on entend dans le vignoble.
Faisant une tournée du vignoble ce mardi 14 mai, Basile Pauthier, le chef de Projet agrométéo du Comité Champagne, confirme une zone étendue des dégâts : « 450 à 500 ha, avec des dégâts allant de 50 à 100 % » selon les zones, ce qui est massif, même si « l’intégralité du rendement n’est pas partie à mon sens pas parti, une bonne quantité n’est plus là » indique l’expert, pour qui les dégâts sont saupoudrés sur l'ensemble des communes touchées. « Un orage de grêle, ça arrive, mais c’est la première fois que cela concerne autant de surfaces. 400 à 500 ha d’un coup, c’est du jamais vu » pointe Marjorie Navarre, la gérante des champagne Alain Navarre (10 hectares en production, dont 2 ha sauvés et 8 ha où il ne reste plus que les bois et quelques feuilles). « Au-dessus de Courcelles, il reste juste du bois. Les grappes étaient déjà visibles, il ne reste plus que du feuillage par endroit » rapporte Christiane Olivier, des champagnes Bruno & Christiane Olivier (4 ha en production, dont 1 ha épargné sur un coteau de Trélou), qui étouffe un juron de dépit : « c'est la m... »
« Nous avons eu un orage fort et long : 80 mm de pluie sont tombés et la grêle a duré 45 minutes » confirme Franck Météyer, des champagnes Météyer Père et fils (14,5 ha), qui estime avoir 2 ha touchés à Courcelles (pour 60 % de dégâts en moyenne) : avec 5 à 6 feuilles étalées avant la grêle, les ceps sont désormais décharnés après son passage : « par endroits, il ne reste que du bois de l’année dernière. » Alors que la pression mildiou est forte en Champagne, le vigneron a pu traiter ces parcelles : « ce n’était pas facile partout, mais de l’eau est annoncée, il faut cicatriser ».
Avec un mildiou particulièrement agressif du fait de la météo 2024, entre températures douces et pluies fréquentes, « le message aux vignerons est de protéger au maximum les vignes pour qu’elles ne soient pas trop impactées » résume Basile Pauthier, pointant que si une cellule orageuse a été grêligène, l’autre n’a été que pluvieuse : autour de 100 mm, expliquant les fortes inondations constatées. Message bien reçu : « il faut préserver le bois. On ne traite pas pour les raisins [qui sont tombés], mais pour que bois ne soit pas attaqué et qu’on le retrouve l’an prochain » explique Marjorie Navarre, qui a mis à profit le chenillard du domaine pour traiter avant les pluies annoncées et prévoit désormais des travaux du sol pour remettre d’aplomb les parcelles ravinés. Avec le matériel végétal abîmé, une année compliquée s’annonce pour Christiane Olivier, qui note qu’au-delà du millésime 2024, il y aura une taille difficile sur les deux prochaines années. Avec ce que cela implique de pertes de récolte. « On verra avec le quota de récolte et ce que l’on vendangera, il nous reste un peu de réserve individuelle » indique la vigneronne, qui n’a pas contracté d’assurance climatique, comme les autres domaines contactés.
« En Champagne, on a notre assurance personnelle : la réserve individuelle » résume Jean-Claude Mignon, des champagnes éponymes (3,5 ha avec 90 % de pertes), reconnaissant que « ça ne couvre pas tout le manque de récolte » et soupirant face à ses vignes dévastés : « c’est comme ça, il faut être réaliste et fataliste. »
« Pour l’instant, la meilleure défense vis-à-vis des aléas climatique en Champagne est la réserve individuelle » confirme Basile Pauthier, indiquant que l’interprofession commence à étudier les effets des filets paragrêles cette année (hors AOC, sur un domaine expérimental).
Parcelle de chardonnay à Courcelles. Champagnes Bruno & Christiane Olivier.