e plan d’aide à la filière viticole est enfin annoncé : « on a un sujet viticole qui est très grave. On a pris la mesure du problème » pose le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, ce mercredi 31 janvier à 8h30 face à Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio. Le ministre annonce d’emblée l’ouverture d’un fonds d’urgence de « 80 millions € qui permettra de couvrir les aléas qu’ont rencontré un certain nombre de régions viticoles, ça couvre l’ensemble des régions viticoles en crise évidemment » et d’ajouter que cet outil « permettra de couvrir les aléas comme le mildiou, et puis des difficultés de trésorerie, puisque l’on prendra en charge les intérêts d’emprunt sur l’année 2024. C’est autant de trésorerie dégagée [face à] l’ensemble des aléas ou des crises qu’ils ont traversées du Bordelais à l’Occitanie et parfois un peu en vallée du Rhône ». Une précision nécessaire suite au couac du premier ministre de la veille. Car après les non-annonces de Gabriel Attal, le vignoble s’est mobilisé pour faire monter la pression… Et obtenir des annonces rapides. « Ça correspond à une partie de nos demandes » pointe Stéphane Héraud, le président de l'Association Générale de la Production Viticole (AGPV), qui partage à chaud « le sentiment que l’on rentre dans le concret de mesures spécifiques à la viticulture. Il faut maintenant rentrer dans le détail des mesures ». « C’est plutôt positif, même si le compte n’y est pas je vois le verre à moitié plein » ajoute Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC).
« On attendait avec beaucoup d’impatience les annonces sur le plan de filière viticole, qui s’adaptera à tous les bassins viticoles touchés par les difficultés climatiques, économiques et sanitaires. Il était hors de question qu’il y ait autre chose qu’un message à toute la viticulture » réagit Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. Répondant à la demande de la filière d’un fonds d’urgence de 80 millions € prenant en charge les pertes de potentiel de production (sécheresse et mildiou) et les difficultés économiques par un décalage des encours bancaire prenant en charge les frais et intérêts bancaires (l’année blanche bancaire), l’outil conjoncturel annoncé doit désormais être précisé (il devrait être soumis aux minimis) et très prochainement mis en œuvre : « son déploiement doit être rapide à la main des préfets. Nous allons attendre les précisions du ministre, mais notre volonté est de pouvoir déposer de premiers dossiers dès la semaine prochaine » indique Jérôme Despey. Dans un communiqué, le ministère de l'Agriculture précise que « le dispositif cadré au niveau national de façon générale sera mis en œuvre rapidement, sous la responsabilité des préfets des départements des bassins viticoles en crise [...] avec une ouverture des demandes en préfecture dès le lundi 5 février 2024, et des premiers paiements avant le Salon International de l’Agriculture » (qui ouvre le samedi 24 février).
Face à « la crise viticole devant et derrière nous, on a un sujet structurel de baisse de consommation de vin à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières » poursuit Marc Fesneau sur Sud Radio, annonçant « une mesure structurelle de 150 millions € qui visera à arracher de manière temporaire les vignes, le temps de restructurer ». Soit une « prime à l’arrachage le temps que la restructuration se fasse », mais aussi « une prime à l’arrachage qui pourrait être rendue définitive pour motif de diversification agricole. Vous retirez du volume provisoirement pour restructurer [sur d’autres cépages] ou pour produire autre chose. Ça peut concerner jusqu’à 100 000 hectares de vigne, je rappelle qu’il y a environ 700 000 ha de vignes en France, c’est absolument massif comme plan. » Le ministère ajoute dans un communiqué qu'il s'agit d'« un appui structurel de l’Etat à hauteur de 150 millions € en complément des crédits du programme national viti-vinicole (OCM) pour mettre en œuvre une restructuration différée, comprenant une option d’arrachage "sans replantation" en vue d’une diversification agricole, tout en assurant la continuité des autres actions du programme national d’aide. »
Ces « 150 millions € s’ajoutent au crédit OCM vitivinicole pour compléter la mesure de restructuration différée pour but d’arrachage temporaire (demandée sur 8 ans) » abonde Jérome Despey, qui souligne l’objectif de « diminuer le potentiel de production en permettant la reconversion du vignoble pour s’adapter aux marchés [ou l’]option de perdre leurs autorisations de plantation et pouvoir arracher ». Attendant des précisions, la filière porte la demande d’une prime d’arrachage supérieure pour ceux arrêtant la viticulture, avec des aides supérieures aux 50 % évoqués des 2 500 €/ha de frais d’arrachage. Mais les précisions vont demander des négociations avec la Commission Européenne, cet outil structurant en dépendant. Se déplaçant ce jour à Bruxelles, le ministre se montre confiant à la radio. « Vous allez l’obtenir ? » lui demande Jean-Jacques Bourdin. « Jusqu’alors, j’ai toujours obtenu ce que j’estimais devoir obtenir à Bruxelles » répond Marc Fesneau, soulignant qu’« il y a des demandes de même nature de nos amis Italiens et Espagnols. On va construire une coalition. » Pour Jérôme Bauer, il reste « plusieurs choses à clarifier » sur l’outil d’arrachage : « aujourd’hui l’outil proposé d’arrachage temporaire ou d’arrachage pour la diversification ne répond pas à l’enjeu de la pyramide des âges. C’est la grosse problématique des vignerons en fin de carrière qui vont partir à la retraite et ne vont pas arracher pour planter du pois chiche… »
Sur Sud Radio, Marc Fesneau annonce également à la filière vin continuer de suivre l’application « des mesures de de restructuration des prêts au travers du glissement des prêts garantis par l’État (PGE) en prêts bonifiés. La mesure peut se mettre en place dès le début du mois de février. On va dialoguer avec les banques, nous avons besoin de la solidarité et de l’allant des banques sur ce dispositif qui est dans leur main ». Car si l’appel à projet de substitution des PGE en prêts bonifiés a été lancé, « le vent des vignes me laisse supposer que certaines banques, au moment où elles peuvent montrer qu’elles sont de véritables partenaires, hésitent à déployer les prêts bonifiés et à répondre à l’appel à projet parce que cela pourrait avoir un coût pour elles ou être peu rentable » grince Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui appelle les banques à s’en saisir : « si leur vision du soutien à la filière repose sur une rentabilité à court terme, cela porterait un coup terrible à nos entreprises. Il va falloir être au rendez-vous ! »
Prochain rendez-vous pour la filière vin avec la venue attendue du ministre ce vendredi 2 février ou avant dans l’Hérault, comme promis lors de sa venue fin novembre au salon Sitevi. « L’Etat soutiendra les viticulteurs touchés par cette crise comme je l’avais annoncé, et comme je m’y étais engagé, je me rendrai dans les plus brefs délais dans l’Hérault pour leur présenter ces mesures » indique dans un communiqué Marc Fesneau. Enrichissant encore récememnt ses demandes face aux crises de la déconsommation et de l'inflation qui la frappe, la filière vin demande également une aide au stockage privé, un soutien aux entreprises de l'aval... Notant l’évocation par le ministre à la radio des enjeux d’installation/transmission qui sont chers à la CNAOC, Jérôme Bauer appelle à un travail plus profond en concertation avec le terrain. Le vigneron alsacien reste aussi sur sa faim concernant les mesures transversales de simplification administrative, de discussion de prix entre production et distribution, d’évolution de la moyenne olympique sur l’assurance récolte…