e plan de filière nouveau est arrivé. Ce jeudi 7 décembre, la filière vin dévoile son plan stratégique à l’occasion du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. Réunissant en intense réflexion 9 organisations de la production et du négoce* depuis un an, ce travail doit répondre à « de nouvelles projections [faisant] redouter une contraction de 20 % du marché du vin sur les 10 prochaines années, avec des conséquences sociales redoutables ». Traitant de la déconsommation, ce plan stratégique n’oublie aucun des défis d’avenir de la filière vin dans ses 6 axes (voir encadré).
Sont évoqués les besoins d’innovations viticoles et œnologiques, d’adaptation au changement climatique de la production, de valorisation de la transition agroécologique, de segmentation de l’offre, de diversification des profils et des produits, de dimensionnement à la demande, de connaissance des attentes du consommateur, d’ambition de conquêtes à l’export… L’effet d’annonce ne peut qu’être séduisant, mais comment s’assurer que ce plan aura des effets concrets ?
Il ne faut pas que ce rapport serve à caler une table
« Il ne faut pas que ce rapport serve à caler une table comme les précédents » répète Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs. Mais comment être grand faiseux et non grand diseux quand l’utilité des précédents rapports de ce type est au mieux discutable ? Notant que la filière vin a réalisé sept plans stratégiques dans son histoire récente (le denier a dix ans, étant paru le 18 décembre 2013), Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, note une différence de taille dans le plan millésime 2023 : alors que précédemment l’État était partie prenante, ici « c’est l’œuvre d’une co-construction entre metteurs en marché et production. C’est vraiment la filière qui s’est mise autour de la table pour bâtir un plan qui engage la filière à trouver des actions amenant à des résultats. » Et « au vu de la gravité de la situation, nous avons tous à cœur de ne pas nous planter » souligne le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault).
« Il faut que la filière vin se rénove. Il n'y a pas d’autre choix pour réussir la métamorphose d’une partie de la filière. Car il y a des choses qui marchent très bien à côté de modèles essoufflés qui doivent être accompagnés » abonde Samuel Montgermont, le président de Vin & Société, qui relève que « ce n’est pas un plan de filière commandé. Il vient de la filière et de sa volonté de s’organiser. Le plan de filière a cette vertu : tous nous mettre autour de la table. Nous avons appris à travailler ensemble. Il faudra voir le résultat, qui ne réussira que par la volonté des hommes. Pendant un an on s’est dit tous les noms d’oiseaux, maintenant on avance. »
Avec six groupes de travail pour chacun des axes du plan, les représentants nationaux de la filière vin se sont répartis en binômes production/négoce pour avancer sur des propositions concrètes (y compris de financements). Pour arriver à terme, tout l’enjeu est de maintenir l’union portée sur les constats aux solutions préconisées. « Il faut arriver à se mettre en ordre de marche » résumait sur le sujet de l’arrachage Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC).
Pour répondre aux multiples défis, la boîte à outils demandée par la filière est structurelle, mais doit d’abord s’appuyer sur des aides conjoncturelles pour passer le cap. Il faut un soutien économique immédiat aux trésoreries (fonds d’urgence renforcé, année blanche bancaire, transformation des PGE en prêts bonifiés…), des investissement pour l’adaptation au changement climatique (et la résilience aux aléas climatiques : gel, grêle, sécheresse…), des aides à la conquête de parts de marché (à l’export notamment) martèle depuis des mois Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France.
Entre aides conjoncturelles et soutiens structurels, les demandes de la filière devraient être présentés au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, début 2024. Après des distillations de crise en 2021 et 2023, ce plan stratégique découle aussi de la nécessité pour la filière vin de démontrer qu’elle n’est pas condamnée à demander des aides d’urgence, mais peut se placer dans une logique d’anticipation structurelle. En la matière, « je crois beaucoup aux outils de régulation tel que le BIC d'Inter'Oc et le VIP2C d'Intervins Sud-Est développés pour les IGP » confie Gérard Bancillon, le président de Vin IGP.
Le plan de filière nouveau doit désormais se concrétiser.
* : Sont signataires de ce plan le Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV), l’Union des Maisons & Marques de Vin (UMVIN), la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), la Confédération des Vin IGP de France (Vin IGP), La Coopération Agricole – Vignerons Coopérateurs, les Vignerons Indépendants de France, Vin et Société, les Jeunes Agriculteurs et la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA).
« La filière a pris l’initiative historique de se rassembler autour d’un plan stratégique de transformation, qui doit marquer le lancement d’une nouvelle dynamique collective pour reconquérir le terrain perdu et préserver l’avenir du vin en France » annonce un communiqué collectif, détaillant les quatre axes principaux :
« "Partager et faire vivre des observatoires des tendances des marchés" (Axe A) et "Dynamiser l’innovation" (Axe B).Les réflexions de ces groupes de travail auront pour objectif d’aider à reconnecter la filière aux consommateurs qui se sont détournés du vin (en particulier les jeunes générations), en travaillant notamment à l’adaptation des produits aux nouvelles attentes, aux nouvelles pratiques et aux nouveaux goûts (exemple : des vins plus légers en alcool, nouveaux contenants, etc). Cet axe suppose notamment de développer une nouvelle capacité de veille stratégique sur les attentes de marchés, pour faire émerger collectivement de nouveaux produits et marques fortes en complémentarité avec l’offre existante, tout en promouvant une forte culture commerciale et des plans de communication et de marketing ambitieux.
"Soutenir les stratégies à l’export" (Axe C). Les travaux de ce groupe doivent aider à une plus grande performance à l’export – en valeur comme en volumes – à l’heure où les vins français font face à une forte concurrence sur les marchés étrangers.
"Incarner la valeur RSE de la filière" (Axe D). Les acteurs du vin doivent porter et donner à voir les contributions sociétales et environnementales de la filière, en réponse notamment aux préoccupations de plus en plus prégnantes de la part des consommateurs. »
Deux autres axes transversaux s’ajoutent au plan :
« Axe horizontal 1 – Valoriser et moderniser l’image du vin et de la filière en privilégiant tous les leviers disponibles dont l’œnotourisme ; en s’appuyant notamment sur les nouvelles générations de vignerons.
Axe horizontal 2 – Développer la capacité d’action collective de la filière par un renouvellement de nos modes de gouvernance pour porter le plan de filière, une recherche de toutes les sources de financements possibles et une meilleure adaptation du potentiel de production aux demandes des marchés. »