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Comment les villes attirent le Tour de France

Montrer les paysages est, depuis toujours, la deuxième « mission » du Tour de France qui a démarré samedi, et l'une des raisons de son succès.

Les villes traversées par le Tour de France bénéficient d'importantes  retombées touristiques
Les villes traversées par le Tour de France bénéficient d'importantes retombées touristiques (ASO/Alex BROADWAY)

Par Laurence Albert

Publié le 6 juil. 2019 à 09:00Mis à jour le 6 juil. 2019 à 21:53

Dimanche 7 juillet, entre 12 h 35 et 12 h 38, les premiers cyclistes du Tour de France franchiront la frontière qui sépare Erquelinnes (Belgique) de Jeumont (Nord). Si cette 106e édition commence samedi par un épisode bruxellois, hommage à Eddy Merckx, l'essentiel de la course se déroulera, comme tous les ans, sur l'asphalte tricolore. Montrer la beauté des paysages français, c'est depuis toujours la deuxième mission, moins connue mais assumée, du Tour et l'une des raisons de son succès. Les élus locaux et les professionnels du tourisme ne s'y trompent pas, toujours plus nombreux (280 villes pour 2020) à frapper à la porte de l'organisateur, Amaury Sport Organisation (ASO). « Le 'stade' des cyclistes du Tour de France, c'est le pays tout entier. Quel autre sport peut en dire autant ? » s'enthousiasme l'ancien cycliste Thierry Gouvenou, devenu directeur technique d'ASO.

Le rituel est rodé. Chaque année, ASO dévoile d'abord le nom de la ville du grand départ, puis le tracé en octobre. En juin 2020, les coureurs s'élanceront de Nice. Obtenir le label convoité de ville étape (d'arrivée ou de départ) exige parfois des élus des trésors de patience et de ténacité. Certains mènent campagne plusieurs années quand d'autres (la Vendée, les Alpes…) sont des « habitués » du Tour. Brioude, ville d'arrivée de la neuvième étape, a notamment construit son dossier de candidature autour de son cycliste vedette, Romain Bardet. Mais ASO ne fonde pas uniquement son choix sur des critères sportifs. « Les candidats ont des atouts touristiques, culturels, voire comme Bruxelles, des projets, dont nous essayons de tenir compte. L'idée est aussi de concevoir des départs très variés », explique Thierry Gouvenou, qui se réjouit d'avance des possibilités offertes par l'arrière-pays niçois. ASO affine le tracé pendant un an. Très montagneuse (7 étapes), cette Grande Boucle 2019 déclinée en 21 séquences, traverse le pont du Gard et la Cour carrée du Louvre. En 2016, c'était le Mont-Saint-Michel et Utah Beach.

Contingences techniques

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Accueillir la course suppose de satisfaire à de nombreuses contingences techniques. A l'appui de sa candidature, Brioude a fait valoir une capacité hôtelière de 5.743 chambres à moins de 50 minutes, et une avenue longue de 800 mètres et large de 10 mètres. La topographie des communes, et notamment des étapes d'arrivée, est déterminante pour ASO, qui veille à la sécurité de ses coureurs. Trop de ronds-points, de chicanes rétrécissant le passage du peloton peuvent disqualifier. 

Sept étapes de montagne sont prévues cette année. En 2018, le Tour  était passé entre  Bourg-Saint-Maurice les Arcs et l' Alpe D'Huez 

Sept étapes de montagne sont prévues cette année. En 2018, le Tour  était passé entre  Bourg-Saint-Maurice les Arcs et l' Alpe D'Huez ASO/A.BROADWAY

Toulouse s'est ainsi vu refuser cette année un départ dans un quartier populaire, devenu simple point de passage. Pour s'assurer du bon état de la chaussée, ASO travaille depuis dix ans main dans la main avec l'Association des départements de France (ADF), compétente en matière routière. Avant le Tour, ses agents ont passé au peigne fin les 3.480 kilomètres du tracé. Pendant les épreuves, ils sont aussi là, pour disposer avant le passage des coureurs 4.200 panneaux signalétiques provisoires au bord de la chaussée. Petites mains invisibles mais indispensables, qui signalent au peloton les ralentisseurs, le sens des giratoires, disposent des ballots de foin dans les virages dangereux, arrosent une route dont le goudron fond au soleil, et ramassent les déchets de la Caravane, à l'aide de « Gros Léon », une balayeuse mise à disposition par le département des Vosges.

Le Gard grand gagnant

Pour les élus, la première des épreuves consiste à garder le silence jusqu'au dévoilement du tracé. « J'ai tenu bon, mais ce n'était pas facile, d'autant qu'ils m'ont fait l'été dernier une proposition inespérée : trois jours d'étape au lieu d'un ! » se remémore, amusé, Denis Bouad, le président du Conseil départemental du Gard. 

Avec Albi, le Gard est l'un des grands gagnants de cette édition. Son coup de maître ? Avoir proposé le pont du Gard, monument vieux de 2000 ans et large de 3 à 5 mètres à peine, sur lequel le Tour s'élancera à deux reprises. Images hors du commun qui feront, à coup sûr, le tour du monde. Pour y parvenir, le département a dû fournir des audits techniques à l'Etat, le pont du Gard étant un établissement public culturel. Il a aussi mis 300.000 euros sur la table pour financer les trois jours de passage. Nîmes, à la fois ville de départ et d'arrivée le 23 juillet, délie également les cordons de la bourse. « Parmi ces dépenses, il y a aussi des travaux de réfection des routes qui auraient de toute façon eu lieu en 2020 ou 2021 », relativise Denis Bouad. Décaler un calendrier, engager de petits travaux - mais non des gros -, c'est un investissement que consentent de plus en plus de départements, confirme l'ADF. Cette année, ils sont 37 sur la ligne de départ. Le cofinancement entre collectivités est devenu la règle.

Le Tour, c'est un ticket d'entrée minimum de 60.000 à 110.000 euros pour une ville étape. Mais pour les élus, l'affaire reste rentable. « Chaque euro investi génère de 1,5 à 2 euros de retombées pour la ville étape et ASO évoque plus de 10 % de fréquentation touristique supplémentaire l'année qui suit une étape », rappelait récemment le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne. « Ces trois jours, ce sont 5.000 personnes qui se déplacent dans le Gard, ce sont des heures d'antenne retransmises dans 190 pays… Je m'attends à ce que les retombées atteignent même, sur deux ans, 5 euros pour un euro investi ! » assure de son côté Denis Bouad.

Chaque été, 10 à 12 millions de spectateurs se massent au bord des routes. Des millions d'autres regardent cette France de « carte postale » derrière leur petit écran. Conscient du potentiel, Atout France, l'organe de promotion touristique des régions françaises à l'international, a d'ailleurs signé mi-juin un partenariat avec ASO. Les collectivités jouent aussi à fond la carte du marketing territorial. Quatre d'entre elles au moins ont leur propre véhicule dans la Caravane. L'Alsace y mène campagne autour de la réunification du Bas-Rhin et du Haut Rhin ; le Béarn, pionnier, escompte récolter deux fois plus d'euros qu'il n'en investit. Le Gard, qui, comme la Meuse, joue la communication numérique, a carrément renommé sa séquence du Tour sur un site Internet dédié. La Grande Boucle y est devenue, pour trois jours, « la Boucle romaine ».

Laurence Albert

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