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En Ile-de France, les tiers-lieux, fragilisés, rouvrent timidement

Restauration solidaire, programmation éclectique, organisation d'événements : en Île-de-France, tiers-lieu culturel rime souvent avec grands espaces… et grands projets. Après plusieurs semaines de fermeture, de premiers établissements rouvrent en ce début du mois de juin. Moyen de tenter d'endiguer une situation économique fragile.

Les Grands Voisins n'ont pas pu bénéficier du prêt garanti par l'Etat.
Les Grands Voisins n'ont pas pu bénéficier du prêt garanti par l'Etat. (Francois Mori/AP/Sipa)

Par Les Echos

Publié le 5 juin 2020 à 13:35Mis à jour le 5 juin 2020 à 13:38

Le séisme économique généré par la crise du coronavirus n'a pas épargné les tiers-lieux franciliens, ces sites hybrides mixant artisanat, restauration, coworking et activités culturelles et sociales.

Au Ground Control, tiers-lieu situé sur une ancienne halle de tri postal de la SNCF dans le XIIe arrondissement, l'heure de la réouverture a sonné le vendredi 5 Juin. L'établissement était fermé depuis le 13 mars. « Avec le confinement, il y a eu un arrêt de toute activité commerciale », explique Denis Legat, directeur associé de La Lune Rousse, l'agence qui gère le tiers-lieu. Sur la soixantaine d'employés, la plupart ont été mis au chômage partiel. Le prêt garanti par l'Etat, opéré par la BPI, lui a permis d'assurer la trésorerie : « Avec ce que nous a octroyé la banque, on peut tenir jusqu'à septembre. » 

Même son de cloche chez Stéphane Vatinel, à la tête de Sinny & Ooko, qui gère trois tiers-lieux franciliens : La Cité Fertile (à Pantin), La Recyclerie (XVIIIe) et Le Pavillon des Canaux (XIXe). Les dispositifs mis en place par l'Etat ont constitué une aide « inespérée » selon lui. « Le prêt garanti par l'Etat (PGE) soulage notre trésorerie. » Les deux entrepreneurs pointent cependant l'aspect négatif de ces prêts : l'endettement. Pour Stéphane Vatinel, il faudra « minimum cinq ans » pour rembourser les prêts. « Nous le sentirons encore dans nos comptes. » Même s'il reste très reconnaissant par rapport à cette aide : « Si on n'avait pas eu le PGE, on serait très certainement en cessation de paiement. »

Un fonds de soutien pour passer la crise 

Dans l'Hexagone, les tiers-lieux ont été touchés par la crise « comme toutes les TPE ou PME », explique Patrick Levy-Waitz, le président de France-Tiers Lieux. Une enquête menée nationalement montre que 80 % des établissements interrogés craignent devoir fermer « à court ou moyen terme ». A La clef, une perte de chiffre d'affaires de 111,5 millions en 2020 pour les 2000 tiers-lieux.

Outre le chômage partiel et les reports de charges, des aides spécifiques ont été mises en place. L'association a développé un fonds d'urgence avec la Fondation de France. Nommé « Makers contre le Covid-19 », il est destiné aux tiers-lieux qui se sont mobilisés pour fabriquer des prototypes de matériel médical ou des visières. Cette aide pourra atteindre 10.000,00 euros. Un fonds sera également adjoint au programme « Les Fabriques des Territoires » développé avec le gouvernement. « Près d'un million d'euros devraient être mis sur la table pour aider les tiers-lieux à passer la crise », explique Patrick Levy-Waitz. 

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Un prêt dont tous les tiers-lieux n'ont pas pu bénéficier. Les Cinq Toits (XVIe) et Les Grands Voisins (XIVe) , deux tiers-lieux solidaires qui abritent notamment des centres d'hébergement d'urgence (CHU) en ont été exclus. « Nous ne sommes pas sur des modèles qui nous permettent de rembourser ces prêts » explique le directeur des deux sites, William Dufourcq de l'association Aurore. Le confinement a donc été « catastrophique ». 

Les ressources de ces tiers lieux proviennent en effet soit de la fréquentation du public, soit de la mise à disposition de bureaux à des associations, des artisans ou des artistes. Rares sont les occupants qui règlent de véritables loyers. En revanche, ils doivent participer au paiement des charges. Or avec la crise, « un certain nombre d'occupants, qui ont eux-mêmes un modèle économique fragile, ne peuvent plus contribuer aux charges. En tant que gestionnaires, cela nous met en difficulté », détaille William Dufourcq. A la fin du projet des Grands Voisins - décalé à septembre - les pertes avoisineront 200.000 euros. 

Un été très incertain

Les gestionnaires voient arriver avec appréhension la période cruciale de l'été. La Recyclerie et les Grands Voisins ont rouvert respectivement les 2 et 4 juin. Mais la Cité Fertile se donne encore un peu de temps. Ces mois d'été sont les « meilleurs de l'année », affirme Stéphane Vatinel. Les deux tiers des 250.000 visiteurs annuels de La Recyclerie viennent de mars à septembre. « C'est l'été qui nous permet de faire tout ce qu'on fait : si on n'a pas l'été, on casse le modèle », confirme Denis Legat.

Rouvrir, oui mais comment ? Nombre de gestionnaires redoutent que la reprise ne soit pas optimale, en raison des mesures de sécurité à mettre en place. Le directeur associé de La Lune rousse table sur une fréquentation réduite de moitié. Une jauge que redoute Stéphane Vatinel : « Nos lieux ne fonctionneront pas avec 50 % de fréquentation. » Les bénéfices seraient insuffisants. Pour y faire face, l'entrepreneur a déjà imaginé des solutions pour ses tiers-lieux, comme des créneaux horaires élargis. « On va devoir faire le dos rond. » 

Les tiers-lieux ont déjà commencé à réfléchir à d'autres moyens pour faire rentrer des recettes. Sur le site des Cinq Toits, un food-truck vient d'être installé pour faire de la vente de produits alimentaire. Une façon d'assurer un retour de revenus, assure William Dufourcq. Reste à savoir si le public sera au rendez-vous.

Patrick Levy-Waitz, président de France Tiers-Lieux, estime que l'activité économique devrait repartir plus facilement dans les grandes métropoles : « Cette activité économique viendra soutenir les tiers-lieux au même titre que d'autres acteurs. » Une analyse qui rassurera peut-être les tiers-lieux franciliens, en attendant les beaux jours. 

Marie Delumeau 

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