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Pour la première fois, le Japon va aider les Etats-Unis à fournir des armes à l'Ukraine

Tokyo s'interdit de vendre des armes létales à l'étranger. Mais il va commencer à livrer des missiles Patriot aux Etats-Unis pour permettre à Washington de puiser dans ses propres stocks et alimenter l'armée ukrainienne dans son combat contre l'agression russe.

Le gouvernement japonais va s'autoriser à livrer des missiles Patriot aux Etats-Unis.
Le gouvernement japonais va s'autoriser à livrer des missiles Patriot aux Etats-Unis. (Epn/Newscom/SIPA)

Par Yann Rousseau

Publié le 21 déc. 2023 à 11:44Mis à jour le 21 déc. 2023 à 14:10

Après des mois de négociations politiques tendues entre les différents partenaires de sa majorité, le gouvernement japonais va amender, vendredi, sa réglementation sur les exportations de matériel de défense dans une réforme très symbolique qui va permettre, indirectement, aux Etats-Unis de doper leurs livraisons de missiles à l'Ukraine.

Pour la première fois, le Conseil national de sécurité japonais va ainsi autoriser l'expédition d'armes létales fabriquées au Japon sous licence vers le pays d'où est originaire l'entreprise détenant les brevets de l'équipement. Jusqu'ici, seuls des composants fabriqués sous licence pouvaient être livrés vers une poignée de pays partenaires. Et aucun armement complet, susceptible de tuer ou de blesser, ne pouvait être vendu hors du pays.

Des armes fabriquées sous licence

Grâce à cet ajustement, le groupe japonais Mitsubishi Heavy Industries va être autorisé à vendre aux Etats-Unis des missiles sol-air Patriot Advanced Capability de type PAC-2 et PAC-3 que le groupe fabrique actuellement dans l'archipel. Il avait négocié dans les années 2000, dans le cadre d'un accord de défense entre Tokyo et Washington, des contrats de licence auprès des entreprises de défense américaines Lockheed Martin et RTX, anciennement Raytheon Technologies.

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Dans un premier temps, ces missiles made in Japan ne seront pas livrés directement à Kiev ou à d'autres nations. Ils iront alimenter les stocks d'armes américains et permettront aux Etats-Unis de doper leurs livraisons de missiles Patriot made in USA à leurs partenaires actuellement engagés dans des conflits et particulièrement à l'Ukraine. Dans un second temps, Tokyo pourrait envisager d'autoriser, au coup par coup, Washington à transférer des missiles de fabrication japonaise à un pays tiers qui serait agressé.

Avant de libéraliser ces exportations, le gouvernement japonais, qui ne livre pour l'instant, en direct, à l'Ukraine que quelques équipements de protection (casques, gilets par balle…) ou de transport, va toutefois devoir batailler avec les partis qui forment la coalition conservatrice au sein de l'exécutif. « Toute l'industrie de la défense est suspendue à un débat interne extrêmement politique », résume un expert du secteur, engagé dans des négociations avec Tokyo. « L'essentiel du blocage vient du Komeito », analyse le spécialiste, dans une référence à la formation de centre droit qui s'est imposée comme le principal allié électoral du PLD, le grand parti au pouvoir.

Fondé dans les années 1960 par des membres du mouvement bouddhiste Soka gakkai, ce parti se présente en grand défenseur des principes pacifistes de la constitution japonaise - le pays s'interdit d'avoir recours à la guerre - et freine toute réforme précipitée des grands principes qui encadrent actuellement les livraisons d'armes à l'international. Edictés en 1967, ces principes interdisent, en théorie, les ventes aux pays du bloc communiste, aux pays sous embargo du Conseil de sécurité de l'ONU et aux pays en guerre.

Ces dernières années, ils ont toutefois été aménagés pour tenir compte de la montée des tensions régionales autour de Taïwan, de la Chine ou encore de la Corée du Nord, et des pressions des grands partenaires de Tokyo. « En plus des Etats-Unis, ce sont surtout le Royaume-Uni et l'Italie qui poussent actuellement le Japon à assouplir ses règles d'exportation d'équipements militaires pour permettre le développement d'un avion de combat furtif de sixième génération », explique l'expert.

La pression de Londres et Rome

Les ministères de la Défense nippon, italien et anglais ont célébré, à la mi-décembre à Tokyo, la création de la structure qui va superviser le développement d'ici à 2035 de ce nouveau chasseur conçu conjointement par BAE Systems, Mitsubishi Heavy Industries et Leonardo. Mais avant de se mobiliser pleinement sur ce projet, évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars, les partenaires du Japon veulent être certains qu'ils pourront vendre librement leur avion à l'international et ne se retrouveront pas contraints par les réticences japonaises.

Pour apporter des garanties concrètes à Londres et à Rome, le gouvernement de Fumio Kishida va devoir convaincre le Komeito d'assouplir sa posture mais il négocie dans une position de faiblesse. La cote du Premier ministre est au plus bas dans les sondages et des dizaines de parlementaires du PLD se retrouvent impliqués dans un vaste scandale politico-financier qui n'incite pas le Komeito à faire preuve de mansuétude à l'égard de son partenaire fragilisé.

Yann Rousseau (Correspondant à Tokyo)

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