Hébergement forcé des SDF : la polémique enfle, Fillon s'explique
Par Marie Bellan
En décembre 2006, les tentes des Enfants de Don Quichotte avaient déjà défrayé la chronique, montrant au grand jour ce que personne n'a envie de voir : des sans-domicile-fixe (SDF) contraints de passer la nuit dans la rue, faute d'hébergement. Aujourd'hui, c'est le décompte macabre des sans-abri décédés sur la voie publique qui vient réveiller les mauvaises consciences et bousculer du même coup les pouvoirs publics. Mercredi soir, un SDF âgé de cinquante et un ans a été retrouvé mort dans la camionnette où il vivait, à Gennevilliers. Ce qui porte à cinq le nombre de décès de sans-abri intervenus depuis un mois dans la région parisienne.
Dès mercredi, la ministre du Logement, Christine Boutin, avait réagi en proposant de contraindre les SDF à rejoindre un centre d'hébergement d'urgence « lorsqu'on sera en dessous de 6 degrés ». Une idée, poussée par le président de la République (lire ci-dessous), qui a suscité de vifs débats.
François Fillon, en déplacement hier à Arcachon, a tenu à apporter des éclaircissements : « On est attaché à la liberté de chacun, il n'est pas question de revenir sur ces principes, mais à certains moments, notamment dans les grands froids, il y a un devoir d'assistance à personne en danger. » Le Premier ministre a notamment insisté sur la nécessité de « tenter le maximum pour essayer de les mettre à l'abri » et de « convaincre par tous les moyens ceux qui sont en danger de mort ». Depuis le début de l'année, 265 sans-abri en France sont décédés dans la rue, selon Emmaüs, sur un total estimé de 100.000 SDF environ.
« Des solutions existent »
Les associations, elles, s'inquiètent des conséquences que pourrait avoir un dispositif trop contraignant : « On les met encore plus en danger en voulant les sauver, car ils ne resteront pas dans les centres d'hébergement. Ces structures ne correspondent pas à leurs besoins », insiste Didier Piard, le directeur de l'action sociale de la Croix-Rouge française. Les centres d'hébergement d'urgence ne permettent pas, notamment, l'accueil des couples ou des personnes accompagnées de chiens, ce qui est fréquent chez les SDF. Enfin, beaucoup de sans-abri se plaignent des vols commis dans ces centres. « Des solutions existent. Il faudrait par exemple davantage de petites unités d'accueil d'une vingtaine de personnes maximum, et si possible pas trop éloignées de l'endroit où vivent habituellement les sans-abri, poursuit Didier Piard, sinon ils ne resteront pas et risquent de se cacher dans des endroits où il sera encore plus difficile de leur porter secours. »
Autre inquiétude des associations pour les mois à venir : la fin de la trêve hivernale au printemps qui pourrait cette année voir l'expulsion d'un nombre croissant de ménages, incapables de payer leur loyer du fait de la crise économique.
MARIE BELLAN