[go: up one dir, main page]

Publicité

A Davos, les Etats-Unis soulignent les limites de la « nouvelle économie »

Bill Clinton était attendu au 30e Forum de Davos comme le champion de la prospérité et de la « nouvelle économie ». Le président américain a souligné les dangers de toute autosatisfaction.

Publié le 31 janv. 2000 à 01:01

Tout était réuni pour faire de ce 30e Forum de Davos le triomphe des Etats-Unis et de la « nouvelle économie » : le poids écrasant des Américains, près du tiers des quelque 1.000 dirigeants d'entreprise présents, la venue spectaculaire de Bill Clinton, sacré champion de la prospérité, le tout sur fond de douce euphorie, tant 2000 s'annonce faste. Si les Etats-Unis s'apprêtent à fêter dignement neuf ans de croissance, un record amplifié par une hausse du PIB de 4 % en 1999, l'Europe a tous les atouts pour prendre la relève. Et, paradoxalement renforcés par la purge de la crise financière, les « chatons » d'Asie sont en passe de devenir de vrais tigres économiques. Seul le Japon, toujours en mal de demande interne, ternit le tableau.

Pourtant, un sentiment de malaise s'est fait jour depuis jeudi dernier à Davos, alimenté par la prise de conscience des limites de la « nouvelle économie » et des défis mal maîtrisés des technologies de l'information. Le premier grain de sable est venu des résultats du sondage mené par PricewaterhouseCoopers auprès de 1.020 dirigeants d'entreprise. Plus de 500 d'entre eux partagent l'analyse des économistes qui, depuis quelques années, soulignent que l'actuelle révolution technologique, contrairement aux précédentes révolutions industrielles, va accroître les inégalités au sein des pays, comme entre pays riches et en développement. En d'autres termes, l'émergence d'« infopauvres » et d'« inforiches » risque, si l'on n'y prend garde, d'être lourde de menaces sociales et politiques.

« Nouvelles vulnérabilités »

Cette préoccupation, le président Clinton l'a relayée à sa façon. Devant un parterre de participants prêts à en découdre avec les services de sécurité américains pour pouvoir l'écouter, il a plaidé en faveur de « nouvelles responsabilités » et « solidarités » face aux « nouvelles vulnérabilités » nées de la mondialisation. Comme il l'avait fait à usage interne, jeudi dernier, dans son discours sur l'état de l'Union (« Les Echos » des 28 et 29 janvier). Mais à Davos, ce message se voulait aussi une réponse à ce qu'on nomme par facilité « la société civile », cette nébuleuse d'organisations non gouvernementales venues apporter la contradiction à l'OMC, à Seattle en décembre dernier, et qui ont forcé les chemins de Davos samedi. Pour dénoncer des dérives symbolisées, dans la petite station suisse de sports d'hiver, par un McDonald's flamblant neuf (lire encadré).

Publicité

Se voulant à l'écoute de ces contestataires, dont certains sont proches du Parti démocrate, Bill Clinton s'est fait le héraut des bienfaits du libre-échange et, après avoir égratigné les subventions agricoles européennes, a confirmé sa volonté d'oeuvrer en faveur d'une réforme de l'OMC, d'une plus grande ouverture des marchés des pays industriels aux produits des pays pauvres, d'un effort accru pour alléger la dette des plus démunis. Une approche très similaire à celle défendue, la veille, par Tony Blair, lui aussi convaincu du déficit d'explication des gouvernements face à des opinions publiques inquiètes.

Le discours de Bill Clinton aurait été écouté avec plus de politesse que d'attention par bien des participants si le secrétaire américain au Trésor n'était venu, lui aussi, doucher l'enthousiasme sur la « nouvelle économie ». Sans démentir les formidables progrès réalisés aux Etats-Unis ni le potentiel bénéfique des technologies de l'information, Larry Summers a rappelé qu'elles ne sauraient défier les lois de l'économie. « Toute autosatisfaction serait dangereuse », a-t-il rappelé en soulignant les zones d'ombre de la prospérité américaine : inégalités sociales porteuses d'insécurité, déficits commerciaux et surtout insuffisance de l'épargne privée. Certes, selon lui, « les plans d'investissement des entreprises, à plus court terme et plus souples que par le passé, sont mieux à même de résister » à un éventuel choc boursier. Mais l'insuffisance notoire de l'épargne des ménages constitue une préoccupation dont le récent G7 s'est fait l'écho. Le scénario catastrophe d'un crach de Wall Street entraînant faillites en cascades et chute de la consommation, sans parler de ses conséquences internationales, n'est encore qu'une hypothèse d'école. Mais il plane dans bien des esprits.

Entre l'explosion du potentiel né d'Internet et ces rappels à la prudence, les participants du forum n'ont pas fini de s'interroger. Peut-être le mot de la fin revient-il à l'un d'entre eux qui affirmait : « Les Etats ont fini par reconnaître qu'ils ne pouvaient gérer l'économie, le secteur privé qu'il ne pouvait gérer la société. »

FRANCOISE CROUÏGNEAU

Entreprise - Solo.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres
Publicité