Coup de semonce sur les semis. Depuis l’automne 2023, les céréaliers sont déboussolés. Les précipitations qui sont tombées sans discontinuer ont déréglé les calendriers. Difficile de semer les blés, quand les tracteurs sont embourbés. A l’heure des premières estimations, le ministère de l’agriculture ne peut que le constater. La taille des champs a rétréci avec l’effet de l’eau de pluie. Les surfaces semées en blé seraient, cette année, en recul de 7,7 %, à 4,3 millions d’hectares, par rapport à 2023.
Quant à l’état des cultures, il est affecté par l’humidité. Les champignons sont légion. Et certaines parcelles ont même été grêlées. Les champs de blé sont chamboulés. « Il y a des écarts terribles. En fonction de la pluviométrie et du sol, il peut y avoir des zones catastrophiques et des zones très bonnes, parfois dans la même parcelle », explique Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé dans les grandes cultures de FranceAgriMer et céréalier dans la Marne.
« Il sera difficile de passer la barre des 30 millions de tonnes de production de blé en France cette année », pronostique Arthur Portier, analyste du cabinet Argus Media France (ex-Agritel). Même si, en mai, comme tout le monde agricole le sait, les jeux ne sont pas faits.
Un recul à relativiser
Les céréaliers ont, entre deux inspections des champs et trois tentatives de semis, les yeux rivés sur les marchés. De ce côté, ils ont des raisons d’espérer. Le prix du blé semble avoir atteint un plancher et amorcé une remontée. Sur Euronext, le cours de la tonne de blé tendre, à échéance septembre, qui avait ployé sous la barre des 200 euros début mars, se négocie maintenant à plus de 245 euros. Un rebond de la balle de céréale à paille de près de 20 %.
« La hausse marquée des cours est alimentée par les données météo », souligne M. Portier. La situation européenne est scrutée de près, mais, désormais, sur les marchés du blé, c’est la Russie, devenue le premier exportateur mondial, qui fait la pluie et le beau temps. Or, alors qu’au sortir de l’hiver le sort semblait favorable aux céréaliers russes, avec des prévisions de récolte record à plus de 94 millions de tonnes, le vent semble avoir un peu tourné.
Un déficit hydrique affecterait le sud du pays, et une vague glaciale a déferlé début mai. Résultat, la moisson pourrait peser moins de 90 millions de tonnes. Un recul à relativiser, selon M. Portier. Il rappelle que la Russie n’a passé le cap des 80 millions de tonnes que quatre fois. Il n’empêche. Même si les greniers mondiaux sont encore bien remplis, un repli du nombre d’épis en Russie suffit à donner du grain à moudre aux investisseurs et amateurs de paris.