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50 ans Investir

Pourquoi l'assurance-vie est le placement préféré des Français

Par Sandra Mathorel

Publié le 9 mai 2024 à 11:09Mis à jour le 9 mai 2024 à 12:36

Les encours dépassent les1.900 milliards d’euros. Des avantages fiscaux en cas de vie et sur la transmission, un fonds en euros sécurisé et, maintenant, une offre pléthorique en unités de compte en ont fait un produit incontournable.

L’idée d’une assurance sur la vie a longtemps été taboue en France. Comment ? Un pari sur la vie des gens ? Vous n’y pensiez pas, que diable ! Non, nous n’y pensions pas, jusqu’en 1787, avec la création de la Compagnie royale, un partenariat public-privé qui accorde à la Compagnie royale d’assurances contre l’incendie le privilège de s’occuper aussi de la vie des hommes. L’idée est alors de garantir un capital en cas de décès, un principe qui animera l’assurance-vie jusqu’au XXe siècle.

La Compagnie royale ne passe toutefois pas la Révolution. Elle n’est réintroduite qu’en 1818 sous le nom de Caisse d’épargne et de prévoyance de Paris (ancêtre de la Caisse des dépôts) grâce à l’obstination du juriste génois et ministre des Finances de Louis XVIII : Louis-Emmanuel Corvetto (1). L’assurance-vie se développe ainsi tout au long du XIXe siècle et accélère au début du XXe siècle, mais les guerres et l’inflation durable « laisser[ont] des assurés appauvris, déçus dans leurs espérances » (2).

Le tournant de la modernité

Ce n’est véritablement qu’en 1967 que le produit commence à prendre l’aspect moderne que nous lui connaissons, avec l’obligation de faire participer les assurés aux bénéfices – autrement dit, de leur offrir une rémunération chaque année sur les gains obtenus avec leur capital. Une réforme inscrite dans la loi de finances pour cette année-là, alors que Michel Debré était ministre de l’Economie. Même si des compagnies offraient déjà un rendement annuel, cette mesure permet d’éloigner un peu plus la crainte que l’inflation ne vienne ronger le pouvoir d’achat. « La force de l’assurance-vie, c’est son fonds en euros, déclare Stellane Cohen, présidente d’Altaprofits. C’est la sécurité et l’effet cliquet : les gains acquis le sont définitivement. »

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1969 accentue le virage moderne, avec l’autorisation d’un autre type de support sur les contrats : les unités de compte (UC). « Les premiers produits avec unités de compte n’étaient pas multisupports mais monosupports : avec une société civile immobilière, par exemple », explique Gilles Belloir, le directeur général de Placement-direct. Mais le succès n’est pas franchement au rendez-vous, et la part des UC dans l’encours* total de l’assurance-vie reste marginale. Ce qui parachève le tournant de la modernité est plutôt l’arrivée des associations d’épargnants, telle Amphitéa en 1974 (année de la création du journal Investir) ou l’Afer et Agipi en 1976. « Tous ces contrats d’associations ont apporté de la transparence sur les frais, relève Stellane Cohen. Auparavant, vous ne saviez pas combien vous payiez. ».

L’épargne demeure toutefois un capital de prévoyance. S’il est possible alors de sortir de façon anticipée, ce n’est pas vraiment l’idée qui incite les assurés à souscrire un contrat, d’autant qu’il y a parfois un engagement de durée. Petit à petit, les Français vont néanmoins se rendre compte des avantages formidables, que ce soit en cas de décès ou en cas de vie, et investir de plus en plus. « On est passé d’un produit de gestion de la mort, qui reste dans le cadre de la succession, à un produit d’épargne qu’il n’est pas au départ », explique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne.

Que faire de ses vieux contrats ?

Taux garantis
Nombreux sont ceux, qui, jusque dans les années 1990, proposaient des taux de rémunération garantis, parfois de 4 %, bien au-delà de la moyenne du marché aujourd’hui. Ces contrats continuent donc à générer les gains correspondants sur le capital placé à l’époque. Cependant, les nouveaux versements n’offrent plus, depuis 1995, qu’un rendement indexé sur le taux d’emprunt d’Etat français sans pouvoir dépasser 3,5 %. Mais il existe un atout remarqué par le site LexBase : si vous aviez mis en place des versements programmés, eux continuent au contraire à être rémunérés au taux garanti à l’époque de leur mise en place !

Garantie nette de frais
Jusqu’à récemment, le capital placé sur un fonds en euros ne pouvait diminuer sous aucun prétexte. Seulement, les assureurs ont trouvé la parade : ils ont mis en place une garantie brute de frais. Cela signifie que le capital du fonds en euros peut être rogné par les frais annuels de gestion, si jamais le rendement ne parvient pas à les couvrir. C’est arrivé pour quelques contrats, mais ce scénario s’éloigne avec la remontée des taux. Les plus prudents tiendront néanmoins à garder leur ancien contrat. Si la garantie est nette de frais, alors le montant indiqué dans les conditions générales au tableau des valeurs de rachat en euros ne doit pas diminuer. Néanmoins, si le taux du fonds en euros est décevant, il faut se poser sérieusement la question de l’intérêt de conserver ce vieux contrat.

Transmission : avant 1991, c’était Byzance
Pour les contrats ouverts avant 1991 et les versements effectués sur ceux-ci avant 1998, il y a une exonération totale des droits de succession. C’est encore le cas pour les contrats ouverts après 1991 et alimentés jusqu’en 1998, sauf si l’épargnant avait alors plus de 70 ans, auquel cas le capital est soumis aux droits de succession après abattement de 30.500 €.

Il faut ajouter que les Sicav monétaires ne sont plus à la hauteur des espérances et qu’on leur cherche une alternative : « Elles avaient connu un succès fou au début des années 1980 avec une fiscalité avantageuse, se souvient Philippe Crevel. Mais au milieu des années 1980, avec le changement d’imposition et la baisse des rendements, l’argent est parti sur les assurances-vie. »

Un autre phénomène survient au même moment : la baisse de l’inflation et la hausse des taux des fonds en euros. Cela permet aux contrats de faire à nouveau gagner en pouvoir d’achat. En 1974, l’assurance-vie n’a servi environ « que » 5 %, alors que l’inflation était de 13 % ! En 1984, les courbes se croisent et le fonds en euros offre 9 %, tandis que les prix à la consommation augmentent de 7 %. Dès lors, la collecte et l’encours explosent.

Haro sur la fiscalité !

Le législateur, qui a bien repéré le magot en train de se constituer, tandis que la dette dépasse les 25 % du produit intérieur brut, décide de raboter la niche de l’assurance-vie. Figurez-vous qu’en plus de rendements ­confortables, vous bénéficiez encore, au début des années 1980, d’une exonération totale sur la plus-value et sur la transmission ! « On avait un produit qui était exorbitant du droit commun, relate Philippe Crevel. Avec la pression du Trésor, il va rentrer dans le rang, mais pas complètement puisqu’il reste des avantages. »

La première entaille intervient en 1983 et porte uniquement sur les nouveaux contrats : pour ceux-là, les gains sont imposés en cas de sortie avant six ans – une durée augmentée à huit ans à partir de 1990. Dans le même temps, certainement dans le souci de ménager la chèvre et le choux, les législateurs offrent un régime fiscal plus intéressant aux entrées. Elles bénéficiaient alors d’une déductibilité des revenus imposables, qui devient une réduction d’impôt en 1984 (25 % des versements dans la limite de 4.000 F pour un célibataire).

Du côté de la transmission, c’est plus compliqué. Il y a bien une tentative au début des années 1980 de s’y attaquer, mais en vain. Il faut attendre 1991 pour qu’une loi soit vraiment appliquée. C’est l’introduction du fameux seuil des 70 ans après lequel les versements de l’épargnant, et les gains qu’ils génèrent, sont imposés aux droits de succession (article 757 B du Code général des impôts, CGI). Un abattement de 200.000 F (devenus 30.500 €) est toutefois prévu .

Malgré cette pression fiscale, rien n’arrête l’assurance-vie, qui poursuit sa croissance. L’encours enregistrait près de 5 milliards d’euros en 1974, il passe à 30 milliards en 1984 et à près de 280 en 1994. Car un autre phénomène incite les Français à mettre de l’argent de côté : « Il y a eu, quoi qu’on en dise, une prise de conscience de la faiblesse du régime de retraite par répartition qui a probablement porté en partie l’assurance-vie », juge Paul Esmein, le nouveau directeur général de la fédération France Assureurs.

L’idée d’allonger la durée de cotisation apparaît en effet dès la fin des années 1980, et la réforme de 1993 renverse le mouvement qui s’était imposé jusqu’alors : désormais, il faudra travailler plus longtemps et les pensions diminueront. Ajoutez à cela des taux de rendement (8 % à 4 %) toujours bien au-delà de l’inflation, parfois garantis à vie qui plus est, des banques qui se mettent à faire la promotion de l’assurance-vie, et la collecte peut continuer de plus belle.

Pourtant, d’autres réformes viennent encore tailler dans les avantages. La réduction fiscale disparaît en 1997. L’année d’après, c’est l’introduction de l’impôt sur les rachats, même après huit ans, mais avec un taux préférentiel (7,5 %) et un abattement (30.000 F devenus 4.600 € pour un célibataire). Toujours en 1998, c’est la mise en place d’un prélèvement spécifique en transmission pour les versements avant 70 ans, et les gains issus, au taux de 20 %. Est cependant prévu un abattement désormais célèbre de 1 million de francs (152.500 €, art. 990 I du CGI). C’est grosso modo le schéma qui est encore le nôtre aujourd’hui, avec une différence majeure : en 2007, la loi Tepa permet d’exonérer le conjoint en transmission.

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L’Encours grimpe, le taux dégringole

L’encadrement fiscal plus strict ne dissuade toujours pas les épargnants, et la collecte culmine, en 2006, à 65 milliards d’euros. L’encours vole de record en record, dépassant 1.000 milliards la même année. Même en 2012, première année de collecte négative depuis des décennies, l’encours continue à progresser grâce aux marchés. Car, dans le même temps, les UC se sont développées et ont fini par séduire les épargnants.  Elles représentent alors environ 20 % de l’encours, mais elles plafonnent durant les deux premières décennies du XXIe siècle. La crise Internet puis celle des subprimes refroidissent tout le monde.

Jusqu’à ce que l’on se rende compte que la baisse des taux est inexorable et qu’ils peuvent désormais passer en territoire négatif. L’année 2018 est une étape importante, car l’inflation arrive au même niveau que le rendement moyen des contrats (1,8 %). « Le monde du fonds en euros roi est terminé ! » scande le PDG de Generali, Jean-Laurent Granier, dans un entretien aux Echos en 2019.  Il faut se diversifier, de gré ou de force, parfois avec des offres si agressives (taux bonifiés ou contraintes de versement en UC pour accéder au fonds en euros) que les intermédiaires sont plus tard rappelés à l’ordre par le gendarme des marchés.

L’enjeu est non seulement d’aller chercher de la performance mais aussi de limiter le coût de la garantie du capital pour les assureurs. Tous ont minimisé le péril à l’époque, mais il a quand même fallu que le gouvernement publie un arrêté en urgence, le 31 décembre 2019, pour que les compagnies appliquent de nouvelles règles de calcul de leur solvabilité. En l’occurrence, prendre en compte dans leurs fonds propres la provision pour participation aux bénéfices, des réserves qui doivent normalement revenir aux assurés. Le secteur a eu chaud, et il n’est pas encore au bout de ses surprises.

Le premier confinement lié à la Covid-19, en 2020, entraîne une chute considérable de la collecte, au point de devenir négative : les épargnants retirent plus d’argent qu’ils n’en versent sur leurs contrats. En cause, bien sûr, la baisse des taux, mais aussi le manque de numérisation du secteur – certains acteurs commençaient à peine à parler de « transformation numérique ». Un retard considé­rable par rapport aux comptes courants et au livret A, qui, à l’inverse, sont les réceptacles privilégiés du surplus d’épargne des Français dans l’incapacité de dépenser en sorties et en restaurants.

L’accélération numérique, les offres promotionnelles, la multiplication des UC et surtout le rebond des marchés finissent toutefois par ramener les assurés vers leurs contrats. La collecte globale repasse dans le vert, mais le fonds en euros est délaissé. Sa part dans l’encours tombe à son plus bas historique en 2023, à 72 %.

Retour de l’inflation et des rendements

Un événement va tout changer entre-temps et lui redonner néanmoins du souffle : le retour de l’inflation. Après une planche à billets qui n’a cessé de tourner entre la crise des subprimes et le « quoi qu’il en coûte », et après une hausse des salaires et des coûts de production, l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine, le 24 février 2022, met le feu à un terrain déjà très inflammable. Les banques centrales changent radicalement de politique monétaire et relèvent leurs taux direc­­teurs subitement pour freiner ­l’augmentation des prix à la ­consommation.

Un désastre pour le marché obligataire, mais une aubaine pour les nouveaux entrants. Les fonds en euros bien préparés peuvent à nouveau proposer des rendements intéressants. Ils demeurent néanmoins en moyenne en 2023 (2,6 %) au-dessous du taux du livret A (3 %). Mais quelques-uns des meilleurs sont déjà au-dessus, même déduction faite de la fiscalité. Deux nouveaux contrats monosupports (seulement dotés d’un fonds en euros : Ampli-Assurance Vie et Placement-direct Euro+) sont lancés, alors que le modèle multisupport (avec UC) s’était imposé.

C’est du jamais-vu depuis des années ! Eux affichent les rendements parmi les plus élevés du marché. Pas encore de quoi faire gagner en pouvoir d’achat néanmoins, mais les épargnants sont sensibles aux signaux encourageants. Un autre facteur les incite à ­mettre plus d’argent de côté : la réforme des retraites accompagnée du plan d’épargne retraite, un nouveau produit proposé par de nombreuses compagnies et aux contours proches de ceux de l’assurance-vie.

Il permet d’économiser pour ses vieux jours tout en défiscalisant les entrées, mais il est beaucoup plus souple que les précédentes enveloppes retraite. La collecte du fonds en euros au mois de mars est ainsi positive, avec 800 millions d’euros, pour la première fois depuis novembre 2021. L’encours, quant à lui, se porte mieux que jamais : avec 1.903 milliards d’euros, c’est un nouveau record, et certainement pas le dernier. Rémy Demichelis

* Dans un souci de cohérence sur une longue période, nous avons utilisé la provision mathématique pour parler de l’encours (l’encours n’était pas disponible avant 1993).
(1) J.-M. Thiveaud, Naissance de l’assurance-vie en France, Revue d’économie financière, 1989.
(2) C. Fath et H. Juvin, L’assurance-vie, une assurance pour la vie, Revue d’économie financière, 2005.

Et ailleurs en Europe ?

L’assurance-vie, avec son fonds en euros, est un produit typiquement français. Tous les professionnels nous certifient qu’il n’y a rien de comparable ailleurs : « Quand je parlais avec des étrangers du fonds en euros, qui conjugue disponibilité permanente du capital, sécurité et rendement, ils ne me croyaient pas », se souvient Meyer Azogui, le président du groupe Cyrus. L’assurance-vie, hors de France, est
plutôt perçue comme une assurance mixte, capitalisation et décès notamment dans les pays anglosaxons. Les épargnants étrangers ont néanmoins accès à des produits peu risqués du même genre que
le fonds en euros pour placer leurs économies.

En Italie, par exemple, il est courant d’investir dans des obligations d’Etat. « En Espagne, vous avez des garanties décès obligatoires, explique Olivier Grenon-Andrieu, le président du cabinet Equance. Les contrats luxembourgeois sont ceux qui se rapprochent le plus de l’assurance-vie française parce que les compagnies françaises se sont installées là-bas. » Pendant quelques années, elles ont même proposé des fonds en euros, mais c’est désormais de l’histoire ancienne. Il est néanmoins possible de placer en devises, comme le dollar, pratique pour ceux qui ont travaillé aux Etats-Unis. […]

Les contrats sont conçus avec une gestion sous mandat (les FID) et offrent un univers d’investissement beaucoup plus large, à l’ensemble d’un éventail standard selon votre profil (même en titres vifs et non-coté), contrairement aux produits français pour lesquels il faut se contenter de ce que l’assureur propose. Autre avantage : le contrat est soumis à la fiscalité du pays de résidence du souscripteur et la compagnie d’assurances peut même prendre un mandat fiscal afin de régler l’impôt. En matière de transmission, les règles de dévolution successorales sont complexes et dépendent de la résidence du bénéficiaire et du domicile fiscal lors du décès de l’assuré.

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