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Interview

Pourquoi les savons Ciment ferment-ils leurs boutiques ?

Jeremy Emsellem et Solène Lebon-Couturier ont fondé la savonnerie Ciment et ouvert leur première boutique dès février 2019, puis une seconde en septembre 2022. Ils viennent de baisser les rideaux pour se concentrer sur la distribution indirecte. Jeremy Emsellem explique ce choix.

Jeremy Emsellem, cofondateur de la savonnerie Ciment.
Jeremy Emsellem, cofondateur de la savonnerie Ciment. (Jeremy Emsellem)

Par Eva Aronica

Publié le 10 janv. 2024 à 06:13

La savonnerie Ciment ferme boutiques ! Fondée en 2019 par Solène Lebon-Couturier et Jeremy Emsellem, la savonnerie Ciment a ouvert son premier magasin dès février 2019 à Paris, puis un deuxième en septembre 2022 à Bordeaux. Aujourd'hui, les cofondateurs ont décidé de clore ces deux commerces. Une décision stratégique pour se concentrer sur la distribution indirecte, puisque les ventes de la marque qui a fait 420.000 euros de chiffre d'affaires en 2022, augmentent par ailleurs, comme nous le raconte Jérémy Emsellem.

Pourquoi avoir ouvert une boutique assez vite après la création de Ciment ?

Ces dix dernières années, la tendance était aux marques créées sur internet et les réseaux sociaux. Notre contre-pied, c'était d'exister aussi dans la rue. On s'est dit que comme image de marque, c'était fort. Avoir une boutique, cela voulait dire avoir une place dans la vraie vie. On est des artisans du savoir-faire, des odeurs et du toucher. Tout ça, ce n'est pas sur les réseaux que ça se ressent !

Les marques nées sur Internet ouvrent leur première boutique, souvent cinq ans après leur création. Nous, on a voulu accélérer les choses pour faire comme les grands. En février 2019, juste avant le Covid, on a signé un pas-de-porte à Paris, pas cher et sans droit au bail parce qu'on avait peu d'argent. Et ça a marché sur l'image et la notoriété. De l'extérieur, une boutique est perçue comme un signe de solidité de l'entreprise. A l'intérieur, il y avait trois parties : fabrication, atelier (grâce à Wecandoo) et vente. On divisait ce loyer en trois activités, ce qui était rentable.

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Qu'est-ce qui vous a amené à ouvrir votre deuxième boutique ?

On a grossi, et les locaux sont devenus trop petits. Pour produire plus et assurer notre volume de vente, nous avons voulu ouvrir une seconde boutique sur le même modèle dans une autre grande ville. En interne, on avait deux salariées prêtes à aller à Bordeaux. Avec Solène, ma cofondatrice, on trouvait que la ville s'y prêtait. Les Bordelais ont un bon pouvoir d'achat et le centre-ville est dynamique. La seconde boutique a ouvert en septembre 2022.

Cette deuxième boutique a rencontré moins de succès. Sauriez-vous dire pourquoi ?

En tant que marque monoproduit, il est assez difficile de convaincre les passants d'entrer dans notre boutique. Quand ils font du shopping, les gens ne se disent pas « allez, on va acheter des savons ». Avec cette boutique bordelaise, on s'est pris pour Oh My Cream ! [boutique de cosmétiques multimarques, NDLR] On a pris un loyer à 3.000 euros, ce qui est difficile à rentabiliser, et un droit au bail à 150.000 euros, en plus de 60.000 euros de travaux.

On se disait : « Plus on va dépenser d'argent, plus ça va nous revenir ». C'est vrai sur Internet, mais là, ça n'a pas été le cas. Il faut faire de belles choses certes, mais qui puissent avoir une réalité économique. Cumulées, nos boutiques représentaient 10 % de notre chiffre d'affaires mais 20 % de nos charges. Ces boutiques ne nous apportaient pas assez d'argent, alors qu'elles nous demandaient beaucoup d'énergie.

Que feriez-vous différemment avec l'expérience et le recul ?

J'ai appris de mes erreurs . Aujourd'hui, nous ferions les choses autrement. Quand on ouvre une boutique, il faut hurler aux passants : « Regardez, on est là ! » D'abord, nous aurions préparé des collaborations avec des acteurs locaux connus et implantés sur le territoire. Et très important : je pense qu'il aurait fallu conditionner le salaire de la personne qui gérait la boutique au chiffre d'affaires.

N'avez-vous pas peur de vous éloigner de vos clients ?

Si ! Evidemment. On a peur de perdre le contact avec nos clients. Pour compenser et garder le lien, nous devons mettre plus d'énergie sur nos réseaux sociaux et notre site. Ce qui compte pour nous dans les relations avec nos clients, c'est aussi le partage de notre savoir-faire, et pour c'est pour cette raison que les ateliers Wecandoo vont continuer à Paris dans un local que nous recherchons actuellement.

En tant qu'entrepreneur, cette décision a-t-elle été difficile à prendre ?

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Sur le coup, le sentiment d'échec est assez désagréable. On était tellement amoureux de nos produits qu'on se disait que les gens allaient tous être subjugués par nos boutiques. Mais le temps et la prise de recul permettent de se rendre compte des réalités économiques.

Sur Internet, on voit des coeurs et des likes parce que les gens qui vont sur notre site ou nos réseaux l'ont choisi, mais, dans la rue, les passants devant nos boutiques ne nous connaissaient pas forcément. Sur Internet il y a une sorte de bulle d'amour avec des personnes qui sont déjà nos clients. Il faut se méfier de la différence entre le succès virtuel et la réalité. C'est un conseil à retenir, je pense !

Eva Aronica

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