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Décryptage

L'insuffisance des moyens de lutte contre l'immigration irrégulière pointée du doigt

Face à une pression migratoire croissante, les préfectures sont surchargées, les tribunaux engorgés et les centres de rétention administratifs saturés, critique un rapport de la Cour des comptes publié ce jeudi. Les magistrats financiers réclament - une fois n'est pas coutume - plus de dépenses.

La police aux frontières (PAF) et les douanes se répartissent le contrôle des 126 points de passage frontaliers (aéroports, gares, ports…) et, depuis 2015, des 190 points de passage autorisés vers des pays limitrophes de l'espace Schengen.
La police aux frontières (PAF) et les douanes se répartissent le contrôle des 126 points de passage frontaliers (aéroports, gares, ports…) et, depuis 2015, des 190 points de passage autorisés vers des pays limitrophes de l'espace Schengen. (SYSPEO/SIPA)

Par Sébastien Dumoulin

Publié le 4 janv. 2024 à 18:32Mis à jour le 4 janv. 2024 à 18:53

La Cour des comptes estime que la France ne consacre pas suffisamment de moyens à la lutte contre l'immigration irrégulière. Face à une pression migratoire en hausse, les préfectures sont dépassées, les tribunaux engorgés, les centres de rétention administratifs saturés. Dans un rapport publié ce jeudi, la juridiction financière plaide donc pour renforcer l'investissement public en la matière - « une fois n'est pas coutume », souligne Pierre Moscovici, son premier président - sans aller jusqu'à chiffrer le nombre de fonctionnaires à recruter.

Il faut dire que même le nombre d'étrangers en situation irrégulière en France est difficile à estimer, reconnaît la Cour. Il est évalué grâce au nombre de bénéficiaires de l'Aide médicale d'Etat (AME), soit 439.000 en juin 2023. « Cela peut être un peu plus ou un peu moins », explique Pierre Moscovici. Mais en revanche, la dynamique est claire : « De nombreux indicateurs attestent que le nombre global d'entrées irrégulières sur le territoire national s'accroît depuis 2015, malgré les 240.000 refus d'entrer prononcés ces cinq dernières années. »

Les préfectures croulent

En ce qui concerne les contrôles frontaliers, le rapport plaide pour une meilleure coordination entre les douanes et la police aux frontières, dont les prérogatives en termes de fouilles gagneraient à être alignées. Il recommande également de mieux documenter les arrivées irrégulières détectées et s'émeut que le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures à l'espace Schengen, intervenu en 2015 dans la foulée des attentats, s'installe de manière durable.

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Mais le plus grand défi identifié par la Cour des comptes est celui de l'expulsion des étrangers en situation irrégulière déjà présents en France (qu'ils soient ou non entrés illégalement). Ces cinq dernières années, le nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) a augmenté de 60 % pour approcher 140.000.

Dans le même temps, les effectifs préfectoraux chargés de l'éloignement n'ont crû que de 9 %. « La plupart des préfectures sont surchargées, commettent régulièrement des erreurs de droit face à un cadre juridique particulièrement complexe et rencontrent des difficultés à respecter les délais légaux », dénonce le rapport.

Une OQTF sur dix exécutée

Les centres de rétention administratifs manquent de places et de personnel. Et les préfectures débordées ne vont quasiment plus défendre leurs décisions en cas de recours devant les juridictions administratives. « Celles-ci sont également saturées par ce contentieux de masse, qui a représenté 41 % des affaires des juridictions administratives en 2021 », s'alarme la Cour des comptes.

Les difficultés engendrées par le manque de moyens et la complexité du droit sont encore aggravées par l'éclatement des systèmes d'information, dont certains sont jugés « obsolètes ». Résultat des courses : seul un dixième des OQTF est exécuté chaque année.

La France peut mieux faire, mais « prétendre faire partir toutes les personnes visées par une OQTF, c'est un peu fantasmatique », souligne Pierre Moscovici. Ne serait-ce que parce que les expulsions sont impossibles vers certains pays en guerre, par exemple, ou parce que l'obtention des indispensables laissez-passer consulaires est parfois ardue (3 % des demandes formulées par la préfecture de Guyane en 2022 ont eu un résultat positif).

A défaut, la Cour préconise une politique « plus généreuse et efficace » en matière de retours volontaires. Elle souligne que ces derniers sont cinq fois plus importants en Allemagne, pour un nombre de reconduites forcées similaire.

Des réponses dans la « loi immigration »

Comme en réponse aux critiques de la Cour, le ministère de l'Intérieur a dévoilé ce jeudi avoir expulsé 4.689 étrangers délinquants en 2023, contre 3.615 en 2022 et 1.800 en 2021. Selon des propos rapportés à l'AFP, Gérald Darmanin « s'est félicité de ce premier bilan » devant les préfets et leur a demandé « d'accélérer encore en la matière, notamment grâce aux apports de la loi immigration dès lors que celle-ci sera promulguée. »

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La publication du rapport intervient en effet alors que la loi immigration, adoptée par le Parlement en décembre au prix d'une grave crise politique, doit encore être examinée par le Conseil constitutionnel .

Sans s'avancer sur ce terrain explosif, Pierre Moscovici s'est tout de même réjoui que certains sujets identifiés par la Cour figurent dans la loi : « C'est le cas par exemple du renforcement de la répression contre les passeurs, de l'élargissement des pouvoirs de fouille aux frontières ou de la simplification du contentieux administratif. »

Sébastien Dumoulin

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