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Reportage

Gabriel Attal se mue en VRP pour la difficile campagne des retraites

Le ministre des Comptes publics s'est lancé dans une tournée de réunions publiques en région pour tenter de vendre la réforme des retraites, mais aussi faire remonter les doléances du terrain. Reportage dans l'Aube.

Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, se démène pour faire accepter la très contestée réforme des retraites (photo : lors du débat à Saint-Parres-lès-Vaudes).
Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, se démène pour faire accepter la très contestée réforme des retraites (photo : lors du débat à Saint-Parres-lès-Vaudes). (Twitter Gabriel Attal)

Par Isabelle Ficek

Publié le 26 janv. 2023 à 11:34Mis à jour le 26 janv. 2023 à 13:29

Ce n'est pas le grand débat. Mais cela y ressemble. En moins long et jusqu'ici plus policé. La réforme des retraites ne passe pas et même de moins en moins auprès des Français, qui sont désormais 72 % à s'y opposer, selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi, soit un bond de 13 points en deux semaines.

Face à cette hostilité, la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne, a missionné une petite poignée de ministres pour tenter de « convaincre » ou de « répondre aux inquiétudes » dans les médias. Celui des Comptes publics, Gabriel Attal, fait partie des rares élus et s'est lancé dans un marathon de réunions publiques. Une par semaine. Pour échanger, mais aussi faire remonter les doléances du terrain.

Pas que des amis

Mardi soir, ses équipes avaient jeté leur dévolu sur la seule circonscription de l'Aube qui n'a pas été remportée en juin dernier par un candidat RN : celle de la députée LR Valérie Bazin-Malgras, soutien dans la bataille pour la présidence de LR d' Aurélien Pradié, l'un des plus virulents opposants du parti à la réforme des retraites proposée par le gouvernement. C'est elle qui a lancé les invitations. Une soixantaine de personnes de tous âges ont répondu à l'appel dans la petite commune de Saint-Parres-lès-Vaudes, où Marine Le Pen a décroché 55 % des voix au second tour de la présidentielle.

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« Vous n'avez pas que des amis ici ! » lâche dans un grand sourire l'hôte de la soirée en accueillant Gabriel Attal. « Nous chez LR, il y a des choses que l'on voudrait voir dans la réforme et je n'ai pas encore dit que je la voterai ! » ajoute Valérie Bazin-Malgras. Le ton est donné. Poli mais exigeant.

Après un court laïus sur « l'attachement des Français au système par répartition » - « Je n'ai pas rencontré beaucoup de Français qui m'ont dit qu'ils ne voulaient plus de ce joyau » -, et sur les « déséquilibres » qui vont « s'aggraver » - « 150 milliards d'euros de déficits cumulés dans les dix ans qui viennent ! » frémit le ministre plus que le public -, Gabriel Attal justifie les choix du gouvernement.

Pourquoi refuser d'augmenter les cotisations ? « ça détruirait entre 150.000 et 200.000 emplois ! » Baisser les pensions ? Impossible. « Non seulement les retraités s'occupent de leurs enfants et de leurs petits-enfants mais aussi souvent, de leurs parents », avance-t-il.

Partager l'effort

« Travailler un peu plus longtemps, ce n'est pas un scoop, c'est ce que nous avons choisi. L'enjeu, le coeur de la réforme, c'est de partager l'effort de la manière la plus juste », conclut-il en détaillant les dispositifs carrières longues et pénibilité. « Quatre Français sur dix partiront avant 64 ans, veut-il rassurer. Pour certains, ce sera deux ans avant l'âge légal, pour d'autres, quatre ans et même six ans avant ! »

Avant de laisser place aux questions, il n'oublie pas, dans cette circonscription, de rappeler que le projet d'Emmanuel Macron prévoyait la retraite à 65 ans et « les 1.200 euros » pour les nouveaux retraités. « C'est grâce aux discussions avec les partenaires sociaux et avec LR, c'est grâce à votre députée Valérie, qu'on a 64 ans et pas 65, et 1.200 euros pour tous , y compris ceux qui sont déjà à la retraite. »

Ici comme ailleurs, les questions reflètent les inquiétudes que suscite la réforme, les dissensions qu'elle attise. Le travail des seniors revient en permanence. « On a l'impression d'être une charge, comment redorer le blason des seniors ? » interroge l'un d'eux. « Votre index seniors , il ne sert à rien, s'emporte un quadra. C'est un index tutorat qu'il faudrait, avec des allègements de charges pour les seniors qui forment les jeunes ! »

Après les seniors, la question des femmes, celle des artisans, des conjoints-collaborateurs, des bénévoles, la pénibilité et les critères retirés au début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron… En filigrane, la question du travail, de l'éducation et en permanence de la formation.

Privilèges

Dans ces terres très à droite revient aussi la question des « privilèges », attaque d'emblée un participant. « Les privilèges de ceux qui partent tôt sans pénibilité, les régimes spéciaux », pointe-t-il sous l'oeil approbateur de l'assistance. Gabriel Attal est interrogé sur d'autres sources de financement. Dans le viseur ? « Les aides de l'Etat aux grandes entreprises. » Mais le « quoi qu'il en coûte » est aussi questionné. « On a habitué les Français à trop les aider avec le Covid », lâche un partisan d'une réforme plus dure.

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Le ministre s'efforce de répondre à tout, non sans attaquer au passage les oppositions. « Les groupes politiques qui proposent la retraite à 60 ans, pour la financer, c'est 3.000 euros de salaire en moins par an ou 1,2 million d'emplois détruits, c'est bien d'avoir ces chiffres et ces débats », lâche Gabriel Attal.

Association des amis de Gabriel Attal

Les régimes spéciaux ? « Incompréhensible. On les supprime ! Sauf quelques-uns, comme les marins-pêcheurs », souligne-t-il, en s'empressant de préciser que celui des députés a été réformé en 2017.

Les femmes ? « Leurs pensions vont augmenter deux fois plus que celles des hommes alors qu'elles continueront à partir plus tôt », tente-t-il. Les bénévoles ? « Des trimestres pour ceux qui mettent leur vie en risque, c'est un beau débat. » Il le renvoie aux discussions parlementaires avec des « garde-fous : si je crée l'association des amis de Gabriel Attal que je préside toute ma vie, je ne suis pas sûr qu'il faille que je reçoive des trimestres… » La salle apprécie.

Après deux heures, interpellé sur « un projet comptable » qui « manque de cap et de projet de société », Gabriel Attal conclut. « Projet comptable et projet de société, je n'oppose pas les deux. Le budget, cela permet de financer un projet de société », défend-il, en assurant que la réforme est faite « précisément pour les plus modestes et les classes moyennes ». « C'est pour la classe moyenne qui travaille, celle qui n'a comme patrimoine que son travail. Si le système s'écroule, c'est eux qui seront les premières victimes, c'est pour la majorité silencieuse », s'enflamme-t-il.

Pas sûr, au vu des résultats des sondages , que l'exercice suffise à convaincre la « majorité silencieuse ». Il aura au moins servi pour lui à marquer quelques points dans l'assistance. Et permettra à un couple de boulangers de voir étudié son dossier de factures d'électricité, passées de moins de 3.000 euros à 17.000 euros en trois mois. Un invariable depuis le début de ce marathon.

Isabelle Ficek (Envoyée spéciale à Saint-Parres-lès-Vaudes (Aube))

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