Le créateur des NFT « Bored Ape Yacht Club » pèse désormais 4 milliards de dollars
La société derrière les célèbres singes en NFT vient de lever 450 millions de dollars. Après avoir créé sa cryptomonnaie récemment, elle continue à se structurer en annonçant son métavers en avril. Yuga Labs veut créer un monde virtuel totalement décentralisé, dans le plus pur esprit du Web3.
Par Thomas Pontiroli
Tout va s'accélérer pour Yuga Labs. Le studio à l'origine de la collection de NFT « Bored Ape Yacht Club » (BAYC) - la plus valorisée, avec 1,3 milliard de dollars de ventes - lève 450 millions de dollars. Le tour de table réunit Andreessen Horowitz (qui investit massivement dans le Web3), Animoca Brands (connu pour son métavers The Sandbox et son jeu Axie Infinity ), Coinbase (l'une des plus grosses plateformes d'échanges de cryptos) et MoonPay (lui aussi portefeuille de cryptos).
Cette opération est, à ce jour, l'une des plus importantes du secteur des NFT derrière celle de 680 millions du français Sorare . Elle est, aussi, un indicateur de l'appétit pour ce secteur où les fonds espèrent prendre les meilleures places. Yuga Labs pèse désormais 4 milliards de dollars.
Otherside
Ces fonds serviront à dépasser le statut de simple collection d'images de singes en jpeg pour riches geeks . Yuga Labs, qui vient de lancer sa cryptomonnaie ApeCoin, va maintenant lancer son métavers. Baptisé Otherside, il vise à donner davantage corps aux fameux « Bored Apes » en les implémentant en 3D, dans un environnement virtuel, comme un jeu vidéo en ligne.
Actuellement, deux visions s'affrontent sur la définition du métavers - et, plus largement, de sa base technique qu'est le Web3 . L'une centralisée façon Web 2.0 et ses plateformes. C'est ce que défend Meta avec son Horizon World . L'autre, celle des « puristes », décentralisée, reposant le plus possible sur la blockchain et gérée par ses membres, actionnaires des projets via des jetons de gouvernance. C'est cette approche que défend Wylie Aronow, créateur des « Bored Apes ».
95,5 % de marge
« Pour moi, Yuga Labs est un contrepoids important à des entreprises comme Meta », a déclaré au média américain The Verge Chris Dixon, responsable de la branche crypto chez Andreessen Horowitz - dont le fondateur, Marc Andreessen, siège au conseil d'administration… de Meta.
Qualifiant le centralisme du réseau social de « dystopique », Yuga Labs n'est pas moins, à ce jour, un épicentre pour l'écosystème qu'il est en train de façonner. D'après un « pitch deck » récemment publié, l'entreprise a réalisé 131 millions de dollars de bénéfice brut en 2021, surtout issu des ventes de NFT de singes, avec une juteuse marge bénéficiaire de 95,5 %. En 2022, elle s'attend à 532,8 millions de profits, pour une marge asymptotique de 98,8 %.
Pour l'observateur profane, il n'est pas évident de cerner la cohérence ni la finalité de ce futur web, articulé, pour l'instant, entre des images hors de prix en NFT, des cryptomonnaies et des métavers qui sont, souvent encore, des cartes virtuelles où des spéculateurs s'arrachent des parcelles de cadastre 3.0 . En cela, le développement de Yuga Labs donnera peut-être le la.
Dans une présentation officielle, Yuga Labs convoque en références culturelles Matrix et Ready Player One , deux visions les plus extrêmes d'un métavers. La start-up en est encore très loin. « Aujourd'hui les métavers essaient de créer quelque chose de nouveau mais c'est ennuyeux », écrit la société. Pour espérer percer, elle mise sur une interopérabilité et son « storytelling ».
Les CryptoPunks sont de la partie
Yuga Labs a créé un kit de développement (SDK) permettant de créer ses propres avatars 3D, depuis des NFT. L'ubérisation du Web 2.0 avait permis aux plateformes de se développer sans salariés, voici que la décentralisation du Web3 pourrait faire florès sans les développeurs.
Pour prendre part au métavers Otherside, nul doute qu'il faudra avoir acheté un coûteux « BAYC ». Histoire d'étendre son rayon, la start-up a récemment acquis la propriété intellectuelle des CryptoPunks (l'une des communautés NFT les plus influentes) et des Meebits, auprès de son rival Larva Labs. Alors que « BAYC » est vu comme une communauté élitiste (40.000 utilisateurs à ce jour), il est possible qu'Otherside leur offre un espace d'expression tout aussi sélect. Ou, à l'inverse, si le studio décide d'acquérir d'autres NFT moins onéreux, tende à se démocratiser ?
Lire aussi :
ANALYSE - Web3 : une version libertaire de la toile est-elle possible ?
ENQUETE - Comment les marques de luxe font déjà fortune dans le métavers
Histoire d'avoir toutes les cordes à son arc, Yuga Labs prévoit d'équiper son métavers d'un incontournable de la panoplie Web3 : une mécanique de jeu play-to-earn . Comme dans le célèbre - dans ce secteur - jeu Axie Infinity, l'idée est de gagner de l'argent en jouant.
Neymar et Snoop Dogg
Pour suivre tout ça de près, Chris Lyons, associé d'Andreessen Horowitz, rejoindra le conseil d'administration de Yuga Labs. L'écosystème des « Bored Apes » a pour lui d'avoir embarqué des influenceurs qui devraient l'aider. Parmi eux, Neymar Jr, Gwyneth Paltrow et Snoop Dogg .
Une vidéo teaser de 30 secondes montre à quoi va ressembler Otherside, dont le lancement est prévu en avril. On y découvre des singes, forcément blasés. L'un, cigare aux lèvres, avachi dans sa chaise, pêche depuis un ponton. En arrière-plan, la devanture d'un bar. Et sur le mur, deux enseignes lumineuses. « BAYC », bien sûr. Mais plus surprenant, un mystérieux « FOMO » , le fameux acronyme qui décrit la « peur de manquer quelque chose ». Un pied de nez 3.0 ?
Thomas Pontiroli