Slovaquie : la tentative d'assassinat contre le Premier ministre Robert Fico crée la stupeur en Europe

Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, se trouve « entre la vie et la mort » après avoir été blessé par plusieurs balles mercredi à l'issue d'une réunion dans la petite ville minière de Handlova. Un homme âgé de 71 ans lui a tiré dessus à plusieurs reprises avec son arme, le blessant grièvement à l'abdomen, à un bras et à une jambe. 

Conduit à l'hôpital de Banska Bystrica, la grande ville la plus proche, le Premier ministre « n'est plus en danger de mort » a dit à la BBC le vice-Premier ministre, Tomas Taraba. Il a précisé que l'une des balles ayant atteint Robert Fico avait traversé l'estomac du dirigeant. Ce dernier, depuis sa sortie du bloc opératoire se trouver dans un état stable.

Réactions houleuses

Peu après cet attentat, sur les réseaux, certains disaient reconnaître un militant ayant ,cherché à créer un parti contre la violence, il y a huit ans. Il a été immédiatement arrêté. « Ce qui s'est passé est une attaque politique. C'est absolument clair, et nous devons réagir en conséquence », a déclaré dans la soirée le ministre de la Défense Robert Kaliniak.

La présidente slovaque, Zuzana Caputova, a condamné l'attaque « brutale et irresponsable ». « Je suis choquée. Je souhaite à Robert Fico beaucoup de force dans ce moment critique pour se remettre de cette attaque », a affirmé la présidente sortante dans un communiqué.

Au Parlement, les réactions ont été houleuses à l'annonce de la nouvelle et les travaux rapidement suspendus. L'un des quatre vice-Premiers ministres devrait assurer l'intérim si cela s'avère nécessaire. « La plupart des dirigeants politiques ont montré de la compassion et lui ont souhaité un prompt rétablissement. Mais les partis de la coalition se sont rapidement scindés en deux clans. Les uns soulignent que la polarisation politique du pays n'a que trop duré, les autres reprochent à l'opposition d'avoir créé un climat délétère en organisant des manifestations contre le gouvernement en janvier et février », raconte Jakub Hankovsky, directeur général d'Ipsos Slovaquie.

A l'inverse, les réactions politiques à l'étranger ont été unanimes, soulignant le choc de voir un dirigeant politique victime d'une tentative d'assassinat. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déploré « l'attaque ignoble » contre le Premier ministre slovaque. « De tels actes de violence n'ont pas leur place dans notre société et sapent la démocratie, notre bien commun le plus précieux. Mes pensées vont vers le Premier ministre Fico et sa famille », a écrit sur X la présidente de la Commission. Le dernier chef de gouvernement assassiné en Europe était le Premier ministre suédois, Olof Palme, le 28 février 1986.

Figure incontournable

Figure incontournable de la scène politique depuis plus d'une vingtaine d'années, le Premier ministre, âgé de 59 ans, est aussi l'une des personnalités les plus polarisantes du pays. Avocat de formation, fondateur du parti SMER-SD, Robert Fico a emporté les élections de 2006 en fédérant les partis de gauche. Mais son parti a été rapidement suspendu par le Parti socialiste européen (PSE) pour avoir noué une coalition avec nationalistes et populistes. Il reviendra au pouvoir en 2012, sera reconduit en 2016, mais démissionnera en 2018 à la suite de la crise générée par l'assassinat du journaliste Jan Kuciak. Un événement qui a profondément marqué le pays.

C'est seulement en 2023 que Robert Fico remporte à nouveau les élections générales et revient à la tête de l'exécutif. Populiste et pro-russe , il a cherché à renforcer son emprise sur l'appareil étatique. Une manifestation était prévue mercredi soir à Bratislava pour contester un projet de loi visant à renforcer le contrôle de l'Etat sur la télévision publique. Elle a été annulée. Un autre texte concernant la police suscite également beaucoup de contestation.

Un climat dur

Selon les observateurs, le climat politique est très dur en Slovaquie et les attaques souvent personnelles. La campagne pendant la dernière élection présidentielle a été particulièrement tendue, qualifiée de « haineuse » et de « peu transparente » par le diplomate pro-européen Ivan Korcok qui avait fini en tête au premier tour avant d'être battu par l'allié de Robert Fico, Peter Pellegrini . Des menaces contre des personnalités politiques, y compris la présidente du pays Zuzana Caputova, ont été proférées sur les réseaux sociaux.

La petite république d'Europe centrale de 5,4 millions d'habitants, membre de l'Union européenne, de la zone euro et de l'Otan, a apporté beaucoup de soutien à l'Ukraine dès le début de l'invasion russe. Mais depuis son retour au pouvoir, Robert Fico, proche de Vladimir Poutine, a juré d'arrêter les transferts d'équipements militaires vers Kiev.

Le Premier ministre slovaque est le premier à s'être opposé de façon véhémente à l'envoi de troupes en Ukraine, à la veille de la réunion organisée par l'Elysée le 26 février dernier. Ce à quoi Emmanuel Macron avait répondu qu'« en dynamique rien ne doit être exclu ».

A quelques jours du prochain scrutin, « cet événement rebat les cartes des élections européennes », estime Jakub Hankovsky.

Plusieurs responsables nationaux, dont le chancelier allemand Olaf Scholz, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se sont dits « choqués » par cette attaque qu'ils qualifient d'« attentat ».