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La mort du président iranien ne va pas changer la trajectoire du régime

Le décès du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère dimanche aura peu d'incidences en Iran, tant le pouvoir est concentré entre les mains du Guide suprême. Elle relance toutefois la question de la succession d'Ali Khamenei, âgé de 85 ans, pour laquelle le président iranien était pressenti.

Le président iranien, Ebrahim Raïssi, avec le président d'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, sur le barrage frontalier de Qiz-Qalasi, quelques heures avant son accident d'hélicoptère.
Le président iranien, Ebrahim Raïssi, avec le président d'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, sur le barrage frontalier de Qiz-Qalasi, quelques heures avant son accident d'hélicoptère. (Via Reuters)

Par Virginie Robert

Publié le 20 mai 2024 à 15:14Mis à jour le 23 mai 2024 à 09:26

Brutale, la disparition du président iranien, Ebrahim Raïssi, dans un accident d'hélicoptère dimanche prive le régime d'un candidat longuement préparé à la succession du Guide suprême, Ali Khamenei. Elle intervient à un moment où l'Iran est fragilisé, tant par le mécontentement d'une société qui supporte de moins en moins les pressions sociales et les pénuries, que par un contexte géopolitique de plus en plus dangereux.

Le décès du président ainsi que les récentes inquiétudes sur l'état de santé du roi saoudien ont fait monter les cours du pétrole lundi, en raison des incertitudes politiques suscitées par ces deux grands producteurs d'or noir. Mais cet accident « va déstabiliser l'Iran un petit moment, tout au plus. Le centre du pouvoir est chez le Guide suprême, qui peut en déléguer partie aux uns et aux autres. La situation est tout à fait gérable », estime Antoine Basbous, associé de Forward Global et directeur de l'Observatoire des pays arabes.

Elections le 28 juin

Le premier vice-président iranien, Mohammad Mokhber, va assurer l'intérim jusqu'à une nouvelle élection qui a été annoncée lundi soir pour le 28 juin. Un processus électoral qui est de moins en moins suivi dans le pays, car il est totalement contrôlé dans le choix des candidats comme dans le décompte des votes, observe le politologue. Le mécontentement croissant de la population face au régime, aux difficultés économiques - avec une inflation à plus de 40 % - et à la pénurie d'eau dans certaines régions contribue largement au phénomène d'abstention.

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« Le peuple iranien ne devrait pas s'inquiéter, il n'y aura pas de perturbation dans l'administration du pays », a voulu rassurer le Guide suprême dimanche, appelant à prier pour les neuf victimes du crash, dont le ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, le gouverneur de la province et le principal imam de la région. Une affirmation qui a été davantage perçue comme un avertissement à d'éventuels fauteurs de troubles.

En Iran, le pouvoir est dans les mains du Guide suprême, la plus haute personnalité politique et religieuse de l'Etat, qui s'appuie sur le militaire et les Gardiens de la révolution (Pasdaran). Toute la stratégie d'Ali Khamenei ces dernières années a été vouée à faire de son pays une puissance régionale, en développant malgré les sanctions occidentales une industrie nucléaire, des missiles balistiques et en intervenant dans tous les foyers de conflits régionaux.

Un président impopulaire

Le président Ebrahim Raïssi, 63 ans, était le visage « officiel » du régime théocratique iranien, chargé du gouvernement. Ultraconservateur, il a longtemps été à la tête du pouvoir judiciaire avant d'être élu à la présidence en 2021, lors d'un scrutin marqué par une forte abstention. Succédant à Hassan Rohani tombé en disgrâce, Ebrahim Raïssi a toujours été fidèle au Guide suprême.

Extrêmement impopulaire, il est surtout connu pour avoir multiplié au cours de sa carrière les exécutions d'opposants (des milliers en 1988) et très sévèrement réprimé les mouvements contestataires. En dernier lieu, la révolte des femmes après la mort de Mahsa Amini, 22 ans, détenue par la police des moeurs en 2022 pour un voile qui ne la couvrait pas suffisamment.

Considéré comme l'un des successeurs possibles du Guide suprême, âgé de 85 ans, il laisse un vide sur l'échiquier… qui devrait être vite comblé. « Le président fait partie d'une équipe à la main du Guide, l'équipe survivra », assure Antoine Basbous, qui n'exclut aucun scénario, dont celle de l'ascension d'un pasdaran à la plus haute marche le jour venu.

Milices

Appliquant la feuille de route mise en musique par le général Qasem Soleimani (tué par un drone américain en 2020), Ebrahim Raïssi a continué à financer différentes milices aux ordres de Téhéran pour imposer l'Iran comme un acteur incontournable derrière chacun des conflits au Moyen-Orient. Le ministre des Affaires étrangères disparu a été un relais important de cette stratégie. Elle revient maintenant à Ali Bagheri, le négociateur sur le nucléaire, qui va lui succéder.

Allié de Bachar Al Assad en Syrie, toujours actif en Irak, où il s'appuie sur le groupe paramilitaire Résistance islamique en Irak, qui attaque régulièrement les bases militaires américaines, l'Iran est avant tout la Némésis d'Israël, qu'il menace sur tous les flancs. Avec le Hezbollah au Liban ; en étant le principal soutien du Hamas, instigateur de l'attentat du 7 octobre en Israël ; et via les Houthis, qui ont multiplié les attaques en mer Rouge depuis le Yémen, contraignant les flottes commerciales à trouver de nouvelles routes maritimes.

« Raïssi a eu un impact en orchestrant un tournant vers les voisins de la région. Il y a eu moins d'efforts pour sauver l'accord sur le nucléaire et davantage sur la résolution de conflits avec des pays comme l'Arabie saoudite et plus tard l'Egypte. Cela a été fait avec le soutien du gouvernement irakien et il sera intéressant de voir si son successeur maintient cette politique », observe Hamzeh Hadad, chercheur à l'European Council on Foreign Relations.

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Tensions vives

La tension n'a jamais été aussi vive entre Israël et l'Iran que depuis l'attentat du 7 octobre dernier. Cela s'est traduit notamment par un raid aérien sur Damas, attribué à Israël, qui a éliminé le numéro deux des Gardiens de la révolution, le général Zahedi. Moins de deux semaines plus tard, Téhéran s'en est pris pour la première fois directement à l'Etat hébreu, envoyant en une nuit plus de 200 drones, missiles de croisière et des missiles balistiques sur le pays, mais dont la plupart ont été bloqués par le bouclier de défense israélien. A Jérusalem, on ne voit pas d'évolution notable à attendre après la disparition d'Ebrahim Raïssi.

Rien ne devrait non plus changer avec l'allié russe, avec qui Téhéran a défendu le régime de Bachar Al Assad en Syrie. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a reçu à Moscou deux hauts responsables du Hamas, quinze jours à peine après l'attentat du 7 octobre, ainsi que l'adjoint au ministère iranien des Affaires étrangères, Ali Bagheri. Téhéran fournit des drones aux Russes en Ukraine et s'approvisionne en avions et systèmes de défense antimissiles auprès de Moscou. Un accord de libre-échange est en négociation entre l'Iran et l'Union économique eurasienne, un bloc dirigé par la Russie aux côtés de pays de l'ex-URSS. Lundi, Moscou déplorait la perte d'un « véritable ami ».

Pas encore d'explications

L'hélicoptère a disparu dimanche en début d'après-midi alors qu'il survolait une région escarpée et boisée dans des conditions météorologiques difficiles avec de la pluie et un épais brouillard. Les circonstances de l'accident, intervenu après la visite d'un barrage en Azerbaïdjan, un pays qui a des liens forts avec Israël (base locale du Mossad et achat d'armes israéliennes, vente de pétrole et de produits agricoles à l'Etat hébreu) ne sont toujours pas connues. Le Mossad a nié toute implication.

Virginie Robert

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