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Les pays émergents craignent aussi l'afflux de produits chinois

Les hausses de droits de douane sur l'acier chinois se multiplient dans les pays du Sud. Devant l'essor des exportations de l'empire du Milieu, un protectionnisme se met aussi en place dans les pays émergents.

Le gouvernement brésilien a annoncé un doublement des droits de douane sur certaines productions d'acier alors que les importations en provenance de Chine ont bondi de 60 % l'an passé.
Le gouvernement brésilien a annoncé un doublement des droits de douane sur certaines productions d'acier alors que les importations en provenance de Chine ont bondi de 60 % l'an passé. (Rich Press/Bloomberg)

Par Guillaume de Calignon

Publié le 14 mai 2024 à 16:29Mis à jour le 15 mai 2024 à 16:42

Les Occidentaux ne sont pas les seuls à s'inquiéter de la prédominance chinoise dans certains secteurs industriels. Le « Sud global » craint aussi le déferlement de produits fabriqués dans l'empire du Milieu. C'est le cas de nombreux pays concernant l'acier. Les surcapacités chinoises dans la sidérurgie sont très importantes en raison de la crise immobilière qui a fait fléchir le secteur de la construction.

L'acier chinois, qui ne trouve plus preneur sur le marché intérieur, se retrouve mécaniquement sur les marchés extérieurs. Ce qui fait grincer les dents des partenaires commerciaux de Pékin, le plus souvent des pays émergents qui voient leurs propres producteurs laminés. « Nous assistons à l'émergence de tensions commerciales et au développement d'un protectionnisme entre les pays du Sud », explique Julien Marcilly, chef économiste de Global Sovereign Advisory.

Des hausses de droits de douane

Le mois dernier, le gouvernement brésilien a ainsi annoncé vouloir doubler les droits de douane sur certaines importations d'acier à 25 % pour défendre son industrie sidérurgique. Les producteurs de tous les pays seront touchés par cette hausse mais il s'agit de freiner les importations chinoises qui ont déferlé ces deux dernières années au Brésil. Rien qu'en 2023, elles ont bondi de 60 % selon l'institut de l'acier du Brésil. Le Mexique a aussi relevé ses droits de douane à 80 % sur l'acier chinois. L'Inde avait fait de même quelques mois auparavant, tout comme le Vietnam depuis 2020. La Thaïlande a lancé une enquête et réfléchit à faire de même.

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Grande productrice de matières premières, l'Indonésie , elle, a mis en place une interdiction d'exporter du nickel brut, dont l'industrie chinoise est particulièrement friande en raison de son importance pour la transition énergétique. Le but est de pousser les entreprises chinoises à investir sur place pour transformer le nickel.

Des réglementations de ce type, il y en a toute une panoplie dans les pays émergents dans des secteurs différents. Dans les véhicules électriques , par exemple, l'Inde accepte que des voitures soient importées pour cinq ans sur son territoire si et seulement si le constructeur en question investit au moins 500 millions de dollars dans des usines sur son sol. Le message est clair : l'Inde, pays qui compte 1,4 milliard d'habitants, entend développer sa propre industrie des technologies vertes et ne se laissera pas ravir son marché par les fabricants chinois.

Le « Sud global » se fracture

« Les pays plus pauvres, tels que le Nigeria, acceptent l'afflux de biens manufacturés chinois peu chers. Ce n'est pas le cas des pays à revenus intermédiaires comme le Brésil ou l'Indonésie. Ils commencent à avoir un problème avec l'industrie chinoise parce qu'ils veulent développer leurs propres capacités de production industrielle pour monter en gamme », explique George Magnus, ancien chef économiste d'UBS et aujourd'hui chercheur au China Centre de l'université d'Oxford. Car, comme le dit Sébastien Jean, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), « le secteur manufacturier est central dans le développement économique des pays. Le Brésil est un cas intéressant car c'est un pays qui a profité et profite encore beaucoup de l'essor économique chinois. En taxant les importations d'acier, Brasilia montre qu'il ne veut pas rester éternellement relégué au rang de fournisseur de matières premières ».

Les tensions commerciales entre la Chine et les pays du Sud sont-elles appelées à s'accentuer ? « Oui, répond Julien Marcilly, d'autant que la Chine dépend de plus en plus d'importations étrangères, qu'il s'agisse du soja brésilien ou du nickel indonésien. » « Etant donné le poids de l'industrie chinoise, de son marché intérieur qui lui permet de profiter d'économies d'échelle gigantesques et de la volonté des pays de protéger leur propre industrie, le prétendu 'Sud global' est en train de se fracturer », conclut Brad Setser, économiste américain au Council on Foreign Relations.

Guillaume de Calignon

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