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Brexit : les sociétés de gestion britanniques boudent encore Paris

La France espérait attirer en masse des gestionnaires d'actifs britanniques désireux de vendre leurs fonds sur le continent. Seulement une vingtaine d'entre elles s'est installée à Paris et la liste complète de ces nouveaux arrivants reste un secret bien gardé par les instances de la Place.

Hormis quelques beaux noms comme BlackRock, les sociétés de gestion londoniennes qui ont choisi de s'installer à Paris sont souvent de petite taille, avec des racines françaises.
Hormis quelques beaux noms comme BlackRock, les sociétés de gestion londoniennes qui ont choisi de s'installer à Paris sont souvent de petite taille, avec des racines françaises. (iStock)

Par Amélie Laurin

Publié le 1 déc. 2020 à 11:07

Le 31 décembre, la gestion d'actifs sautera, comme le reste de l'économie, dans le grand bain du Brexit . Lorsque s'achèvera la période de transition ouverte en février, lors de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, l'industrie des fonds d'investissement sera scindée en deux. Du moins sur le papier. « Le 1er janvier prochain, les sociétés de gestion britanniques perdront le passeport européen qui leur permet de commercialiser des fonds dans l'Europe des 27, et inversement », rappelle Aloïs Thiant, directeur adjoint du service international de l'Association française de la gestion financière (AFG), le lobby du secteur à Paris. Sur le terrain, la situation est plus floue, alors que les négociations fleuve entre l'Union européenne (UE) et le Royaume-Uni oscillent toujours entre la perspective d'un « deal » ou d'un « no deal ».

« Nous sommes déterminés à ce que le Royaume-Uni reste un leader mondial de la gestion d'actifs », a rappelé il y a quelques jours Rishi Sunak, le ministre des Finances Outre-Manche. « Les acteurs britanniques qui espèrent un accès automatique au marché européen à compter du 1er janvier 2021 font un pari risqué : la Commission européenne a été claire que les divergences réglementaires britanniques seront scrutées de très près », prévient de son côté le représentant de l'AFG.

Pas de « raz-de-marée »

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Paris a déroulé le tapis rouge aux acteurs de la City londonienne dès le référendum britannique de 2016… sans ravir à Londres la place de numéro un européen de la gestion d'actifs. Avec quelque 4.000 milliards d'euros d'encours gérés, le marché français reste deux fois plus petit que son concurrent britannique. « Beaucoup d'acteurs anglo-saxons considèrent depuis 30 ans que Londres est la plateforme parfaite pour opérer en Europe, reconnaît Dominique de Préneuf, directeur général de l'AFG. « A Paris, il n'y a pas eu de raz-de-marée et certains acteurs sont restés attentistes, mais cela pourrait se décanter dans les mois qui viennent », espère-t-il.

Profondeur de l'écosystème local, qualité des infrastructures françaises et réformes de la fiscalité et du droit du travail… La Place a affûté ses arguments pour passer outre le « déficit d'image » du pays des gilets jaunes. « Paris est, comme Londres, la seule place universelle pour la finance en Europe, avec des activités diversifiées et une population qualifiée de professionnels des marchés financiers », pointe Arnaud de Bresson, délégué général de l'association de promotion Paris Europlace.

A fin 2019, 20 sociétés de gestion avaient obtenu un agrément pour exercer en France en raison du Brexit, dont 10 en 2019 (sur 45 créations « brutes »). Ces nouvelles entités ont contribué à porter le nombre d'entités enregistrées à 657. « Elles ont fait grimper le nombre de sociétés de gestion , qui était quasi stable depuis 2014 », pointe Philippe Sourlas, secrétaire général adjoint de l'Autorité des marchés financiers. Pour autant, « l'essentiel des mouvements a eu lieu en 2018 et 2019, en anticipation de la date du Brexit, initialement prévu le 29 mars 2019. Depuis, il y a peu de trafic », ajoute-t-il. Tous ces projets devraient créer, tout au plus, quelques centaines d'emplois directs, sur les 26.000 que compte le secteur en France.

Leur liste des nouveaux venus est un secret bien gardé par les instances de la Place, hormis l'exemple de l'américain BlackRock. Le numéro un mondial du secteur a ouvert une société de gestion alternative à Paris, où il est implanté depuis 14 ans. Chez BlackRock, « notre stratégie de présence accrue en Europe continentale a démarré il y a sept ans. Le Brexit a été l'un des accélérateurs pour renforcer notre présence locale, indique Stéphane Lapiquonne, directeur de BlackRock en France et co-patron de l'Europe continentale. Nous sommes passés à Paris de moins de 30 personnes il y a cinq ans à 200 aujourd'hui, après le rachat d'eFront, éditeur de logiciels pour la gestion alternative dont le siège est en France. »

Les britanniques Schroders et Partners Capital ont eux aussi fondé de nouvelles structures à Paris. Mais Schroders indique que son agrément en France découle de l'installation d'une équipe locale de gérants… en 2015.

Des boutiques de Frenchies

Les autres transferts émanent de banques et autres groupes financiers français qui ont rapatrié des expertises, ainsi que de boutiques londoniennes, notamment dans la gestion alternative, selon nos informations. Plusieurs d'entre elles sont dirigées par des Français comme Colville Capital Partners, Eleva Capital, Hellbore Capital, Stanhope Capital et la start-up Smart Lenders, qui a carrément fermé son antenne outre-Manche. Malgré la crise du Covid-19, quelques autres projets sont encore en cours, comme celui de l'américain Citadel, qui vient d'annoncer son arrivée. Le fonds de pension Capital Group et le géant de la gestion indicielle Vanguard auraient eux aussi des projets en France… et en Europe.

« Aucune place européenne ne peut peser à elle seule au niveau international », juge Stéphane Lapiquonne. Ceux qui n'ont pas choisi Paris se sont tournés principalement vers l'Irlande et le Luxembourg, connus pour leurs usines de back-offices et de domiciliation des fonds… ou vers plusieurs Places à la fois. « Au Luxembourg, nous sommes montés dans la chaîne de valeur grâce au Brexit tandis que Paris, dans les métiers d'investissement et Francfort, dans la banque, accueillent désormais plus d'activités paneuropéennes, estime Nicolas Mackel, directeur général du lobby Luxembourg for Finance. Les grands groupes vont chercher ce qu'il y a de mieux pour eux ici ou ailleurs. »

Amélie Laurin

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