Hadopi est en place, la « riposte graduée » prend son temps
Deux ans après avoir été annoncée, la Haute Autorité chargée notamment de sanctionner le téléchargement illégal a été mise en place vendredi. Les premiers e-mails d'avertissement ne seront toutefois pas envoyés avant avril.
Par Anne Feitz
La fameuse Hadopi a enfin un visage ! » En installant vendredi à midi la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a fait franchir une nouvelle étape à la loi création et Internet, très attendue par les milieux culturels. Les neuf membres du collège de la Haute Autorité, nommés par décret le 23 décembre dernier pour six ans, avaient élu un peu plus tôt dans la matinée leur présidente : il s'agit de Marie-Françoise Marais, conseiller à la Cour de cassation, spécialisée dans les affaires de propriété intellectuelle. « Cette Haute Autorité est prête à travailler », a dit le ministre lors de son discours vendredi. « Il s'agit rien moins que d'inventer une évolution et une adaptation de la problématique des droits d'auteur à l'ère numérique. [...] Car une création livrée au leurre de la gratuité, sans droits pour les auteurs, serait immédiatement atrophiée, pour ne pas dire étouffée. » Conçue pour lutter contre le piratage des oeuvres et faire respecter le droit d'auteur, la loi Hadopi prévoit un système de riposte graduée à l'encontre des internautes qui téléchargent illégalement de la musique et des films : premier e-mail d'avertissement, lettre recommandée en cas de récidive et, enfin, coupure de l'accès Internet en cas de nouvelle récidive. Avant de pouvoir effectivement mettre ce système en oeuvre, la Haute Autorité devra toutefois encore attendre la signature de deux décrets supplémentaires : celui qui précise le fonctionnement du système automatisé des e-mails et celui qui fixe la procédure à suivre. « Ces décrets seront soumis au collège Hadopi dans les plus brefs délais et seront publiés incessamment sous peu », a indiqué Frédéric Mitterrand, en précisant qu'ils n'avaient pas encore été transmis au Conseil d'Etat et à la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés). Les premiers avertissements seront donc envoyés « en avril selon l'option basse, en juilletselon l'option haute », a poursuivi le ministre.
Un long parcours législatif
Soit, plus de deux ans et demi après l'annonce de la loi en novembre 2007. Finalement adoptée par le Parlement en septembre 2009, la loi dite « Hadopi » a connu un parcours législatif mouvementé : elle avait été retoquée une première fois par l'Assemblée nationale au printemps, puis censurée en juin par le Conseil constitutionnel, contraignant le gouvernement à présenter un nouveau projet de loi.
Dotée d'un budget de 5,3 millions d'euros pour 2010, la Haute Autorité installée vendredi est composée d'un collège et d'une commission de protection des droits (comptant 3 membres). C'est cette commission qui sera chargée de mettre en oeuvre les sanctions, tandis que le collège a plutôt pour mission d'encourager le développement de l'offre légale. Frédéric Mitterrand a précisé vendredi que les dispositifs techniques pour la mise en oeuvre de la loi étaient prêts et que les FAI (fournisseurs d'accès à Internet) supporteraient seuls le coût des adaptations nécessaires.
A. F.