L'exonération de l'électricité remise en question
La décision du Conseil relance le débat sur l'exonération de l'électricité. L'intégration dans le périmètre de la taxe carbone des centrales thermiques, déjà soumises au système des quotas, divise industriels, experts et politiques.
Faut-il oui ou non taxer le contenu carbone de l'électricité ? En censurant tous les articles de loi ayant trait à la taxe carbone, le Conseil constitutionnel va forcer le gouvernement à relancer un débat qui divise les experts et les industriels depuis des mois. Dans son avis, le Conseil a estimé que la taxe faisait l'objet de trop d'exemptions pour respecter le principe d'égalité devant l'impôt. Les centrales électriques thermiques sont pointées du doigt, à l'instar d'autres installations comme les raffineries, verreries, ou cimenteries. Pour le Conseil, ces exemptions « ne sont pas justifiées par le régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, ces quotas étant attribués à titre gratuit jusqu'en 2013 ».
L'enjeu pour EDF n'est pas mince. En France, l'essentiel de l'électricité est produit à partir de l'atome. Mais les centrales à base de fioul, de gaz ou de charbon, ont tout de même assuré 10,4 % de la production en 2008, contre 76,2 % pour le nucléaire, 12,4 % pour l'hydraulique, et 1 % pour l'éolien et le photovoltaïque. Les centrales thermiques ont même le vent en poupe. Entre 2006 et 2008, EDF a réactivité 2.600 MW de capacités de production de pointe au fioul, mises « sous cocon » dans les années 1990, lorsque le pays produisait trop d'électricité.
Eviter la double peine
Les gaziers se sont longtemps battus pour que l'électricité entre dans le périmètre de la taxe carbone. GDF Suez a toujours considéré que l'exonération des centrales thermiques allait « encourager le chauffage électrique », au détriment du gaz. Favorisant qui plus est l'utilisation de centrales à énergie fossile pour répondre aux pics de consommation. De son côté, EDF, soumis au système des quotas, veut éviter la double peine. Le problème, c'est que le gouvernement maîtrise le montant de la taxe carbone, mais pas celui des quotas de CO2, mis en oeuvre au niveau européen. D'où, en cas d'écart entre les deux mécanismes, un risque de discrimination entre gaz et électricité.
L'exonération de l'électricité de la taxe carbone n'a pas non plus fait consensus parmi les experts et les politiques. « Il faut réduire notre consommation d'énergie, y compris notre consommation électrique. Dans les périodes de pointe, on va rechercher de l'électricité qui vient des énergies fossiles », avait souligné Nicolas Hulot à l'automne. L'ancien Premier ministre Laurent Fabius était sur la même ligne. Plus prudent, Michel Rocard jugeait au contraire que les études n'étaient pas suffisantes pour appliquer la taxe carbone à l'électricité dès 2010. « L'annulation du Conseil constitutionnel ne doit pas changer la donne. Les centrales thermiques sont déjà soumises au système des quotas de CO2. L'application d'une taxe carbone serait une double peine pour le secteur », estime de son côté Jacques Percebois, universitaire et membre de la commission Champsaur.
Il semble néanmoins que le gouvernement juge désormais incontournable d'imposer le paiement, même partiel, de la taxe à tous les acteurs (lire page 2).
EMMANUEL GRASLAND