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Les ultranautes sont parmi nous

Les 12-25 ans sont nés avec Internet, le mobile et les jeux vidéos. Cette génération ne consomme plus les médias, et donc la pub, de la même manière que ses aînés.

Par Julie CARCELLER

Publié le 31 juil. 2007 à 03:30

Ultranautes. » C'est ainsi que Nicolas Bordas, président de TBWA France, nomme les 12-25 ans. Surconnectés, passant d'un forum sur le Net à une messagerie instantanée tout en envoyant des SMS sur leur mobile, ces consommateurs mutants donnent la migraine aux annonceurs et aux publicitaires. Les ultranautes sont communautaires, branchés en continu, exigeants et prompts à encenser comme à vilipender les marques, via leurs blogs. Exemple avec l'iPod, roi des produits branchés.

Yohan Gicquel, socio-marketer et enseignant à Sup de Pub, a mené l'enquête pendant deux ans auprès de 1.000 jeunes de 15 à 28 ans (1). Pour cet observateur privilégié, « les jeunes ne se sentent bien que dans l'effervescence. Ils essaient de reproduire les schémas en vigueur sur les réseaux, vitesse et instantanéité, dans leur vie réelle. Leurs avatars sont de plus en plus perfectionnés, et ils en changent en fonction des sites qu'ils visitent. » Au risque de perdre en chemin une partie de leur identité ? « Lors d'un chat, l'un d'eux m'annonce qu'il va aller en boîte. Quand je lui demande laquelle, il me répond : «Celle de Second Life !» En fait, c'est son moi pixellisé qui sortait, pendant que lui restait tranquillement devant son écran. »

Appartenir à une communauté

Pour atteindre ces jeunes mutants, les séduire et les garder dans le giron des marques, les créatifs ont chacun leur concept. Pour Nicolas Bordas, « il faut être «disruptifs» (2) dans le fond et la forme, et utiliser une combinaison de médias jamais expérimentée auparavant ». TBWA a baptisé la démarche « Média Arts ». Illustration concrète de la démarche avec l'opération « Vertical Football », désormais fameuse : sur un mur de 15 mètres de haut en plein centre de Tokyo, deux joueurs de foot, attachés à des filins, échangent des passes dans les airs. Le slogan d'Adidas « Impossible is nothing », prend tout son sens et engendre un énorme buzz planétaire (la vidéo du film publicitaire a été téléchargée des dizaines de milliers de fois), le tout pour un coût modeste d'environ 100.000 euros.

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Chez BETC Euro RSCG (groupe Havas), l'idée phare du moment, c'est le « commerce 2.0 », c'est-à-dire proposer un produit ou un service qui sera validé par la communauté d'appartenance de la cible. Pour Raphaël de Andreis, coprésident de BETC, « le «peer to peer» a profondément transformé la perception des marques par cette génération. L'important pour eux n'est plus le message publicitaire, mais l'appartenance à une communauté. Etre niveau 10 dans «World of Warcraft», ça c'est une vraie identité ». Autre clef pour pénétrer dans l'univers des jeunes mutants : la consommation « on demand ». « L'utilisation des médias digitaux représente une véritable différence pour cette génération par rapport aux précédentes. Pour eux, c'est «ce que je veux, quand je veux» », analyse Grégoire Baret, directeur conseil chez Duke. Nadine Medjeber, directrice d'études chez Havas Média, abonde dans ce sens : « Avec les nouveaux équipements comme les podcasts ou les téléchargements, il y a une «délinéarisation» de la consommation des contenus. C'est devenu «où je veux, ce que je veux, quand je veux». »

Génération individualiste et exigeante, les 12-25 ans sont aussi prêts à participer si on sait comment les intéresser.

Avec Player's Republic, Sony et Duke ont réussi à créer une communauté de passionnés de la console de jeux PlayStation 3.

En janvier 2007, cinq mois après son lancement, Player's Republic enregistrait plus de 1 million de pages vues par mois et avait fédéré un coeur de cible se rendant sur la plate-forme en moyenne 2,5 fois par mois et passant plus de 20 minutes sur le site à chaque visite. Mais ce genre d'initiative ne fonctionne que si l'annonceur est d'accord pour ne rien censurer. « C'était une recommandation forte de notre part dès le début », précise Grégoire Baret.

Jouer la transparence

La transparence est en effet une condition sine qua non pour s'adresser à cette cible. Pas question de se dissimuler sous le faux nez d'un blogueur ou d'un « trendsetter » (créateur de tendances) infiltré dans une communauté pour faire passer un message commercial. L'intrus sera vite démasqué et le choc en retour démultiplié par la puissance de la transmission virale. « Les jeunes veulent que les choses soient claires : la publicité doit être de la publicité et énoncée comme telle. La fausse empathie est dangereuse », avertit Raphaël de Andreis. Non que les ultranautes soient anti-pubs. Bien au contraire : « Ils adorent la consommation et les marques, juge Nicolas Bordas, mais parallèlement, ils ont un système de valeurs : ce qu'ils aiment, par exemple, dans un livre comme « No Logo » [de Naomi Klein, NDLR], c'est le fait de boycotter les Nike lorsqu'elles sont fabriquées par des enfants. Ces jeunes mutants constituent pour nous un laboratoire qui nous permet de voir comment les choses vont se dérouler. » Et, de fait, productrice de contenus (blogs, sites, messages viraux), prête à s'enflammer pour ou contre une marque, au courant des dernières tendances en temps réel, la génération des 12-25 ans n'a pas fini de perturber l'ordre commercial établi. « On ne peut plus s'adresser à eux de la même façon qu'avant. Ils attendent des contreparties qui peuvent être une reconnaissance, un statut ou même de l'argent », prévient Grégoire Baret. C'est ainsi, en particulier dans le domaine du mobile, que l'on est passé de la création publicitaire classique à la notion de « brand equity » et à la résurgence de la notion de services.

On échange par exemple l'envoi de messages publicitaires contre un service comme des SMS gratuits. « L'internaute n'est plus le récipiendaire d'un message marketing officiel, il dispose d'un contre-pouvoir. Ça demande adaptation, prise de conscience et remise en question », conclut Orianne Garcia, présidente de lentillesmoinscheres.com. Reste une interrogation : annonceurs et agences sauront-ils réagir à l'arrivée de ces néo-consommateurs ?

SERGE WAUTHIER

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