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Procter et Gillette : deux visions à marier

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Par Clotilde Briard

Publié le 31 janv. 2005 à 01:01

En faisant tomber le groupe Gillette dans son escarcelle (lire pages 32 et 33), Procter & Gamble s'offre 2 marques figurant parmi les 100 premières mondiales en valeur, alors que lui-même n'en possède pas. Selon le classement 2004 d'Interbrand, les rasoirs Gillette s'octroient, en effet, le 15e rang tandis que les piles Duracell occupent la 80e position. Dans cette liste, qui compte aussi bien Coca-Cola que Microsoft, Mercedes ou Nintendo, le groupe de Cincinnati fait, en revanche, figure de grand absent. Et pour cause.
Le géant de la grande consommation a fait le choix, contrairement à sa nouvelle acquisition, de proposer des marques et des produits beaucoup moins homogènes d'un continent, voire d'une nation, à l'autre. Dans certains pays, il peut ainsi afficher jusqu'à 6 ou 7 noms de lessive différents.

Les deux entreprises partagent, certes, la même nationalité, américaine, et vendent leurs produits sur les linéaires des mêmes hypermarchés. Mais, si Alan G. Lafley, PDG de Procter & Gamble, affirme qu'elles « ont des cultures similaires et des forces complémentaires en termes de gestion de marque, d'innovation, d'échelle et de commercialisation », elles n'ont pas tout à fait adopté les mêmes méthodes marketing sur le terrain. Gillette, dont le siège est à Boston, a plutôt tendance à assurer des lancements mondiaux, démarrant en principe aux Etats-Unis puis se déclinant dans les différents pays, dans la plus pure vision du marché de masse. Quant à son acquéreur, tirant les leçons d'échecs répétés liés à un excès de globalisation, il a, lui, pris un virage plus local, donnant une certaine marge de manoeuvre aux entités régionales.

Pas de consommateur moyen
Sa pratique dans les détergents, l'un des marchés sur lesquels s'expriment les attentes les plus différentes selon les pays, fournit un exemple probant de la stratégie de Procter. La filiale française a ainsi réinvesti sur des marques comme Vizir et Bonux, et, en novembre, lancé à l'assaut des lave-linge Mr. Propre, habitué des placards de produits d'entretien et bénéficiant dans l'Hexagone d'un fort capital de sympathie.
Elle a aussi mis sur le marché Ariel Style, une lessive censée aider à conserver l'aspect initial d'un vêtement, et qui répond à un souci de protection des fibres exprimé par les clients _ et surtout clientes _ de l'Hexagone. L'idée a depuis été reprise par d'autres entités européennes, mais pas nécessairement sous le même nom. En Italie, la formule a fait son apparition dans les rayons sous la marque Dash Forma e Colore tandis qu'en Allemagne, elle a pris la dénomination d'Ariel Color & Style. Basée à Bruxelles, la cellule de recherche et développement pour la catégorie soin du linge pour l'Europe part désormais systématiquement du principe qu'il n'existe pas de consommateur moyen « transfrontières ».

Il est trop tôt pour savoir quelles stratégies marketing seront impulsées au groupe dans son nouveau périmètre, mais on peut imaginer des scénarios. « Procter & Gamble va probablement jouer des cartes différentes selon les marchés sur lesquels se trouvent les marques de Gillette. Toutes n'ont pas besoin de la même modulation locale, souligne la spécialiste en stratégie de marques Marie-Claude Sicard. Dans le cas de Duracell, mettre des piles dans un appareil ne varie pas beaucoup d'une culture à l'autre. En revanche, pour Braun et le petit électroménager ou pour Oral-B et le dentaire, les usages ne sont pas identiques partout. »
Elle estime, en outre, que l'entreprise de Cincinnati peut encore aller plus loin en termes d'adaptation locale sur certains de ses propres segments.

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Des profils de carrière voisins
Si elles ont, jusque-là, emprunté des voies différentes pour arbitrer le match entre global et local, les deux entreprises se retrouvent néanmoins sur un certain nombre de terrains marketing.
Au-delà de la complémentarité de leurs portefeuilles de produits, elles disposent de marques fortes, bien implantées dans l'imaginaire du public et bénéficiant d'un assez bon pouvoir d'adhésion. Les innovations de Gillette, montrées sous un angle très technologique qu'il s'agisse du rasage ou des piles, vont en outre contribuer à nourrir l'image de Procter. « Leurs cultures marketing générales s'avèrent également proches. Ce sont d'ailleurs les mêmes jeunes gens qui rêvent de rentrer chez Procter, Unilever ou Gillette et les profils de carrière y sont assez voisins », relève Marie-Claude Sicard. L'experte souligne qu'il n'est pas neutre que les deux groupes soient nés autour de l'hygiène et des valeurs morales qui y étaient attachées.
Sur le plan des synergies en marketing, le nouvel ensemble pourra disposer d'une force de frappe nettement plus grande dans un secteur qui lui tient à coeur, le bucco-dentaire. Plus globalement, des économies d'échelle seront évidemment possibles pour un certain nombre d'opérations, de l'achat d'espace à la promotion. Mais la tendance à des investissements marketing importants, commune aux deux groupes, ne devrait pas s'inverser.

CLOTILDE BRIARD

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