[go: up one dir, main page]

Publicité

Bons à moyen terme négociables: un marché qui pèche encore par manque de maturité

Présentée comme l'une des dernières étapes de la modernisation du marché financier français, la création en mars 1992 des bons à moyen terme négociables donne, six mois plus tard, l'impression amère d'une symphonie inachevée.

Publié le 31 août 1992 à 01:01

Créés à l'initiative des trésoriers d'entreprise pour favoriser le développement en France d'un véritable marché des capitaux à moyen et long terme, force est de constater aujourd'hui que les bons à moyen terme négociables (BMTN) n'ont pas encore répondu aux objectifs fixés par Pierre Bérégovoy lors de l'annonce, en mai 1991, de la réforme de la loi sur les titres de créances négociables.
Sur les 107 émetteurs de BMTN présents à fin août, une seule entreprise, Fiat Finance France, avait effectivement utilisé ce nouveau marché pour émettre environ 800 millions de francs.
Tous les autres émetteurs sont des établissements bancaires et financiers, qui ont transformé en programme de BMTN leurs anciennes émissions de certificats de dépôt ou de BISF.
La bouderie
des entreprises
La progression spectaculaire de l'encours des BMTN en circulation, passant de zéro à près de 140 milliards de francs en six mois, masque donc une incontournable réalité: les BMTN n'ont pas séduit les entreprises, alors qu'ils ont essentiellement été créés à leur intention.
Dès lors, faut­il considérer avec ce banquier que la réforme des TCN n'a consisté qu'à changer « l'étiquette sur le flacon, mais pas son contenu » ? Avant même l'entrée en vigueur de la réforme, Philippe Bordenave, directeur de la salle des marchés de la BNP, et, à l'époque, président de l'ATB (Association des trésoriers de banque), avait prévenu : « La création des BMTN est une réforme en trompe-l'oeil. » Il résumait ainsi le sentiment d'une grande partie des banquiers de la place de Paris, selon lequel la création d'un nouveau label ne suffisait pas pour permettre l'émergence d'un véritable marché financier.
L'attrait
du régime juridique
L'absence des entreprises sur le marché des BMTN apparaît toutefois étonnante au regard de tous ses avantages. Dans un souci d'ouverture internationale de la place de Paris, leur régime juridique a été aligné sur celui, très libéral, en vigueur sur les marchés concurrents de « medium term notes » américain et euro.
En contrepartie d'une obligation de notation, les BMTN peuvent être émis en continu dans le cadre d'un programme, dans toutes les devises à partir d'une durée d'un an. Ils peuvent par ailleurs être rachetés aux investisseurs, ce qui favorise la mise en place d'une gestion active de la dette.
Les raisons de cette absence des entreprises sont multiples. L'une des plus évidentes réside probablement dans la jeunesse de ce marché, créé en mars 1992. A titre de comparaison, le marché des euro-MTN a mis plus de trois ans avant de prendre son essor.
Par ailleurs, certains rappellent que les BMTN, voulus par les trésoriers d'entreprise à travers le « lobbying » actif de leur association, l'AFTE, leur ont rapidement échappé, dans la mesure où les décisions de financement sont du ressort de la direction générale ou financière, et non pas de la trésorerie. Ce à quoi l'AFTE répond que son objectif principal était de favoriser l'émergence sur le plan juridique d'un tel marché en France, et qu'il appartient désormais aux entreprises de décider ou non de l'utiliser, en concurrence avec les autres modes de financement.
Un problème
de rémunération
Le troisième argument fréquemment avancé tient au manque d'intérêt des investisseurs. Un phénomène lié au refus des entreprises de payer la prime de risque nécessaire pour une émission à long terme, c'est-à-dire entre 1 % et 2 % de plus que le taux de rendement offert par les emprunts d'Etat de même durée. Mais le manque d'appétit des investisseurs tient aussi aux obstacles d'ordre réglementaire, fiscaux et comptables, qui s'opposent encore à l'acquisition de titres de créances par certaines catégories d'investisseurs, notamment les caisses de retraite et les mutuelles. Enfin, l'inversion actuelle de la courbe des taux ne facilite pas le placement de titres à moyen terme, alors que les OPCVM ont une préférence marquée pour placements courts.
Au-delà de ces raisons structurelles, les BMTN se heurtent surtout à un problème de rémunération. « En suscitant la création des BMTN, les entreprises ont voulu contourner le problème de la rémunération de l'intermédiation bancaire en organisant un marché sur lequel elles fixeraient elles-mêmes les conditions », explique ainsi un banquier. Une tentative qui, selon lui, était vouée à l'échec. « Les BMTN, qui ne peuvent être, comme les euro-MTN, qu'un marché d'appoint utilisé par quelques gros émetteurs pour profiter d'une demande spécifique de la part d'un ou de plusieurs investisseurs, souffrent surtout du manque d'organisation du marché, chacun, trésoriers ou banquiers, restant sur ses positions », poursuit­il. Une symphonie inachevée donc, qui prendra sans doute encore quelques mois avant d'être jouée. Toutefois, plusieurs entreprises, conscientes de la nécessité dans laquelle se trouvent les banques d'assurer une rentabilité à leur activité d'intermédiaires, commencent déjà à négocier avec elles des contrats de placements identiques à ceux en vigueur sur le marché de l'euro-MTN. Un vent d'espoir pour éviter un échec dommageable pour la place de Paris.

Philippe Mabille et Thomas Le Masson

Entreprise - Solo.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres
Publicité