C’est un record sous la Ve République : le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé, samedi 9 décembre, en marge d’une interview au média Brut, son intention de dissoudre une sixième formation d’extrême droite en 2023. Academia Christiana, un groupe catholique traditionaliste, rejoint ainsi les identitaires des Remparts Lyon, de La Citadelle, à Lille, ou les activistes violents de la Division Martel, un groupuscule néonazi. L’organisation a aussitôt annoncé contester cette décision.
En février, le ministre obtenait la dissolution du groupuscule Bordeaux nationaliste ; celle de l’association catholique d’extrême droite Civitas était prononcée le 4 octobre. Elles faisaient suite à la dissolution du groupuscule identitaire violent des Zouaves Paris, en janvier 2022, à celle de Génération identitaire, en mai 2021, ou encore à celle de L’Alvarium, groupe catholique dissous en novembre de la même année – une décision définitivement confirmée par le Conseil d’Etat en novembre. En 2019, le gouvernement avait également procédé à la dissolution de sept associations formant le réseau du Bastion social, ainsi qu’à un groupe néonazi, Blood and Honour.
Au total, depuis 2017, ce sont une quinzaine d’organisations d’ultradroite qui ont été dissoutes. Une politique assumée par Gérald Darmanin. « La main du gouvernement n’a jamais tremblé face à l’ultradroite qui est, certes loin derrière l’islam radical, aussi une menace pour la sécurité », explique-t-on dans son entourage.
« Traditionnellement, ces dissolutions permettaient de limiter le niveau d’activisme de ces groupuscules », explique l’historien Nicolas Lebourg, chercheur au Centre d’études politiques de l’Europe latine à l’université de Montpellier et spécialiste de l’extrême droite. Mais la dissolution est-elle encore un outil efficace ? Loin de disparaître, les groupuscules d’ultradroite semblent au contraire en pleine dynamique ascendante, formant un front mouvant, décliné en petites organisations locales qui se coordonnent sur les réseaux sociaux et multiplient les actions spectaculaires.
« Nouvelle stratégie organisationnelle »
« Entre 2021 et 2022, se souvient un ancien préfet dans le Sud-Est, le ministère nous a mis une pression incroyable pour multiplier les arrêtés contre les groupuscules d’ultradroite. Les services s’arrachaient les cheveux : on ne trouvait pas de motif juridique valable. Si ces gens-là nous avaient traînés devant les juridictions administratives, nous aurions pris raclée sur raclée. » De l’aveu du haut fonctionnaire, les militants ne « prenaient pas la peine » d’aller jusque-là. Plutôt que ferrailler et engager des procédures, « ils changeaient leur nom, se retrouvaient ailleurs et reprenaient tranquillement leurs activités, qui étaient d’ailleurs difficilement répréhensibles en l’état actuel du droit ».
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