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Morbihan : le mystère du château de l’Hermine enfin résolu par les archéologues ?

Alors qu’une équipe d’archéologues de l’Inrap vient de mettre au jour à Vannes, dans le Morbihan, les vestiges d’un château ducal en partie oublié, retour sur son histoire avec l’historien vannetais François Ars.

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Fouilles menées par l’Inrap dans la cour de l’hôtel Lagorce. (Mairie de Vannes)

Par Véronique Dumas

Publié le 6 avr. 2024 à 07:00Mis à jour le 6 avr. 2024 à 13:47

Historia - Par qui a-t-il été construit ?

François Ars – Ce château, dit de l’Hermine, a été édifié dans les années 1380-85 à la demande du duc Jean IV de Bretagne qui est venu s’installer à Vannes et en a fait la capitale du duché. Il le fait construire en agrandissant vers le sud l’enceinte de la ville qui passe de 5 à 12 hectares. Cet espace a été gagné, grâce à des remblais, sur le golfe du Morbihan. C’est à la fois une résidence ducale et un château fortifié qui s’insère dans les nouveaux remparts. Fait notable, il a été bâti en une seule fois, ce qui montre la prospérité du duché de Bretagne. De plus, le duc dispose d’une main-d’œuvre abondante et qualifiée. Les fouilles ont révélé le savoir-faire des artisans, capables de tailler des pierres de manière « standardisée », de sorte qu’il n’y a plus qu’à les emboîter. Il faut aussi souligner la qualité exceptionnelle du parement. Mais ce château a été habité moins d’un siècle.

Son emplacement exact avait-t-il été oublié ?

F. A. - On savait où il se situait car ce château avait été utilisé par les ducs de Bretagne jusqu’à ce que François II, le père d’Anne de Bretagne, parte installer la capitale du duché à Nantes. Il n’est pas tombé en ruines tout de suite, il a été entretenu et François Ier y aurait séjourné lorsqu’il a signé, le 15 août 1532, l’acte de rattachement de la Bretagne à la France. Il commence à être démantelé sous le règne de Louis XIII, puis Louis XIV le vend à la ville de Vannes. Des pierres seront alors utilisées pour renforcer des remparts et aménager de nouveaux quais du port.

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Quel est le lien avec l’actuel château de l’Hermine ?

F. A. - En 1784, Julien Lagorce rachète les ruines du château et fait édifier à la place un bel hôtel particulier qui prend le nom d’hôtel Lagorce. Ce traiteur-pâtissier fortuné détruit ce qu’il reste des deux grosses tours, encore debout, situées à l’avant et fait intégrer sa nouvelle demeure aux murs du rempart, ce qui explique l’étroitesse de l’édifice. Mais il est rapidement ruiné et son hôtel-restaurant ferme en 1803. L’édifice qui est acquis par l’État en 1876, a ensuite abrité l’école d’artillerie de la ville, puis la trésorerie générale, ce qui lui vaut le surnom d’hôtel de la Vermine, et l’école de droit. Depuis 1976, il est la propriété de la ville de Vannes qui voudrait aujourd’hui en faire le musée des Beaux-Arts.

En quoi les fouilles sont-elles si importantes ?

F. A. - Elles ont révélé que le château ducal était construit sous la forme d’un « logis-porche » avec une grande tour carrée, ressemblant au château de Suscinio, l’autre résidence ducale de Jean IV, également dans le Morbihan. C’est un modèle de construction qui s’est beaucoup développé dans la seconde moitié du XIVe siècle. Au rez-de-chaussée, il y avait notamment un moulin, intégré dans une pièce de la tour. Mais, surtout, on ignorait comment était l’arrière du château. Il n’existe aucun dessin montrant l’édifice dans sa totalité.

Ruines du château de l’Hermine

«Plan des ruines de l'ancien château de l'Ermine. Pour faire voir la position des deux tours et terrain restant à afféager. Et demandé par le Sieur Julien Lagorce traiteur à Vannes. Intitulé Légv. Plume, encre de Chine, encre brune, encre rouge, lavis et aquarelle, 1769 env. Date 18e siècle, fin. »Wikimedia commons

La seule représentation connue, un plan de la seconde moitié du XVIIIe siècle, montre les deux tours, déjà en ruine, et certains spécialistes pensaient que s’il n’existait aucune représentation, c’est que tout avait été détruit. Or, c’est cette partie, à l’arrière, qui a été mise au jour. Elle se trouve à plus de 2,50 mètres et jusqu’à 4 mètres de profondeur par rapport au niveau actuel de circulation. Après que l’ancien château ducal a été démantelé, il y a eu un rehaussement important du sol qui a complètement dissimulé l’arrière, mais qui l’a aussi protégé. Nous n’avions aucune indication de ce qui pouvait s’y trouver. Découvrir aujourd’hui ces vestiges avec une telle qualité de conservation et une telle ampleur, c’est une très bonne surprise pour les archéologues, les historiens et les Vannetais.

Ce sont des fouilles préventives. Les vestiges seront-ils préservés ?

F. A. - C’est l’emplacement du futur musée des Beaux-Arts et la configuration des lieux, à cette profondeur, dans un environnement très humide, rend la mise en valeur des lieux très délicate, surtout avec la remontée actuelle du niveau de la mer. Mais les vestiges seront préservés.

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