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Coronavirus : un an après le premier confinement, quand peut-on espérer un retour à la vie normale ?

- Mis à jour le
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  • France Bleu

Un an après la mise en œuvre du premier confinement, la crise sanitaire bouleverse toujours le quotidien des Français. Le gouvernement laissait entrevoir un allègement des restrictions sanitaires mi-avril, mais les chiffres de ces derniers jours ne sont pas bons. Qu'en disent les spécialistes ?

La réouverture des bars et restaurants, comme ici à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), sera progressive a averti le gouvernement (illustration). La réouverture des bars et restaurants, comme ici à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), sera progressive a averti le gouvernement (illustration).
La réouverture des bars et restaurants, comme ici à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), sera progressive a averti le gouvernement (illustration). © Maxppp - PHOTOPQR/LA PROVENCE/SOLLIER Cyril

Siroter une boisson en terrasse, faire ses courses sans masques, assister à un concert, faire du sport en salle ou encore embrasser ses amis... Un an après la mise en œuvre du premier confinement, la crise sanitaire bouleverse toujours le quotidien des Français. La propagation de nouveaux variants du Covid-19, plus contagieux, a conduit les autorités à décider de confinements partiels dans plusieurs départements et l'ensemble du pays vit sous le régime du couvre-feu à 18 heures depuis deux mois. De nouvelles mesures seront d'ailleurs sans doute prises dans les prochaines heures, a annoncé Emmanuel Macron, et le Premier ministre Jean Castex a avancé un nouveau pion mardi soir vers un reconfinement en Ile-de-France.

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Lors de la présentation du plan de vaccination du gouvernement fin janvier, le ministre de la Santé Olivier Véran estimait que les mesures sanitaires seraient maintenues jusqu'à l'automne. L'exécutif, qui mise sur la vaccination et la création d'un "pass sanitaire", envisage désormais d'alléger certaines restrictions dès la mi-avril. Mais de nombreuses incertitudes subsistent, rappellent épidémiologistes et virologues. À l'occasion d'une journée spéciale sur "ces douze mois qui ont changé nos vies", France Bleu fait le point.

70 à 80% de la population vaccinée

"Pour sortir de la crise il n'y a pas 36 solutions", commente Marisa Peyre épidémiologiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). "Soit l'épidémie se diffuse et toute la population est touchée, ce qui implique des conséquences sanitaires lourdes en termes de mortalité et de surmortalité du fait de la saturation des hôpitaux. Soit on crée cette immunité artificiellement par le biais de la vaccination. C'est l'unique solution" pour qu'une part suffisante de la population soit protégée contre le virus, et que la vie reprenne son cours comme avant.

Quand peut-on espérer avoir atteint cette immunité collective ? "Lorsque nous aurons vacciné 70 à 80% de la population" estime la spécialiste. Pour calculer la part de la population à vacciner, les épidémiologistes s'appuient sur "le taux de reproduction du virus, le R (nombre de personnes qu'un malade peut contaminer)", précise Marisa Peyre. "En France, le R est estimé à 2,5, c'est à dire que si vous êtes malade vous pouvez potentiellement infecter deux personnes et demi si des mesures de contrôle ne sont pas mises en œuvre (port du masque, respect des gestes barrières etc.)" 

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Un objectif qui pourrait être mis à mal par la décision de la France de suspendre provisoirement l'utilisation du vaccin d'AstraZeneca en raison de doutes sur ses effets secondaires. Quelques cas de graves problèmes sanguins, notamment, ont été signalés après l'injection de la première dose. Un lien de cause à effet qui n'a, pour l'instant, pas été prouvé. L'Agence européenne des médicaments planche sur la question et doit rendre son avis d'ici ce jeudi. 

À ce jour, plus de 5 millions de Français ont reçu au moins une dose de vaccin (environ 7,7 % de la population) et le gouvernement espère avoir vacciné près de la moitié de la population, 30 millions de personnes, d'ici l'été, ce qui permettrait de lever progressivement les restrictions sanitaires. Mais "nous avons des problèmes d’approvisionnement, et de main d’œuvre par endroits" tempère Christophe Tzourio, professeur d'épidémiologie (PU-PH) à l'université de Bordeaux. Il est "très hasardeux de faire des prédictions (...) il y a de nombreuses incertitudes."

L'industrie pharmaceutique pense produire 10 milliards de doses de vaccins anti-Covid cette année, soit le double de la capacité de fabrication de 2019, tous vaccins confondus. Ces dernières semaines, sous la pression des États et des opinions publiques, les grands groupes pharmaceutiques, concurrents en temps normal, ont multiplié les accords pour fabriquer davantage. Le Français Sanofi - qui a pris du retard dans le développement de son propre vaccin anti-Covid - va ainsi aider Pfizer-BioNTech mais aussi Johnson & Johnson à fournir plus de doses. "À partir de septembre, ce sont 27 millions de doses de vaccins, BioNTech et Johnson & Johnson qui seront ainsi produites, plus le vaccin sur lequel Sanofi continue de travailler", a assuré la ministre déléguée chargée de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher fin février. D'autres acteurs pourraient aussi "apporter leur aide", explique Marie-Paule Kieny, directrice recherche Inserm, à l'AFP : "De nombreux fabricants de médicaments génériques ont la capacité et des bonnes pratiques" nécessaires. Restent à régler les problèmes de propriété intellectuelle et de licences, qui permettent aux géants pharmaceutiques qui ont beaucoup investi - souvent avec l'aide significative des États - de gagner de l'argent. 

L'inconnue des variants

L'apparition et la diffusion de variants du SARS-CoV-2 empêchent également de prédire avec précision quand nous pourrons à nouveau flâner dans la rue sans masques ou déjeuner au restaurant sans avoir à respecter un protocole sanitaire strict. "On estime qu'un variant qui représente plus de 10% des souches qui circulent à un moment donné, impose qu'on s'y intéresse" explique Anne Goffard, virologue et professeure à l’université de Lille. "Pour les détecter, il faut séquencer de manière systématique et régulière le génome viral à partir des prélèvements effectués sur les patients, cela permet de voir apparaître des mutations et de voir si elles deviennent très fréquentes ou pas. En France, on ne le faisait pas systématiquement avant janvier 2021 alors que les spécialistes des coronavirus avaient alerté et que nous avons à la fois les technologies et les compétences", regrette la chercheuse.

Séquencer le génome viral est d'autant plus indispensable qu'"on court toujours après les variants", explique Anne Goffard_. "On ne sait pas dire pourquoi les mutations apparaissent à tel ou tel endroit (...) de même que l'on n'est pas capable de dire immédiatement quel sera leur impact sur l'infection. Rendent-elles le virus plus agressif, plus infectieux, le variant échappe-t-il à un vaccin ?.. Pour répondre à ces questions nous devons faire des études et cela prend beaucoup de temps. Les Anglais par exemple ont détecté les premiers cas de variant britannique en septembre, ils ont déduit qu'il était plus contagieux sur la base d'observations dès décembre, mais les tests en laboratoire sont encore en cours",_ pour comprendre précisément comment ce variant agit sur le virus.

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Plus le virus circule, plus la probabilité de voir apparaître de nouveaux variants est grande. En ce sens, "la stratégie française actuelle, voire européenne, de dire 'on vit avec le virus' est un peu dangereuse", estime la virologue "parce que cela veut dire permettre au virus de se multiplier et donc permettre à de nouvelles mutations d'apparaître." Dernier exemple en date, l'apparition d'un nouveau variant mi-mars en Bretagne. Selon les premières analyses, il n'est pas plus dangereux mais risque d'être difficilement détectable par les tests traditionnels.

Bonne nouvelle cependant, les vaccins à ARN messager notamment - Pfizer-BioNTech et Moderna - sont très "rapidement adaptables". Moderna par exemple, est parvenu à lancer les essais cliniques d'un nouveau vaccin en à peine plus d'un mois. "On peut donc aussi se dire que face à l'apparition de nouveaux variants, la vaccination restera efficace même si cela suppose que l'on se fasse revacciner régulièrement, comme pour la grippe" conclut Anne Goffard.

Pour l'heure complète Marisa Peyre, épidémiologiste au CIRAD, nous ne savons pas à quelle fréquence nous devrons éventuellement nous faire revacciner, ni combien de temps nous serons immunisés. "En général, l'immunité est valable une année environ, car les virus évoluent ; à terme, on va donc probablement se retrouver avec un corona saisonnier, comme une grippe saisonnière." Interrogé par l'AFP, Yves Gaudin, virologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), prévient : "Je ne suis pas sûr qu'on ne sera pas amené à refaire une campagne de vaccination au mois d'octobre" 2021. 

Sorties autorisées avec "pass sanitaire" ?

Conscient de la lassitude qui gagne la population et soucieux de donner des perspectives, le gouvernement travaille sur la mise en place d'un "pass sanitaire" numérique. Première étape vers un retour à la vie normale, il vise à réserver l'entrée de certains commerces, comme les restaurants, ou de certains événements, comme les concerts, aux personnes immunisées.

L'idée a été lancée par Emmanuel Macron le 25 février dernier lors d'un sommet avec les dirigeants européens. Il pourrait être octroyé aux personnes possédant un certificat de vaccination mais aussi à celles présentant un test négatif récent. "Il faudra peut-être une application où vous pourrez montrer que vous êtes soit vacciné et donc protégé, soit (un) test PCR négatif ou (un) test antigénique négatif fiable, comme cela vous n'êtes pas à risque non plus", a précisé le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune. "C’est un outil possible, rien n’a été acté ou décidé", a souligné le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, le 5 mars sur franceinfo.

D'autres conséquences sanitaires encore difficiles à mesurer

Quoi qu'il advienne, l'année écoulée marquée par les confinements et les restrictions aura très probablement des répercussions sur la santé et le moral de la population à moyen et long terme. L'épidémie a notamment perturbé et retardé la prise en charge de patients et certaines chirurgies. Le nombre de greffes par exemple, a diminué de 25% tous organes confondus sur les onze premiers mois de l'année 2020 par rapport à la même période en 2019, indiquait l'Agence de la Biomédecine le 30 novembre 2020.

L'enquête CoviPrev, lancée par Santé publique France (SpF) en mars 2020 afin de suivre l’évolution des comportements (gestes barrières, confinement, consommation d’alcool et de tabac, alimentation et activité physique) et de la santé mentale (bien-être, troubles) des Français, montre également combien la situation épidémique et les mesures prises pour la contrôler affectent de façon importante le moral de la population depuis un an. 

À l'issue du premier confinement, une personne sur sept présentait un syndrome dépressif selon une étude publiée le 12 mars par le service statistique des ministères sociaux. Depuis, les "états anxieux", "dépressifs" et les "problèmes de sommeil se maintiennent à un niveau élevé", note SpF dans son dernier compte-rendu. En février 22,7% des sondés se disaient angoissés. Un chiffre moins élevé qu'au début du premier confinement (26,7%), mais très supérieur à ceux relevés lors du dernier baromètre Santé publique France en 2017 (13,5%). Les chiffres de la consommation de tranquillisants et de somnifères illustre cette situation. D'après le CNAM et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), en 2020, leur délivrance a toujours été supérieure au niveau des années précédentes (de +1% à +14% selon les semaines), à quelques exceptions près.

Parmi les populations les plus fragilisées figurent les femmes, les parents isolés et les étudiants. "Avant l'épidémie, environ 20% de ces derniers présentaient des symptômes dépressifs modérés à sévères", détaille Christophe Tzourio, professeur d'épidémiologie (PU-PH) associé à une étude menée depuis le printemps dernier sur les effets du confinement et de l’épidémie de Covid-19 sur la santé. Privés de liens amicaux et parfois en grande précarité, angoissés pour leur avenir, "un tiers des étudiants présentent désormais ces symptômes contre 16% du reste de la population ; même chose pour les pensées suicidaires qui concernent deux fois plus les étudiants (12%) que le reste de la population (6 à 8%)", relève le chercheur qui milite pour la réouverture massive des universités.

"C'est un problème qui s'aggrave dans le temps. Beaucoup d'étudiants décrochent, dépriment. Il y en a certains qui font des tentatives de suicide. J'ai un peu peur des conséquences à long terme de tout cela en terme d'acquisition des compétences notamment. Il y en a qui vont complètement laisser tomber les études supérieures alors qu'ils auraient pu réussir. Et puis je me demande si on ne fabrique pas une génération de jeunes ayant vraiment du ressentiment par rapport au reste de la population qui les a complètement laissés tomber, alors qu'eux-mêmes ne souffrent pas, ou peu, de cette maladie finalement."

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