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Portrait

Qui est Nicolas Cruaud, élu meilleur jeune dirigeant de la tech ?

PORTRAIT// A 28 ans, Nicolas Cruaud a été récompensé par un jury de 20 dirigeants de grands groupes technologiques. Il remporte le prix Ivy 2023 pour avoir cofondé avec son père Néolithe, une start-up industrielle qui transforme les déchets en cailloux utilisables dans la construction.

Nicolas Cruaud, cofondateur de la start-up industrielle Néolithe, le 17 octobre 2023 au Cercle de l'union interalliée, dans le 8e arrondissement de Paris, lors de la remise du prix Ivy Tech.
Nicolas Cruaud, cofondateur de la start-up industrielle Néolithe, le 17 octobre 2023 au Cercle de l'union interalliée, dans le 8e arrondissement de Paris, lors de la remise du prix Ivy Tech. (Wyotek)

Par Chloé Marriault

Publié le 18 oct. 2023 à 16:58Mis à jour le 19 oct. 2023 à 11:05

Dans son costume bleu nuit, Nicolas Cruaud prend la parole devant un parterre de 20 dirigeants du secteur de la tech. Si la rougeur de ses joues laisse imaginer du stress, il n'en est rien : durant une demi-heure, le jeune homme répond sans ambages aux questions sur sa start-up. « Il a de l'aplomb », glisse un juré à sa voisine.

Deux heures plus tard, le jury a délibéré. L'annonce des résultats se fait devant plus de 200 invités réunis ce mardi 17 octobre au soir dans un fastueux hôtel particulier parisien, près de la place de la Concorde et du palais de l'Elysée.

Les applaudissements fusent : la salle félicite Nicolas Cruaud qui vient de remporter le prix Ivy face à deux autres finalistes. Un prix lancé par le cabinet de chasse de têtes Ivy Executive Search en 2001. Chaque année, il couronne un entrepreneur de moins de 30 ans, qui a levé au moins 10 millions d'euros et dont le projet est vu comme solide et prometteur.

Une entreprise familiale

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Les jurés ont été séduits par le « procédé révolutionnaire » mis en place par Néolithe, loue Pierre Aussure, président du jury et fondateur du prix Ivy. Le principe de cette jeune pousse : transformer des déchets en cailloux. Pour ce faire, les usines de l'entreprise reçoivent des déchets non recyclables (moquette, morceau de meuble, plastique…) venus de centres de tri, qui sont broyés jusqu'à être réduits en poudre. Celle-ci est mélangée avec un liant pour obtenir une pâte minérale, ensuite pressée pour devenir solide. De quoi obtenir en bout de course une sorte de gravier, qui peut servir dans la construction, pour fabriquer du béton.

« L'intérêt, c'est d'éviter l'enfouissement et l'incinération de déchets, qui émettent du CO2 », résume celui qui a fait ses études au lycée du Prytanée national militaire, avant d'intégrer l'école Polytechnique puis l'école d'ingénieurs Isae-Supaéro.

L'entreprise, qui a bouclé trois levées de fonds pour un montant total de 23 millions d'euros, emploie 180 salariés. Parmi les effectifs de l'entreprise : les parents de Nicolas Cruaud, son frère et son cousin. Pas un hasard. Car initialement, le concept a germé en 2018 dans la tête du père de Nicolas, William Cruaud, maçon et tailleur de pierres. « C'est un grand créatif, il a toujours eu beaucoup d'idées, même si certaines étaient fumeuses, sourit le fils. Quand il m'a appelé pour m'exposer celle-là, elle m'a semblé réalisable et avec un vrai impact. »

Très vite, le binôme s'associe à Clément Bénassy, un jeune diplômé d'école d'ingénieurs, du même âge que Nicolas… avant d'être rejoint par d'autres membres de la famille. « C'est très sympa de bosser ensemble, souligne-t-il. L'avantage d'avoir sa famille dans le même bateau, c'est qu'elle comprend les sujets auxquels tu es confronté. »

L'entreprise se développe à Chalonnes-sur-Loire, près d'Angers (Maine-et-Loire), où Nicolas Cruaud a grandi, et où il vit désormais. Une terre à laquelle il est attaché et où il se projette. « L'Anjou, c'est incroyable… la proximité avec la Loire et la nature, l'architecture, le dynamisme économique… » Et d'ajouter : « Quitte à monter une boîte, c'est plus logique d'en faire profiter son coin. »

Devenir un groupe industriel

Pendant son oral dans le cadre du prix, un dirigeant lui a demandé ce qu'il ferait si son père n'avait pas eu cette idée. La réponse toute trouvée : entrepreneur dans l'impact. « A Polytechnique, j'ai compris que je voulais faire de l'ingénierie pour créer des trucs, rembobine-t-il. Mais pas en bureau d'études. Pour moi, c'est beaucoup plus exaltant de lancer une entreprise, de partir de rien et faire émerger une idée. » Et des idées, il en a à foison. Quand il ne travaille pas sur Néolithe, ce féru de politique réfléchit à d'autres projets qu'il pourrait lancer. « Ce qui me botte, ce sont les projets industriels qui luttent contre le changement climatique. L'environnement, c'est l'enjeu du siècle et les petits gestes ne suffisent pas. »

Ce prix devrait venir nourrir les idées du jeune homme. Car si ce dernier ne reçoit pas d'argent, il se voit offrir un an d'accès au club Ivy, qui réunit chaque mois 115 dirigeants du secteur de la technologie au Cercle de l'union interalliée, dans l'hôtel particulier situé dans le VIIIe arrondissement où se déroulait la remise du prix, pour rencontrer des personnalités de la sphère politique ou économique.

Avant lui, des entrepreneurs respectés se sont vus remettre ce prix. Parmi eux, Quentin Vacher, cofondateur de Frichti, Gary Anssens d'Alltricks, Jonathan Benassaya de Deezer

Comme ses prédécesseurs, Nicolas Cruaud entend bien monter en puissance. Son but : transformer l'entreprise familiale en « groupe industriel » et traiter « quelques millions de tonnes de déchets par an », contre quelques milliers aujourd'hui. Pour l'heure, l'entreprise va ouvrir une deuxième usine début 2024. En Anjou, évidemment. Le jeune diplômé travaille aussi à exporter son concept en Europe de l'Ouest, au Moyen-Orient et au Japon.

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Si la société ne traite que des déchets industriels, elle espère pouvoir dans les années à venir exploiter les déchets de particuliers. Autre objectif : obtenir de nouvelles autorisations pour élargir l'usage fait des granulats sortis d'usine, notamment dans la voirie et aux murs porteurs de bâtiments. Peut-être verrons-nous ainsi demain des immeubles entiers conçus à partir de nos propres déchets.

Outre Nicolas Cruaud, les finalistes qui concourraient à ce prix étaient :

· Alexandre Guenoun, CEO et fondateur de Kiro, plateforme d'interprétation de résultats médicaux

· David Henri, cofondateur et directeur des produits et de la stratégie d' Exotrail, start-up spécialisée dans la logistique spatiale

De gauche à droite : Nicolas Cruaud (de la start-up Néolithe), David Henri (Exotrail), Pierre Aussure, président du jury et fondateur du prix Ivy et Alexandre Guenoun (Kiro).

De gauche à droite : Nicolas Cruaud (de la start-up Néolithe), David Henri (Exotrail), Pierre Aussure, président du jury et fondateur du prix Ivy et Alexandre Guenoun (Kiro).Woytec

Chloé Marriault

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