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Les matières premières au cœur de l’incertitude géopolitique et climatique

La 38e édition du rapport CyclOpe pointe du doigt les multiples incertitudes qui dominent le monde actuel, de la géopolitique au climat, en passant par les élections, celles de novembre aux Etats-Unis en particulier. Si des records sont à attendre sur le front du cuivre ou du cacao, l’accalmie se confirme pour les céréales ou le pétrole.

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Par Céline Panteix

Publié le 14 mai 2024 à 15:33Mis à jour le 14 mai 2024 à 15:40

Cette année, le CyclOpe 2024, la « Bible » de l’évolution des prix des matières premières, présenté mardi 14 mai, s’intitule « Attendre et espérer ». « C’est l’ultime ligne du comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas », rappelle Philippe Chalmin, professeur à l'université Paris-Dauphine et codirecteur du CyclOpe, et de clamer : « N’oubliez jamais que, jusqu’au jour où Dieu daignera dévoiler l’avenir à l’homme, toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots : attendre et espérer ». Attendre, car jamais la dimension géopolitique n’aura été aussi forte, avec des conflits gagnant du terrain de la Palestine au Soudan, en passant par l’Ukraine, et jamais les matières premières agricoles, les métaux et minerais ou les produits industriels n’auront été aussi volatils. Il faut donc attendre que se dessine un nouvel ordre économique international – qui sera potentiellement influencé par le résultat de l’élection présidentielle américaine de novembre prochain - et espérer que les chocs liés aux révolutions technologiques soient facteurs de progrès et non de déclin. Espérer aussi que d’autres bulles ne se forment. « Certaines ont éclaté en 2023, comme celles sur les containeurs, le lithium, le gaz ou l’électricité, analyse Philippe Chalmin. Mais d’autres apparaissent sur le cacao, le café robusta ou l’étain. » Le cuivre, présent dans tous les volets de la transition écologique, devrait lui aussi poursuivre sa folle ascension. A plus de 10.000 dollars la tonne, les cours de l’or rouge se rapprochent de leur plus-haut historique, touché à 10.600 dollars en mars 2022. Le codirecteur du CyclOpe n’exclut pas une poussée à 12.000 dollars d’ici à la fin de l’année. Et jusqu’à 15.000 d’ici à la fin de la décennie. Le tassement du dollar américain, combiné à la bonne surprise des chiffres de l’import-export en Chine et l’espoir d’une baisse des taux de la part de la Réserve fédérale américaine, alimente cette dynamique. « Il faut aussi prendre en compte la baisse des treatment charges, c’est-à-dire les frais de traitement et d’affinage », indique Yves Jégourel, professeur du Conservatoire national des arts et métiers. Derrière l’OPA de BHP sur Anglo American, dont la nouvelle mouture a été rejetée lundi, c’est bel et bien le cuivre qui est visé. Le cuivre est stratégique au point que les négociants, comme Vitol ou Mercuria, ont annoncé leur retour sur le marché des métaux. Eux aussi, en tant qu’experts de la gestion du risque, entendent bien capter une partie des profits dans un contexte où ils doivent réinvestir tout en se diversifiant au-delà de l’énergie.

A l’inverse, les cours du pétrole, aussi bien le WTI que le Brent, reculeront encore cette année, de l’ordre de 6% pour la première référence et de 9% pour la seconde, alors que la production, elle, continuera d’augmenter. « Malgré les tours de vis des pays membres de l’Opep+, la production d’or noir a continué de croître, relève Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris. Quatre pays ont compensé, les Etats-Unis, le Canada, le Brésil et la Guyana. » « Le baril de Brent paraît raisonnable dans une fourchette de 70 à 90 dollars », enchaîne Philippe Chalmin. Toutefois, les cours restent tributaires du conflit au Moyen-Orient. Idem pour le gaz naturel, dont le retour à la normale, dans un monde qui a appris à vivre sans gaz russe, pourrait être perturbé si la mer Noire était à nouveau bloquée. 

El Niño joue les agitateurs

Dans le domaine des produits agricoles, la volatilité sera encore de mise. 2024 sera l’année du phénomène climatique d’El Niño, dont l’impact, fin 2023, restait plutôt limité. « L’inconnue principale concerne le Brésil qui dépasse désormais les Etats-Unis sur des marchés aussi sensibles que le soja et le maïs (sans oublier bien sûr le sucre, le café ou le jus d’orange...), écrivent les auteurs du rapport CyclOpe. De l’autre côté, la Chine, qui a importé en 2023 161 millions de tonnes de grains (céréales et soja), une progression de 12%, poursuivra-t-elle sur cette lancée alors que justement El Niño peut l’affecter ? » Il faudra aussi guetter les politiques agricoles, le Farm Bill aux Etats-Unis, la PAC en Europe et le niveau des exportations ukrainiennes. En Inde, ce sont les élections législatives au printemps, pour lesquelles le Premier ministre sortant, Narendra Modi, sollicite un troisième mandat consécutif, qui sont à surveiller de près. Embargos et quotas pourraient peu à peu disparaître. A l’été 2023, le gouvernement indien, dans un souci de limitation des prix intérieurs, a décidé de limiter les exportations de riz non-basmati, ce qui a provoqué une panique sur le marché et une flambée des cours, de l’ordre de 50% à l’automne. Elle a été durement ressentie par certains pays africains importateurs, au point que New Delhi a dû consentir à lever son embargo avec, sans nul doute, en arrière-pensée, des considérations plus géopolitiques qu’humanistes. L’arme alimentaire demeure d’actualité ! Si les marchés misent sur un retour progressif de l’Inde après les élections de mai 2024, la situation alimentaire restera fragile en raison d’El Niño. Les prix devraient rester encore élevés, au moins une partie de l’année. A l’inverse, les céréales, après une année 2023 d’effondrement des prix, devraient continuer à se négocier à des prix bas, à moins que la météo ne s’en mêle. « L’offre de céréales en mer Noire est abondante et il en va de même pour le soja au Brésil, souligne le rapport CyclOpe. D’un point de vue géopolitique, les tensions restent vives, mais semblent ne plus influencer les opérateurs qui font comme si c’était business as usual. »

C.P.

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