Saint-Gobain prévient s'attendre à une nouvelle baisse de son volume d'affaires en 2024

Saint-Gobain a d’abord gagné plus de 3% sur le Cac 40 avant de faire volte-face alors que, dans le même temps, la direction du fabricant de matériaux de construction présentait en détails aux analystes les comptes 2023. Les actions de ce champion de l’isolation, dont l’activité est portée par la rénovation, l’efficacité énergétique et la décarbonation du monde, sont maintnant en repli de 4,5% et signent la plus forte baisse de l’indice vedette parisien. Il a pourtant fait état d’une marge opérationnelle record à taux de change constants (11%) malgré la baisse des volumes. Le chiffre d’affaires a reculé de 0,9% à périmètre et devises constants pour s’établir à 47,94 milliards d’euros (-6,4% en données non retraitées), conformément aux anticipations des prévisionnistes de la Bourse.

L’environnement économique (taux d’intérêt au plus haut depuis plus de vingt ans, inflation des coûts) est « difficile », selon le qualificatif de Benoit Bazin, le PDG de Saint-Gobain. Pourtant, le groupe a également réussi à dégager une génération de trésorerie là aussi record, de 3,9 milliards d’euros. Le cash étant le « sujet favori » du directeur financier, Sreedhar Natarajan, ce dernier se réjouit de voir que ce niveau « est [aujourd’hui] trois fois plus élevé que ce que nous avions l'habitude de réaliser avant la transformation. » Le groupe s'est notamment séparé d'une grande partie de ses enseignes de distribution pour se focaliser sur la fabrication, mieux margée. Il a cédé Lapeyre en France en 2020 et Jewson en Grande-Bretagne en 2023.

« L’avenir est solide, le passé est liquide », résumait l’analyste Sven Edelfelt de la banque privée Oddo BHF, avant la conférence téléphonique de ce matin. Les résultats financiers pour 2023 ont été publiés hier soir. Le groupe - qui compte parmi son large catalogue de produits la laine de verre Isover, le plâtre à mouler Formula, les accessoires de plomberie Dahl ou le vitrage Glassolutions – annonçait alors dans un communiqué qu’il prévoyait « une bonne dynamique sur les marchés nord-américains, asiatiques et émergents. »

Saint-Gobain a renforcé sa présence l’an dernier en Amérique du Nord en rachetant Building Products of Canada, l’un des leaders locaux de la toiture et fournisseur de premier plan d’isolants durables en fibre de bois. « Nous générons désormais près des deux tiers de notre résultat d'exploitation sur les marchés à forte croissance d'Amérique du Nord, d'Asie et dans les émergents », a fait savoir le directeur financier.

Croissance démographique

Les marchés européens de la rénovation devraient rester résistants cette année, tandis que la construction neuve n'a pas encore atteint son niveau le plus bas. « La rénovation est notre principal marché en Europe, 60% de notre chiffre d'affaires, et nous sommes vraiment leaders en matière de rénovation énergétique », a rappelé Sreedhar Natarajan. En France, Saint-Gobain s’occupe de « plus de 80% » des chantiers. Aussi, la direction est heureuse de voir que le budget alloué à MaPrimeRénov pour 2024 est en hausse de 50% par rapport à 2023. Autre bonne nouvelle pour la marche de ses affaires, l’Union européenne a annoncé en fin de semaine dernière le déblocage d'un fonds européen très attendu avec une enveloppe potentielle de 3,5 milliards d'euros uniquement pour la rénovation énergétique.

En revanche, le marché des constructions nouvelles en Europe occidentale souffre « des effets négatifs de court terme liés à la hausse des taux et l’accessibilité financière », indique Benoit Bazin. Il explique toutefois que « le besoin de nouvelles constructions ne cesse de croître, alimenté par la croissance démographique. La mondialisation rapide et la montée en puissance de l'agenda de la durabilité y contribuent aussi. […] En Europe, il existe également un besoin structurel de davantage de logements dans le cadre d'une construction durable. »

« Très légère baisse des prix »

Saint-Gobain prévoit, pour 2024, une marge opérationnelle à deux chiffres pour la quatrième année consécutive, ce qui veut dire que la direction table sur une marge opérationnelle d’au moins 10% à taux de change constants. « Les résultats sont sains, selon nous, et nous pensons que la rentabilité peut continuer à progresser à moyen terme », pouvait-on lire ce matin dans une note de la banque Barclays. Les analystes ont essayé de savoir, en vain, si cette indication pouvait vouloir dire 10-12% plutôt que 10-11%. « Nous avons atteint un niveau de confiance qui nous permet de vous dire, au début de l'année, que la fourchette sera de 10 à 11. »

Comme en 2023, les volumes seront encore en baisse, a indiqué le PDG en réponse à une question d’un analyste qui venait, par ailleurs, de féliciter la direction pour la qualité des résultats annuels. « Nous nous attendons à une baisse de volume à un chiffre à ce jour. Nous nous attendons à ce que le premier trimestre soit plus difficile, plus ou moins en ligne avec ce que nous avons vu au quatrième trimestre. » Les volumes se sont contractés de 5,5% l'an dernier, incluant une amélioration séquentielle sur les trois derniers mois, à -4,5%, alors qu'ils sont repartis légèrement à la hausse sur les Amériques (+1%).

Le second semestre 2024 sera meilleur que le premier. L’Europe du Nord (Allemagne, Norvège, Suède) devrait concentrer l’essentiel de la baisse des volumes sur la première partie de l’année.

Saint-Gobain anticipe également une « très légère baisse des prix », a informéBenoit Bazin lors de la session des questions-réponses. Le groupe tient à sa politique dynamique de tarification et s’adapte à son environnement, pour conserver ses parts de marché. Il constate certes une inflation sur les prix du gypse, la matière prmeière du plâtre. Les prix du ciment, de l’asphalte et des transports augmentent. « Mais, dans le même temps, nous constatons également une déflation dans de nombreuses catégories de matériaux, en particulier tous les produits pétrochimiques, les prix de l’énergie sont en baisse. »