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“Ni de lait ni de laine”, des nouvelles (enfin) d’Emmanuelle Salasc, géologue de l’intime

La force de l’eau et des lieux traverse impétueusement ce recueil à vif qui n’épargne pas les humains.

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Emmanuelle Salasc donne des nouvelles de la famille qui, ici, se déchiquette avant de se ressouder. Emmanuelle Salasc donne des nouvelles de la famille qui, ici, se déchiquette avant de se ressouder.

Emmanuelle Salasc donne des nouvelles de la famille qui, ici, se déchiquette avant de se ressouder. Riccardo Milani/HANS LUCAS

Par Marine Landrot

Publié le 25 avril 2024 à 11h00

Les pères, les mères, les vieux, les vieilles, parfois tout ça d’un seul tenant. Les frères, les sœurs, les scélérats, les saletés, souvent fondus d’un même métal. Les ancêtres, les descendants, les morts, les vivants, irrémédiablement ligotés par les liens du sang. Les hommes, les femmes, les bourreaux, les soumises, dominera bien qui rira la dernière. Voilà les individus charriés par ces nouvelles, parcourues de courants contraires et de flots décidés, ancrées dans l’élément préféré d’Emmanuelle Salasc : l’eau, lymphatique, riveraine, glaciaire, lacrymale, meurtrière aussi, souvent plus prompte à noyer les êtres qu’à les régénérer.

La nouvelle qui ouvre le recueil semble toutes les englober. En deux pages à peine, tourbillonnent incohérences et virevoltes d’une fillette qui attend que sa mère vienne parler à son professeur de guitare, dans l’espoir d’être acceptée à un stage d’été. La honte de voir sa maman franchir le gouffre social qui la sépare de cet univers de privilégiés, la gêne qu’elle doive solliciter une activité aux antipodes de celles de son époque, et soudain l’explosion d’amour qui l’emporte, avec son lot de mensonges, de renoncements : derrière les dissonances, l’harmonie crie grâce. Comme dans chaque histoire de ce livre âpre et sombre, où toujours la famille se déchiquette et se ressoude, au risque de sacrifier certains de ses membres au passage.

Violence libérée

À la fragilité des personnages, même les plus stoïques, même les plus revanchards, Emmanuelle Salasc oppose la force robuste des lieux, qu’elle a toujours su fréquenter avec une curiosité de géologue intimiste. Bien plus que des décors, rivières, mers, falaises, futaies, mers, lotissements, cimetières, bois des collines épousent les contours des humains, les soutiennent ou les écrasent. L’autrice accorde la même attention aux objets, châles, chaussures, cafetières, canapés, gourdes, billes, dont la matérialité vibre des traces laissées par les Terriens.

Et toujours cette écriture à vif, qui s’emmitoufle et se découvre, réprime sa violence et la libère. Des phrases nous agrippent de leur poigne magique, comme « je lui parle avec mes mains toutes rougies, puis je les tais dans mon manteau », ou « le sous-marin a une peau sonore », ou encore « on se mettait si près l’une de l’autre que nos paroles étaient presque des silences ». Emmanuelle Salasc n’avait pas publié de nouvelles depuis douze ans. Ce genre accueille son impétuosité comme sa détresse, donne à ses élans brisés une énergie ramassée, la pousse toujours plus loin dans sa randonnée littéraire exigeante et captivante.

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“Ni de lait ni de laine”, des nouvelles (enfin) d’Emmanuelle Salasc, géologue de l’intime
  • Titre

    Ni de lait ni de laine

  • Auteur

    Emmanuelle Salasc

  • Editeur

    P.o.l.

  • Prix

    23 €

  • Collection

    Fiction

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