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Libre-échangeTraités internationaux : des « clauses miroirs » pas si limpides

Commission européenne
"Complexes à mettre en œuvre, ne suscitant guère de convergence dans l’UE pour les concrétiser et les infliger à des États souverains avec lesquels Bruxelles négocie, les « clauses miroirs » illustrent à elles seules l’état de conflictualité qui caractérise le commerce international", estime le chercheur Thierry Pouch (©doganmesut, AdobeStock)

Pour la grande majorité des économistes mais aussi pour les entrepreneurs et les États, l’échange international de marchandises semble aller de soi, perçu comme naturel et bénéfique. Les vertus attribuées au libre-échange ont toutefois été souvent contestées et, lorsqu’elles ne l’étaient pas dans leur principe, ces critiques ont conduit à adopter des mesures visant à protéger les acteurs économiques d’une concurrence trop lourde à supporter. Une chronique du chercheur Thierry Pouch, parue dans la revue Sesame.

Dans l’absolutisme concurrentiel qui caractérise la période actuelle et dans lequel le secteur agricole est impliqué, les débats ont resurgi, en particulier à la faveur des traités commerciaux de libre-échange que négocie et que parvient parfois à signer la Commission européenne. 

Les produits agricoles et alimentaires constituent un domaine sensible, dans la mesure où ils se situent au croisement de l’économie, de l’environnement, du bien-être animal et de la santé publique. 

C’est pourquoi, depuis au moins l’accord trouvé et provisoirement appliqué avec le Canada (Ceta), et plus encore avec les pays du Mercosur (Paraguay, Uruguay, Argentine et Brésil), la légitimité de la réciprocité des normes de production est posée. Elle a pris une épaisseur supplémentaire avec le retour de la notion de souveraineté alimentaire dans les débats.

Imposer des normes réciproques de production entre pays

Afin de surmonter ou de réduire les distorsions de concurrence entre deux pays ou, en l’occurrence, entre l’Union Européenne (UE) et des nations avec lesquelles elle s’engage dans des relations commerciales bilatérales ou régionales durables, la proposition d’introduire des « clauses miroirs » a pour objectif de mettre en conformité la politique commerciale de l’UE et ses ambitions en matière de transition écologique.

Pour la France, notamment lors de sa présidence du Conseil de l’UE au cours du premier semestre 2022, il s’agissait de protéger le revenu des agriculteurs. On sait par exemple que l’importation de cerises en provenance de nations productrices incorporant une substance comme le diméthoate est interdite depuis 2016 en France et depuis 2019 dans l’UE.

De même, restreindre les importations de produits agricoles et alimentaires ayant provoqué de la déforestation constitue une mesure de plus en plus pratiquée dans l’UE. Pour y parvenir, un levier approprié : l’application de l’article 188 bis de l’OMC portant sur la possibilité d’interdire des importations de produits agricoles et alimentaires s’écartant des normes de l’UE.

Fondamentalement, l’introduction de « clauses miroirs » a pour ambition d’imposer des normes réciproques de production entre deux pays. C’est la législation la plus stricte en ce domaine s’imposant au pays qui, historiquement, évolue avec des normes plus faibles.

Dans le cadre d’une mondialisation qui n’a pas débouché sur des résultats partagés par tous les acteurs et qui est suspectée de laisser subsister des distorsions de concurrence, les agriculteurs, les ONG environnementalistes ainsi que des acteurs politiques (ministres, députés, sénateurs…) jugent légitime la réciprocité dans les normes de production, notamment lorsque des producteurs affichent des performances économiques amoindries par une concurrence qualifiée de déloyale.

En clair, l’objectif des « clauses miroirs » est triple : il s’agit d’abord d’élargir la protection de l’environnement, de la santé des citoyens et du bien-être animal au-delà des frontières européennes ; de promouvoir ensuite les bonnes pratiques culturales ou d’élevage au-delà des frontières européennes ; enfin, de réduire les risques de concurrence déloyale entre les agriculteurs européens et ceux des pays considérés comme plus laxistes à propos de leurs standards de production.

Un objectif qui s’est centré sur le cas des pays du Mercosur et plus spécifiquement le Brésil, ce qui, à première vue, semble logique, puisque 64 % de la forêt amazonienne se situent sur le sol de cette nation et que l’élevage y occupe une place prépondérante.

Lourdes inconnues

L’introduction des « clauses miroirs » pose toutefois un certain nombre de difficultés qui conduisent à appréhender cette mesure davantage comme une déclaration d’intention que comme un moyen suffisamment contraignant pour inciter...

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