[go: up one dir, main page]

Menu

Coups de chaud et manque d’eauFace au réchauffement climatique, des pistes pour sécuriser les fourrages

Semer une prairie sous couverts de céréales (ici à la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou) permet de lui apporter plus de résilience en cas de sécheresse ou d’excès d’eau.
Semer une prairie sous couverts de céréales (ici à la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou) permet de lui apporter plus de résilience en cas de sécheresse ou d’excès d’eau. (©Antoine Humeau)

Intercultures estivales, semis de prairies sous couverts, prairies à flore variée ou encore pâturage hivernal, plusieurs leviers existent pour être plus résilient quand l’eau manque. Ils étaient abordés lors d’un forum débat à l’occasion de la récente journée MécaElevage organisée dans le Morbihan par la FR Cuma Ouest.

Semer des prairies sous couverts

Sébastien Baron est éleveur laitier bio à Allaire, dans le sud-est du Morbihan. Ici les terres sont séchantes, on mise beaucoup sur le pâturage. Les 3/4 des surfaces sont en prairies. Parmi les leviers qu’il a activés avec ses associés, le semis de prairies sous couverts. Objectif : densifier la première fauche ou le premier pâturage. « On sème l’avoine à une densité de 50 kg/ha en plus du mélange qui est souvent de 27 kg/ha à base de fétuque, trèfle violet et trèfle blanc, et on rajoute de la vesce et du pois pour un mélange destiné à la fauche, détaille l’éleveur. On recherche vraiment le volume pour faire de l’enrubannage. »

Quand l’hiver est trop pluvieux, la céréale est là pour absorber l’humidité, la prairie en souffre moins, elle jaunit moins vite, constate l’éleveur. Par ailleurs, quand le printemps est sec, notamment en avril, le couvert préserve la prairie, qui se développe mieux.

Semer des prairies multi-espèces

Avoir une diversité d’espèces dans une prairie permet d’assurer un relais entre elles en fonction des conditions climatiques de l’année. Une sélection naturelle des espèces les plus adaptées s’opère, ce qui apporte une meilleure robustesse à la prairie.

Il convient d’adapter le choix des espèces au type de sol, mais aussi aux besoins des éleveurs vis-à-vis de la parcelle, des types d’animaux et de leurs besoins. Parmi ces espèces, celles qui résistent le mieux au sec sont le dactyle, le lotier corniculé, la luzerne ou la fétuque élevée. Cette dernière plante a une bonne capacité à s’adapter à des sols de nature variée. Elle évite aussi à certaines espèces diverses et spontanées de s’installer. Le ray-grass anglais (RGA) montre ses limites en conditions sèches, il faut l’associer à des espèces complémentaires.

« Sur une parcelle plus séchante, on peut mettre jusqu’à 10 kg de fétuque élevée dans le mélange, sur une parcelle où la terre est un peu plus lourde, on peut descendre à 8 kg et mettre 8 kg de RGA parce qu’il a une meilleure valeur alimentaire », recommande Sébastien Baron.

Faire des intercultures estivales

Pour pouvoir mettre les ruminants au champ l’été quand la sécheresse sévit, il faut semer une culture qui puisse être pâturée : l’interculture estivale.

Les chambres d’agriculture de Bretagne ont mis en place depuis deux ans des essais dans neuf exploitations en s’imposant un cahier des charges zéro phyto. Les semis sont effectués mi-mai, à la volée : ray-grass italien (RGI), trèfle d’Alexandrie, chicorée, avoine, teff-grass. Les résultats sont plutôt encourageants : « On pensait faire pâturer à 60 jours, finalement c’était exploitable entre 50 et 55 jours », commente Benoît Possémé, chargé d’études et de conseil en fourrages à la chambre d’agriculture de Bretagne.

Les mélanges testés ont permis en 2021, année très favorable, une valorisation fourragère de 2 à 3 t MS/ha. « Une productivité intéressante en comparaison du rendement qu’aurait eu la prairie en place sur la même période. » En 2022, les mélanges ont produit 1 à 1,5 tonne sur cette période très sèche. Quant à la qualité, « les animaux semblent bien consommer, les valeurs alimentaires sont bonnes, quasiment tous les mélanges étaient à plus de 20 en MAT. »

Valoriser l’herbe d’automne

A Iffendic, à l’ouest de Rennes (Ille-et-Vilaine), Cyril Get adapte son système fourrager en développant le pâturage et en valorisant l’herbe d’automne. Ici, l’herbe a remplacé la moitié de la ration des vaches avec un gain de productivité laitière de 3 kg/j avec un TB et un TP améliorés d’un point. « Pour moi l’objectif est de préserver les stocks », précise-t-il. « Je me base sur ma quantité d’herbe au printemps, je fais mes stocks, je garde mes méteils en priorité pour du grain mais parfois je peux être amené à en ensiler la moitié fin mai pour pallier le manque de pousse de l’herbe. »

L’herbe d’automne, ici, est pâturée au maximum. « C’est une herbe qui pousse jusqu’à Noël, quand on a des pointes, c’est du surplus, on fait de l’enrubannage cela se conserve très bien. » L’herbe d’automne est riche en azote, « la difficulté en règle générale, c’est la matière sèche du fourrage, observe Marine Futsch, référente technique fourrages à la coopérative Innoval. L’an dernier on avait en moyenne 20 % de MS, c’est un fourrage que l’on recommande de ne pas conserver plus de 45 jours et de l’utiliser un peu comme herbe fraîche. »

Faire pâturer en hiver

L’herbe d’hiver peut aussi être valorisée. Mise en garde de la part de Martine Futsch : s’assurer de conditions de portance suffisante, « sinon on risque d’avoir une chute de productivité sur la période suivante. La perte de productivité annuelle peut atteindre 40 % si le pâturage est pratiqué en conditions humides et sur sol mal drainé. » Il faut aussi respecter les temps de repos de l’herbe entre deux pâturages sur un même paddock. C’est vrai toute l’année, mais l’hiver la pousse de l’herbe est beaucoup plus lente : « 10 kg de pousse par hectare et par jour, cela suppose 90 jours de repos ».

Si ces règles sont respectées, il n’y a pas forcément d’impact négatif sur la productivité de la prairie l’année suivante. « Au contraire, cela nettoie la prairie, on repart avec des repousses de qualité » observe la référente fourrages d’Innoval.

Faire pâturer du sorgho

Sébastien Baron, qui sème déjà des prairies sous couvert sur sa ferme morbihannaise, implante du sorgho sur les parcelles accessibles à son troupeau. Moins de frais d’implantation que le maïs ensilage, pas de frais de récolte. « Le sorgho est un fourrage équilibré jusqu’à la floraison, il supporte bien les excès de chaleur, met en avant l’éleveur. On sait en revanche que l’on aura un rendement inférieur de 4 à 5 tonnes (- 40 %) à celui d’un maïs ensilage. » Il le met donc à disposition des vaches laitières en pâturage, sans complémentation.

La teneur énergétique du sorgho est similaire au maïs, mais il est moins riche en amidon. Attention à ne pas le mettre trop tôt à disposition des vaches « il faut attendre que la plante atteigne 60-70 cm de hauteur : en-deçà, la plante contient de la dhurrine qui, en se dégradant dans le rumen, produit de l’acide cyanhydrique, toxique pour les animaux » met en garde l’Institut de l’élevage.

La valorisation du sorgho en ensilage mélangé à du maïs, Sébastien Baron l’a testée et ce n’est pas la meilleure des idées, à l’en croire : « Les deux produits n’étaient pas au même stade. Quant à l’affouragement en vert, attention aux problèmes mécaniques s’il est récolté trop tard. »

Réagir à cet article

Sur le même sujet