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Ford County 654 de 1967Blue power...

Blue power...

County, Doe, Chaseside, Muir-Hill, Matro & Bray, Roadless représentent autant d’entreprises qui ont produit des tracteurs modifiés sur des bases Ford et Fordson. Très prolifique en la matière, County a su se tailler la part du lion sur un marché en pleine expansion. Nous vous proposons de découvrir aujourd'hui un County 654, un tracteur qui puise ses sources auprès du Ford 5000. Rencontre avec un mastodonte aux muscles d’acier… Texte : Claude Brard / Jean-Pierre Marsonetto - Photos : Christian Bedeï

County puise ses sources au Royaume-Uni auprès de deux frères, Ernest et Percy Tapp. Les débuts de cette entreprise sont marqués par la conversion de fourgons Ford AA en version 6x6. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, il faut remettre l’économie sur rails. Le Royaume-Uni n’échappe pas à la règle. Afin de redynamiser et de développer l'activité agricole, le ministère de l’Agriculture britannique souhaite développer un chenillard de construction nationale. Ce dernier sera distribué par l’intermédiaire des comités exécutifs agricoles. Fordson se révèle guère motivé par ce challenge. En revanche, une autre entreprise s'intéresse au projet : County. Cette marque est jusqu’alors connue pour ses conversions de camions Ford, tant dans le domaine civil que militaire. A cette époque, la base du Fordson E27N Major se révèle idéale pour la réalisation d’un engin chenillé. L’étude et l’élaboration de ce dernier se déroulent au cours du premier semestre 1948. Une fois terminé, le chenillard fait l’objet d’essais relativement poussés de la part de la Ford Motor Company et de l’Institut National de l’Agriculture britannique au cours de l’été 1948. La fabrication de ce chenillard avait été perçue davantage comme un challenge technique pour County, qui envisageait une production des plus limitée… Le succès de ce modèle fut tel qu’il propulsa County à la vitesse de l’éclair dans le monde agricole. Une saga démarre ! En fin d’année 1948, County livre une série d’une cinquantaine de modèles chenillés au ministère de l’Agriculture britannique. La production en petite série de ce modèle nommé CFT (pour County Full Track) débute en janvier 1949. Au cours de cette même année, le CFT est également disponible en version Travaux Publics. Dans ce cas précis, il est équipé d’une lame avant, fabriquée par Braydozer. Une longue et fructueuse collaboration débute alors entre County et Braydozer. A l’usage, la puissance du moteur essence / pétrole du Fordson E27N montre rapidement ses limites. On notera que cette mécanique rencontre aussi quelques problèmes de lubrification. Le six cylindres Perkins adopté par Fordson pour équiper le E27N Major dès 1948 se révèle donc comme une réelle opportunité de développement pour County. Particulièrement coupleux, ce moteur offre un gain de puissance non négligeable (45 ch) par rapport au moteur essence / pétrole utilisé précédemment (29 ch). En 1954, County ajoute à sa gamme le Four-Drive, un engin à quatre roues égales. Avec ce modèle, County vise avant tout un marché d'exportation. Très impressionnant de par sa morphologie et son gabarit, le County Four-Drive tranche radicalement sur le marché de l’époque. Destiné aux travaux agricoles lourds, il est également à son aise dans le cadre du débardage. En est dérivée une version TP, toujours à partir de composants Braydozer. Le Four-Drive a rencontré un vif succès dans l’est de l’Inde et dans les pays d’Amérique-du-Sud.

Reflétant la puissance et l'endurance, le gabarit et la morphologie du County 654 demeurent toujours très impressionnants. On notera que ce modèle a été produit de novembre 1964 à juin 1968.

En 1960, County présente le Super-4, un tracteur qui est lui aussi à quatre roues égales, élaboré dans la continuité  du Four Drive. Le Super-4 utilise la base du Fordson Super Major. Une version six cylindres est également proposée par County, équipée du 6 cylindres Ford 590E. Toujours à quatre roues égales, cette version se nomme Super-6. La gamme County se compose également du Sea Horse, un modèle dérivé du Super-4. Comme sa dénomination l’indique, le Sea Horse a été conçu pour travailler dans l’eau, équipé de flotteurs et de pneus de très gros volume. Le 30 juin 1963, David Tapp traverse la Manche aux commandes d’un Sea Horse. Parti du Cap Griz-Nez en France, le conducteur rejoint St. Margaret’s Bay, dans le Kent, en 7 heures et 50 minutes. Un record qui ne sera pas sans retombées médiatiques, comme vous pouvez le supposer ! En novembre 1964, le premier County utilisant la base du Ford 5000 sort de l’atelier County. Le nouveau County peut être livré en deux variantes, soit équipé d'une boîte de vitesses classique, soit avec une boîte Select-O-Speed. Dans un premier temps, le modèle se nommera Super-4  5000. Par la suite, ce modèle se nommera 654. Les deux premiers chiffres de cette appellation correspondent à la puissance moteur, le dernier d'entre eux, au nombre de cylindres de la mécanique. Le 654 sera produit jusqu'en juin 1968. L’augmentation de puissance du 5000 à 75 ch amènera County à changer la dénomination de ce modèle. Puisant toujours son appellation au niveau de la puissance moteur et du nombre de cylindres de ce dernier, celle-ci évoluera donc en 754.

Zoom sur le côté droit du moteur. La batterie dispose d'un support pivotant, ce qui favorise un accès rapide. Un peu plus en avant, nous retrouvons la pompe à injection et sa pompe d'alimentation. Ces dernières sont toutes deux de marque Simms.

Du Canada au sud ouest de la France....

Votre magazine favori vous propose de découvrir plus en détails un 654 de 1967, un modèle restauré avec rigueur par un passionné du sud-ouest de l'Hexagone, Michel Delnégro. Depuis toujours, Michel nourrissait un rêve : posséder un Ford County. Et puis un jour, sa route croise celle d'une annonce sur le web stipulant la mise en vente d'un 654 au Canada. Le contact est établi dans la foulée avec le vendeur, un négociant en machines agricoles. A réception d'une série de photos et d'un maximum d'éléments, l'affaire est conclue. Le vendeur ne tarde pas à dénicher un transitaire et un transporteur maritime afin que le County rejoigne le territoire français dans les meilleurs délais.  « A l'origine, le tracteur était muni d'une cabine, mais celle-ci fût déposée et conservée par le vendeur, ce qui facilita grandement la mise en container du tracteur. A cette époque, le taux de change était particulièrement favorable puisqu’un euro équivalait à 1,54 dollar. Le montant total de la transaction, rapatriement compris ne dépassa guère les 10 000 euros, ce qui demeure une enveloppe tout à fait raisonnable. En interrogeant mon vendeur, j'ai appris que mon County a consacré la majeure partie de sa carrière à la traction de remorques. Peu de ces engins semblent avoir été livrés sur notre territoire à l'époque. J'ai eu connaissance de quelques exemplaires en activité dans les Landes dans le domaine de l'exploitation forestière. La restauration du County s'est échelonnée sur quelques mois. Après vérification et une révision générale, l'ensemble moteur / embrayage / boîte de vitesses s'est révélé être en excellent état. Même constat au niveau du relevage et des ponts. La direction ne manifestait aucune usure particulière. L'ensemble des éléments de carrosserie a été démonté. Dépourvue de toute corrosion perforante, la partie tôlerie n'a nécessité qu'un minium de préparation avant peinture. Les références exactes des teintes Ford ont été obtenues par l'intermédiaire d'un professionnel alors que logos spécifiques ont été refaits à l'identique via un atelier de sérigraphie. Afin de parfaire l'ensemble, j'ai opéré au changement des pneumatiques », commente Michel.

Comme toute restauration digne de ce nom, le 654 de Michel Delnégro a fait l'objet d'un démontage intégral. En l'espace de quelques mois, ce « seigneur de la terre » a retrouvé son lustre d'antan .

Approchons maintenant ce monstre d'acier. Reflétant la puissance et la robustesse, ses lignes sont abruptes et bestiales. Compact et trapu, le County 654 demeure très impressionnant. S'effectuant par l'arrière, l'accès au poste de conduite est loin d'être aisé. L'absence de marchepied et le fait qu'il faille enjamber les trompettes du pont arrière et les bras de relevage fera du conducteur d'un 654 un contorsionniste confirmé !  Capitonné et habillé de simili cuir « bleu Ford », le siège conducteur se révèle plutôt confortable.

Dépourvu de dosseret, le siège conducteur est plutôt rustique, mais néanmoins confortable. Disposant d'un capitonnage en mousse, ce dernier est habillé de similicuir bleu.

Soyons clairs, la visibilité au niveau du poste de conduite est loin d'être optimale ! En effet, cette dernière est largement altérée par le diamètre conséquent des roues avant. Toutes les commandes sont à portée de main. La boîte Select-O-Speed présente l'avantage de disposer d'un seul levier pour exploiter une douzaine de rapports. 

Gros plan sur la commande chromée de la boîte de vitesses Select-O-Speed. Disposée sur le côté droit, face au poste de conduite, cette dernière s'actionne du bas vers le haut.

On notera que l'accès aux commandes auxiliaires est particulièrement aisé. Encadrée par une visière à la livrée immaculée, la planche de bord n'est composée que d'un seul cadran rectangulaire. Celui-ci fait office de compte-tours, compteur horaire, jauge de carburant et indicateur de température du circuit de refroidissement.

La planche de bord se compose d'un seul cadran. Ce dernier se compose d'un compte-tours faisant également office de compteur horaire, d'une jauge à carburant (à gauche) et d'un indicateur de température du circuit de refroidissement (à droite).

Michel Delnégro nous délivre ses impressions sur la conduite et le maniement de son County 654 : « La direction du tracteur est hyper douce, de par l'adaptation à l'époque d'un orbitrol et d'un vérin d'assistance. On notera que cet équipement n'est pas un montage de série. Le rayon de braquage représente le gros point noir de ce tracteur, ce qui s'explique notamment par le diamètre conséquent des roues avant. Il s'agit là d'un inconvénient majeur sur ce modèle en comparaison aux tracteurs articulés à quatre roues égales ou directrices.

Le dispositif des quatre roues égales ne manque pas d'impressionner au premier abord. Ces quatre roues sont dotées de pneumatiques de dimensions 16.9-30.

Malgré son aspect pratique, je trouve le maniement de la boîte Select-O-Speed plutôt délicat. En effet, pour passer de la position P (parking) aux rapports avant, il faut passer par la position neutre et les deux rapports arrière (R1 et R2), ce qui n'est pas causer un certain désagrément de conduite dans la mesure où il est nécessaire de débrayer à chaque changement de gamme. Le principal attrait de ce tracteur réside au niveau de son adhérence, un domaine dans lequel les tracteurs Ford de série étaient loin d'exceller ! Sur le 654, comme sur les autres County d'ailleurs, les rapports de poids se révèlent particulièrement équilibrés au niveau des deux essieux. On notera qu'au travail aux champs, à une vitesse de l'ordre de 10 à 12 km/h, on constate un balancement avant / arrière de l'ensemble du tracteur. Le phénomène est encore plus intense en utilisation basse pression des pneumatiques. » Si le County avait été parfait, Michel Delnégro l'aurait-il autant apprécié ? Rien n'est mois sûr ! 

Un grand merci à Michel Delnégro pour son accueil chaleureux et sa grande disponibilité dans le cadre de reportage.

 

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