Il nous avait habitués à un design à la beauté lisse et chic. L’architecte d’intérieur et designer de 49 ans s’est émancipé des codes du luxe en fondant, en 2019, à Lisbonne, son atelier de création et de production Made in Situ, mariant matériaux naturels, traditions artisanales et formes organiques. Créateur à succès (le Sketch restaurant à Londres, le flacon de parfum One Million de Paco Rabanne, le canapé Sellier d’Hermès…), il revient sur le design lent, enraciné dans les terroirs, qu’il expose sous le titre « Made in Situ, manifeste d’un cheminement », jusqu’au 3 septembre, à la Villa Noailles d’Hyères.
Les invités d’honneur de la Villa Noailles font traditionnellement une rétrospective de leur travail, profitant des espaces d’exposition de ce lieu exceptionnel. Vous vous êtes centré sur les années de 2019 à aujourd’hui. Pourquoi ?
J’ai l’impression d’être né à cette époque, que mon travail est daté d’il y a seulement quatre ans. Mon exposition réunit des meubles et objets qui privilégient les artisans, les métiers d’art et les terroirs qui y sont associés. Ces créations se sont imposées d’elles-mêmes, de l’intérieur, venant des éléments naturels et des gens que j’ai rencontrés. Le design semble disparaître entre les deux.
Dans mon enfance à Plougasnou, en Bretagne, j’ai été éduqué dans cet esprit du durable, du recyclage, de l’économie de moyens. Puis, comme jeune designer, j’ai été fasciné par les outils technologiques, la recherche de formes et l’esthétique qu’elles peuvent atteindre. Je croyais dans la valeur de la beauté et je me rends compte qu’elle ne suffit pas à justifier l’existence d’un objet. Désormais, toute la chaîne m’intéresse. Je me suis mis au cœur d’un écosystème où je ne suis qu’un maillon. Je peux être neutre, disparaître et continuer à exprimer beauté et formes exclusives.
Cela coïncide-t-il avec votre installation au Portugal, en 2017 ?
Cela fait longtemps que cette envie était présente et cette tension en moi est devenue si forte qu’il m’a fallu l’exprimer. J’étais impressionné par ces grands chefs qui travaillent leurs mets à partir des ingrédients autour d’eux. Je suis parti au Portugal justement pour m’extraire de la ville, de son énergie, de ses sollicitations. Et du monde du design qui, un peu clos, se nourrit sans cesse de nouvelles données et de nouveaux objets.
Aujourd’hui, je continue de collaborer avec de très belles maisons, telle Saint Louis, via la collection Folia, qui fait écho à la forêt environnant la manufacture. Mais je n’accepte plus que des projets qui correspondent à mes valeurs. Bernhardt Design, aux Etats-Unis, pour lequel j’ai dessiné une collection variée d’assises et de tables, et avec qui j’ai tissé des liens d’amitié dans le temps, est le seul fabricant industriel avec lequel je travaille aujourd’hui.
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