D’un côté, une ode aux objets artisanaux et aux matériaux vernaculaires qui ressuscitent territoires et gestes en déshérence. De l’autre, un jeu de matériaux très précieux, dans un esprit couture. L’édition 2023 de Design Parade dont le coup d’envoi a été donné fin juin et pour tout l’été dans le Var – avec comme présidents et invités d’honneur Noé Duchaufour-Lawrance pour le festival international de design à Hyères et Aline Asmar d’Amman pour celui d’architecture intérieur à Toulon – a fait le grand écart entre deux univers, reflétant les contradictions qui agitent (et font le charme ?) de la discipline.
« Petite, j’ai vécu des moments d’adversité au Liban, cachée sous les tables avec des livres, et ce sont ces boucliers protecteurs de mon enfance libanaise que j’ai mis en scène », raconte l’énergique architecte d’intérieur établie à Paris et à Beyrouth, en présentant son mobilier fait d’ouvrages enchâssés dans un béton hérissé de ferraille. Ces tables, bibliothèques et étagères à la « beauté dérangeante » sont les pièces maîtresses de son installation baptisée « L’Amour, la mer, les femmes », au premier étage de l’ancien évêché de Toulon.
Pour l’événement, elle a fait appel aux métiers d’art de la mode de Chanel, le 19M, avec tissus délicats figés dans la matière des murs, soie calligraphiée au pinceau par la Maison Lemarié et l’atelier Lognon ou cordes de passementerie Houlès. Elle orchestre aussi le travail d’exception d’entreprises françaises dites du patrimoine vivant : l’atelier François Pouenat (meuble de bureau en métal plié, patiné dégradé), l’atelier Prométhée (moulages de l’espace bain, dérivés de bains antiques), Delisle (luminaires en verre vénitien, boules d’albâtre et fer forgé) ou Debeaulieu (créations florales). Ici, le brut rencontre l’infiniment précieux, la littérature embrasse l’architecture, car, selon Aline Asmar d’Amman, qui a signé notamment le décor du Jules Verne, le restaurant gastronomique de la tour Eiffel, « nous sommes construits de lectures et de rêves ».
Machette en sucre de canne
A Hyères, dans la piscine et le squash de la Villa Noailles, bâtie il y a cent ans, par l’avant-gardiste architecte Robert Mallet-Stevens, les visiteurs sont invités à marcher pieds nus sur un sol tapissé de liège, doux et élastique. Ils déambulent au milieu d’un ensemble d’assises, de paravents, de chandeliers, de vases ou de luminaires aux lignes organiques – mariage de bois et de carreaux de céramique azulejos bleutés, de liège sain et de chêne brûlé ou de bronze et de cire d’abeille – qui racontent leur histoire en majesté.
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