Perché sur les hauteurs, le « Paquebot immobile » tranche d’emblée avec l’atmosphère du centre médiéval d’Hyères, dans le Var, au lacis de ruelles grimpantes. Pas d’enduit ocre aux parfums d’Italie ni de style néo-roman, comme à la Villa Gandarillas, juste à côté, petite folie architecturale construite dans les années 1920 par la vicomtesse Vroomans. Ici, la façade de blocs gris sans ornements se découpe à flanc de colline et domine la baie avec l’air bravache de ceux qui ne font rien comme les autres.
La première fois que Jean-Pierre Blanc découvre le clos Saint-Bernard – le nom initial de la Villa Noailles –, l’endroit s’apprête à ouvrir ses portes au public. Il a été vendu à la municipalité et sort tout juste d’une quinzaine d’années de déshérence. A l’époque, l’actuel directeur de la villa a 26 ans et travaille pour l’office des affaires culturelles et de l’animation d’Hyères. Quatre ans plus tôt, il a créé le Salon des jeunes stylistes, qui attise déjà la curiosité du milieu de la mode. Enfant du pays, ayant grandi dans le quartier des Salins, il n’a jamais entendu parler de cette maison qui, pendant un demi-siècle, de 1923 à 1973, a fait office de phalanstère artistique sous la houlette des aristocrates fantasques Charles et Marie-Laure de Noailles.
Ce jour de 1989, des rails de travelling sont installés sur le parvis de la villa. Le réalisateur Patrick Mimouni y tourne un documentaire sur le couple mythique. Pour l’ardent Jean-Pierre Blanc, c’est une révélation. En plongeant dans leur histoire tissée d’audace et de scandale, il tombe aussi amoureux du lieu. « Il y a eu comme une alchimie, raconte-t-il. Ce bâtiment moderniste, confié à Robert Mallet-Stevens, incarnait l’état d’esprit des Noailles. Je fais partie de ceux qui sont fascinés par leur courage et leur créativité. »
Révélateur de talents
Soutenu par l’équipe municipale, le jeune autodidacte y organise, l’année suivante, une première exposition de photos, puis y installe son festival de mode en 1996, avant que la villa ne devienne officiellement un centre d’art placé sous sa direction, en 2003. « C’était une page blanche », se souvient-il. Année après année, il va y imprimer sa patte, celle d’un intuitif qui déteste suivre les règles. La programmation s’étoffe au fil du temps : le festival international Design Parade Hyères (dont Andrée Putman est la marraine) naît en 2006, suivi, dix ans plus tard, de Design Parade Toulon, tourné vers l’architecture intérieure.
Trente-quatre ans après sa première visite, Jean-Pierre Blanc a perpétué un esprit d’avant-garde qui ne cherche pas forcément à plaire. « C’est le fils spirituel de Marie-Laure, s’exclame Pascale Mussard, présidente de la Villa Noailles depuis 2016. Héritière du marquis de Sade par sa mère, elle avait un culot incroyable, ça ne la dérangeait pas de choquer. » Révélateur de nombreux talents de la mode – Viktor & Rolf, Anthony Vaccarello, Gaspard Yurkievich… –, Jean-Pierre Blanc a poursuivi la mission de soutien à la jeune création lancée par les Noailles.
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