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Kant : trois siècles de gloire et de controverses

Les 300 ans du grand philosophe allemand des Lumières donnent lieu à quelques passionnantes parutions. Toutes tendent à questionner son actualité. Eléments de réponse.

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Publié le 21 avril 2024 à 04h15, modifié le 23 avril 2024 à 10h55

Temps de Lecture 6 min.

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Médaillon d’Emmanuel Kant par Friedrich Wilhelm Springer (gouache sur corne, 1765). Médaillon d’Emmanuel Kant par Friedrich Wilhelm Springer (gouache sur corne, 1765).

Il y a trois cents ans, le 22 avril 1724, naissait, dans la ville prussienne de Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, en Russie), un de ces philosophes auxquels la modernité ne cesse de faire retour. Emmanuel Kant (mort en 1804, à 79 ans), monument des Lumières, s’imposa, au-delà de la philosophie, comme une référence incontournable pour la social-démocratie allemande ou française, pour Jean Jaurès notamment, par ses visions de « paix perpétuelle », son point de vue « cosmopolitique ».

Il pensait avoir surmonté pour toujours les impasses de la métaphysique traditionnelle dans les prétentions de celle-ci à avoir un accès ­direct aux réalités supérieures (le monde, l’âme et Dieu), une intuition de l’absolu. Il bornait la connaissance du réel aux conditions formelles de l’expérience humaine, réservant à la moralité un accès à un usage pur de la raison. Cette refonte intégrale des règles de la pensée et de l’agir a entraîné les principaux penseurs de la modernité à écrire leur « livre kantien » (Kantbuch). Tel fut le cas de Martin Heidegger, dont le Kant et le problème de la métaphysique a été utilement retraduit par Marc de Launay (Gallimard, 2023), mais aussi de son adversaire Theodor Adorno, dont Michèle Cohen-Halimi a traduit et publié à propos le cours de 1959, La “Critique de la raison pure” de Kant (Klincksieck, « Critique de la politique », 292 pages, 35 euros, numérique 25 euros).

Comme tout monument, l’auteur de la Critique de la raison pure n’échappe pas aux « déboulonnages ». Ils ont commencé de son vivant chez ses successeurs, les idéalistes allemands Fichte, Hegel, Schelling, qui jugeaient, eux, possible une intuition intellectuelle de l’absolu, franchissant tôt les limites fixées par Kant. A l’autre bout de trois siècles de réception kantienne, la bataille se poursuit, mais sur un autre front, politique celui-là. Les études postcoloniales et afro-américaines s’en prennent aux insupportables stéréotypes véhiculés par l’anthropologie ou la géographie de Kant. Ses préjugés sur les juifs, les Noirs ou les Indiens d’Amérique, qu’il refoulait au bas de l’échelle dans la hiérarchie des « races », dont certains l’accusent d’avoir formalisé le concept, le mettent en porte-à-faux avec l’esprit du temps.

Contrer Kant avec ses propres armes et concepts

La philosophe Catherine Malabou ­ (université de Californie à Irvine) affronte ces reproches dans sa contribution au recueil collectif Kant (in) actuel (PUF, 312 pages, 23 euros, numérique 19 euros), dirigé par le spécialiste français du philosophe prussien, Antoine Grandjean (université de Lille), sans doute l’un des ouvrages les plus riches et précis que suscite le tricentenaire de la naissance de Kant. Au printemps 2020, alors que Catherine Malabou consacrait un cours à ce dernier, elle s’est vue confrontée, après le meurtre de George Floyd par la police, à une révolte de ses étudiants qui interrogeaient, à la suite des études afro-américaines, la nature blanche, coloniale et esclavagiste de l’universel et du rationalisme kantiens. Y aurait-il « racisme inhérent à la théorie critique ? », se demande-t-elle.

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