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Budget 2024 : faut-il s’inquiéter du poids de la dette ?

Le gouvernement justifie sa volonté de réduire les déficits publics par le rebond des taux d’intérêt qui grèverait le budget de l’Etat.

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Publié le 20 octobre 2023 à 16h04, modifié le 20 octobre 2023 à 17h36

Temps de Lecture 3 min.

Les discussions autour du projet de loi de finance (PLF) pour 2024 et de la loi de programmation jusqu’en 2027 ont remis sous les projecteurs la question de la dette publique et de son coût. Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, s’en est inquiété, qualifiant de « spectaculaire » l’augmentation de la charge de la dette, c’est-à-dire des dépenses publiques consacrées au paiement des intérêts. En présentant le budget, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire a aussi insisté sur la hausse des taux auxquels emprunte désormais la France.

En effet, entre 2021 et 2023, les taux sont passés de près de zéro à plus de 3 % pour un crédit sur dix ans. Selon les anticipations de Bercy, la charge de la dette deviendrait en 2027 le premier poste de dépenses du pays, devant l’éducation ou l’armée. Comment en est-on arrivé là et doit-on s’en inquiéter ?

Comment la France emprunte-t-elle ?

L’Etat s’endette de manière récurrente pour financer les dépenses publiques de fonctionnement et d’investissement. Il emprunte, paie les intérêts (les « coupons »), rembourse à échéance et contracte de nouveaux emprunts.

Avant les années 1970, la France avait recours à des emprunts nationaux, auprès des citoyens épargnants ; désormais, elle emprunte essentiellement sur les marchés financiers. C’est l’Agence France Trésor (AFT), logée au cœur de Bercy, qui est chargée de gérer ces opérations. L’AFT prévient les investisseurs qu’elle va avoir un besoin de financement. Chaque acteur dit combien il est prêt à mettre et, en fonction des offres, l’AFT attribue des lots aux taux les plus intéressants pour elle.

Que représente la charge de la dette actuellement ?

La ligne affectée à la charge de la dette – aussi appelée « service de la dette » – et à la trésorerie de l’Etat représenterait 52,2 milliards d’euros l’an prochain. Selon les documents budgétaires, ce sera le quatrième poste de dépense publique. Bien loin derrière les remboursements d’impôts aux entreprises et aux particuliers (en vertu de niches fiscales ou de dispositifs incitatifs) mais aussi derrière les budgets affectés à l’éducation nationale et à la défense.

PLF 2024 PLF 2024

Il s’agit ici des chiffres du PLF, présentés en « comptabilité budgétaire », contrairement à ceux de l’AFT présentés ci-dessous en « comptabilité maastrichtienne » (à destination des institutions européennes).

Qu’est-ce qui explique la hausse de cette charge ?

Il y a trois raisons à la hausse de la charge de la dette : l’une, qui concerne surtout l’année 2022, est liée à l’inflation. Car l’Etat emprunte pour une petite partie de sa dette – environ 10 % – à taux variables. Or ces derniers sont liés à l’inflation (française et européenne). Quand les prix à la consommation se sont envolés, ces emprunts à taux variables ont suivi, l’addition s’élevant à la fin de 2022 à 23 milliards d’euros, soit presque la moitié des intérêts versés cette année-là.

La deuxième raison tient au rebond de l’ensemble des taux d’intérêt dans la zone euro, pour les entreprises, les particuliers, mais aussi pour les Etats : ils suivent le mouvement lancé par la Banque centrale européenne qui a relevé ses taux directeurs à un niveau jamais atteint. Alors que ces taux ont longtemps été proches de zéro, la remontée autour de 3 % (dans le cas des emprunts à taux fixes de l’Etat français sur dix ans) est forcément douloureuse.

La dernière raison est la hausse en volume des montants d’emprunt prévus l’an prochain : 285 milliards d’euros, contre 270 milliards d’euros cette année, un niveau record.

Une charge de la dette attendue en forte hausse

Avec des taux proches de zéro, les intérêts payés par l'Etat pour emprunter ces dernières années ont diminué. C'est l'inverse désormais avec le rebond des taux autour de 3 %. L'année 2022 a par ailleurs été marquée par une inflation importante qui s'est répercutée sur les emprunts à taux variables (environ 10 % de la dette).

Quelle est l’ampleur du risque ?

Le gouvernement justifie sa volonté de réduire les déficits publics par ce rebond des taux qui grèverait le budget de l’Etat. A cette aune, désendetter le pays serait « un impératif catégorique », selon Bruno Le Maire.

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Mais les effets de la hausse des taux sur les emprunts à taux fixes de la France sont progressifs : l’Etat français a des emprunts avec des échéances diverses, qui vont de trois mois à trente ans. L’an prochain, moins de 10 % des 3 000 milliards d’euros de stock d’emprunts tricolores seront renouvelés. Lorsqu’ils arrivent à maturité et qu’il faut en souscrire de nouveaux, l’Etat sait qu’il peut obtenir des taux intéressants car prêter de l’argent à l’Etat demeure un placement sûr, ce qui n’est pas si courant sur la planète finance. A chaque émission, l’AFT place sa dette sans problème et a même pu bénéficier de taux négatifs dans les dernières années, les investisseurs payent pour prêter à la France.

D’autre part, comme l’anticipe la majorité des économistes, l’inflation qui a dopé les taux variables devrait commencer à reculer dans les années à venir, et le renchérissement qui a pénalisé l’année 2022 devrait se dissiper progressivement. D’ailleurs, emprunter est un bon calcul économique en période d’inflation car la hausse des prix rogne la valeur réelle de l’épargne, du patrimoine mais aussi… des dettes.

Enfin, la situation de la France n’a rien d’unique : dans les pays occidentaux, la dette publique n’a cessé de croître avec la baisse de la croissance et la libéralisation des marchés financiers, offrant aux Etats des possibilités de financements toujours plus généreuses. En valeur absolue, la dette américaine a été multipliée par six en vingt ans, celle du Royaume-Uni aussi.

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