Le président du parti national-populiste Smer-SD et vainqueur des élections législatives, Robert Fico, a annoncé, mercredi 11 octobre, un accord avec les partis d’extrême droite SNS et de gauche HLAS-SD sur la création d’une future coalition. « Nous nous sommes mis d’accord pour former un gouvernement ensemble », a-t-il déclaré à la presse, ajoutant : « C’est la base de l’accord de coalition, que nous voulons conclure dans les plus brefs délais. »
La présidente slovaque, Zuzana Caputova, avait confié, lundi 2 octobre, la formation du nouveau gouvernement au candidat populiste, opposé à l’aide militaire à l’Ukraine et considéré comme prorusse. Le Smer-SD est arrivé en tête avec près de 23 % des voix, devançant le parti centriste Progresivne slovensko (PS), qui a obtenu 18 % des suffrages.
Agé de 59 ans, Robert Fico a fait toute sa campagne en promettant d’aligner la politique étrangère de la Slovaquie sur celle de son voisin hongrois. Son programme parle de « rejeter l’aide militaire à l’Ukraine » parce qu’elle « ne fait que prolonger le conflit », de s’opposer « aux sanctions qui font plus mal à l’Europe qu’à la Russie » ou de « normaliser les relations » avec Moscou. Robert Fico assure qu’il veut que son pays reste membre de l’Union européenne et de l’OTAN, mais son retour au pouvoir – il a occupé deux fois le poste de premier ministre entre 2006 et 2018 – va mettre un terme à la politique du gouvernement pro-occidental sortant, qui était allé jusqu’à donner les Mig-29 de l’armée slovaque à l’Ukraine.
Une campagne marquée les « fake news »
Lors de sa conférence de presse postélectorale, dimanche 1er octobre, Robert Fico a ainsi estimé que son pays de 5,4 millions d’habitants avait des « problèmes plus importants » que l’aide à l’Ukraine. « Nous pensons que l’Ukraine est une immense tragédie pour tous. Si le Smer est chargé de former un cabinet (…), nous ferons de notre mieux pour organiser des pourparlers de paix dès que possible », a-t-il dit.
Selon le Kremlin, il est « absurde » de qualifier le Smer-SD de « prorusse ». « Nous sommes confrontés à une situation où tout homme politique qui est enclin à penser à la souveraineté de son pays, à défendre les intérêts de son pays, est considéré comme prorusse. C’est absurde », a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Cette campagne a aussi été marquée par les provocations parfois violentes du camp Fico – l’un des vice-présidents du Smer-SD a été jusqu’à frapper un adversaire – et par des « fake news » abondamment propagées sur les réseaux sociaux. Le principal lieutenant de Robert Fico, Lubos Blaha, banni de Facebook pour avoir propagé des mensonges pendant l’épidémie du Covid-19, a continué de répandre des messages prorusses sur d’autres réseaux sociaux ou avec d’autres comptes Facebook. La commissaire européenne chargée de la transparence, la Tchèque Vera Jourova, a d’ailleurs constaté que la campagne avait été l’objet « de message de désinformation sans précédent », avec « un niveau élevé d’inondation de l’espace d’information provenant de l’extrême droite, mais aussi de sources pro-Kremlin ».
Arrivée subite et massive de migrants
La campagne a notamment été marquée par l’usage inédit de deep fake contre le camp libéral, avec la diffusion de fausses discussions générées par l’intelligence artificielle pour décrédibiliser son candidat. En plus de propager des messages anti-occidentaux, ces comptes affichent souvent des narratifs opposés aux droits des LGBT + ou aux migrants, deux sujets abondamment discutés par Robert Fico.
Ce dernier a de surcroît été servi par un autre élément troublant qui rappelle les pires campagnes de déstabilisation russes : l’arrivée subite de dizaines de milliers de migrants sur le territoire slovaque, quelques semaines seulement avant le scrutin. Alors que les migrants, en grande majorité syriens, cherchaient auparavant, après avoir traversé le territoire hongrois, à rejoindre l’Allemagne de l’Autriche, ils ont subitement bifurqué de chemin, depuis fin août, en passant par la Slovaquie. Les autorités n’ont jamais vraiment réussi à expliquer ce changement de route migratoire, mais plusieurs responsables politiques slovaques proeuropéens ont accusé le premier ministre hongrois, Viktor Orban, d’avoir cherché à influencer ainsi les élections, ce dont Budapest s’est défendu.
Robert Fico avait été contraint de démissionner de son poste de premier ministre en 2018 après des manifestations nationales à la suite du meurtre du journaliste d’investigation Jan Kuciak et de sa fiancée, Martina Kusnirova. Jan Kuciak avait révélé des liens entre la Mafia italienne et le gouvernement Fico, dans son dernier article publié à titre posthume.
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