Derrière les barreaux du camp ultra-sécurisé de Malakasa, au nord d’Athènes, les 104 survivants du naufrage survenu dans la nuit du 13 au 14 juin au large de la péninsule du Péloponnèse, en Grèce, auraient reçu l’ordre de ne pas parler des circonstances de la catastrophe. Selon le témoignage de plusieurs d’entre eux, les autorités grecques auraient invoqué le « secret » de l’instruction, alors qu’une enquête de la Cour suprême du pays a été ordonnée dès le lendemain du drame, qui a coûté la vie à des centaines de personnes parties de Libye pour rejoindre l’Italie.
Depuis plusieurs jours pourtant, les interrogations se font de plus en plus nombreuses sur la lenteur de l’intervention des gardes-côtes grecs et sur les causes du chavirement du chalutier, dont le nom reste, à ce jour, méconnu.
Joint au téléphone, Hassan, un rescapé syrien qui a souhaité rester anonyme, revient sur ce « périple de l’enfer ». « Quand j’ai pris le bateau en Libye, je ne savais pas que l’on serait si nombreux… Sur le pont, où je me trouvais, nous étions environ 200 personnes. Nous étions les uns sur les autres et, au bout de quelques jours, nous n’avions plus d’eau ni de nourriture. » Deux hommes sont morts de soif pendant la traversée, selon lui.
Le jeune homme se souvient de deux bateaux commerciaux qui se sont approchés d’eux : « Le premier nous a distribué des packs d’eau. Nous avons demandé de l’aide au second équipage, mais ils sont repartis assez rapidement en nous répondant qu’ils ne pouvaient pas nous aider, qu’il fallait attendre les gardes-côtes. » Le chalutier bleu à bord duquel se trouvaient les migrants avait des problèmes de moteur. « A un moment, nous n’avancions plus et nous voulions que les gardes-côtes, grecs ou italiens, peu importe, viennent nous sauver », relate-t-il.
Lorsque les gardes-côtes grecs se sont approchés du navire, Hassan confirme, comme les dépositions d’autres rescapés qui ont fuité dans plusieurs médias grecs, que des câbles ont été lancés, à deux reprises, vers leur embarcation pour les tracter. La première fois, la corde a lâché. La seconde fois, « le bateau a roulé de gauche à droite, puis a coulé à la suite de leur intervention », insiste Hassan, qui a nagé pendant près de deux heures avant d’être mis en sécurité sur un hors-bord des gardes-côtes grecs. « Je ne sais pas s’ils voulaient nous repousser vers l’Italie ou nous emmener vers la Grèce, mais, vu leur attitude, je n’avais pas l’impression qu’ils voulaient nous sauver », poursuit-il, remonté.
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