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Du fil de fer oxydé par le temps, des douilles de balles rongées par la rouille, des perles et colliers colorés, des morceaux de cartes mères d’ordinateurs hors d’usage, du tissu usé par la vie… L’artiste Doff, qui présente ses œuvres lors de l’exposition intitulée « Habiter la Terre » jusqu’au 4 décembre à la Galerie Art-Z à Paris, se nourrit des rebuts des sociétés humaines.
« Tout petit, j’allais dans les dépotoirs afin de trier le matériel avec lequel je fabriquais mes jouets. Depuis, j’ai opté pour la réutilisation des objets que tout le monde relègue au rang de déchets », précise le plasticien Appolinaire Guidimbaye qui a pris comme nom d’artiste Doff, « fou » en wolof, car « là d’où je viens, ce sont les fous qui passent du temps dans les dépotoirs ».
« Il ne s’interdit aucun tabou »
Né en 1983, bercé dans son enfance par les musiciens Youssou N’Dour, Ismaël Lô ou Baaba Maal, il n’a pas hésité à opter pour un nom sénégalais, lui dont les parents sont originaires du Logone oriental, tout au sud du Tchad, et qui est le dixième d’une fratrie de douze enfants.
Le plasticien n’a pas fait d’école des beaux-arts, mais il s’est investi dans son art grâce à ce qu’il gagnait en qualité de décorateur de spectacles. Ses œuvres, entre peintures et sculptures, sont singulières. « J’ai d’abord été décontenancé par ces créations, parfois dures, rugueuses, composées avec des matériaux a priori peu “séduisants”. On a l’impression d’être face à des instantanés. Et Doff ne s’interdit aucun tabou : excision, guerre, exil… », souligne Olivier Sultan, fondateur et directeur de la Galerie Art-Z.
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Depuis une dizaine d’années, Doff s’est imposé comme un acteur incontournable de la scène artistique tchadienne. Un touche-à-tout qui n’hésite pas à embrasser la peinture, la sculpture, le design ou l’architecture et est influencé par Jean-Michel Basquiat et Pierre Soulages, maître du « noir lumière » à qui il voue une grande admiration.
« Doff est l’un des rares au Tchad à oser engager une démarche artistique pour raconter son pays, les maux et les traditions qui le structurent », note Pierre Muller, directeur délégué et attaché culturel à l’Institut français de Ouagadougou et précédemment à celui de N’Djamena pendant trois ans.
Combattant pacifique, l’artiste travaille sur les thèmes de la guerre, de l’environnement, des rapports Nord-Sud. « Doff raconte notamment l’histoire de son pays, la guerre, les violences à partir de matériaux récupérés auprès des forces armées », mentionne Pierre Muller. « Je veux transmettre les valeurs écologiques à travers le recyclage que je pratique pour mes œuvres. Je veux dénoncer certains faits sociaux comme le gaspillage pour inciter au changement », insiste le plasticien.
« Tension fertile »
Doff n’oublie pas l’amour. Ses œuvres font une place particulière aux colliers de perles : portés par les garçons au moment de leur initiation, ils le sont également – et surtout – par les femmes dans leur vie de tous les jours. Ces bijoux élastiques plus ou moins fins portés autour des reins sont un élément essentiel de la parure de la beauté féminine en Afrique, « une arme de séduction massive » pour l’artiste.
C’est dans l’assemblage de matériaux « rudes » avec des perles et des fils de couleur que l’artiste se dévoile un peu plus. « Une tension fertile naît dans la juxtaposition de ces objets », conclut Olivier Sultan.
« Habiter la Terre », de Doff, à la Galerie Art-Z jusqu’au 4 décembre, 27 rue Keller, 75011 Paris. Du mercredi au samedi, de 14 heures à 19 heures.
« Afriques au Carré » (le off de la foire AKAA) réunira plasticiens, photographes, designers, créateurs de mode et écrivains du continent africain du 11 au 14 novembre, square du Temple à Paris (18, rue Perrée), en partenariat avec l’IESA (Ecole internationale des métiers de la culture et du marché de l’art). www.afriquesaucarre.com
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