D’une voix basse, calme, Rémi Carne déroule ce qu’il appelle sa « démarche globale ». Dans son modèle, qu’il assume « alternatif », le boulanger toulousain a en effet mis en cohérence tous les aspects de son métier : production, commercialisation, livraison… et même lieu de production.
S’il avoue avoir installé son fournil dans le quartier populaire Papus, au sud-ouest de Toulouse, « par commodité » — car le local est proche de son domicile — et « pour des questions de prix », l’ingénieur électronique reconverti dit être « content » que des habitants de ce quartier populaire « aient pu découvrir le bon pain ».
Le trentenaire commercialise son pain au levain dans son fournil mais également dans des boutiques, et même chez des particuliers. Une dizaine de lieux qui se trouvent tant dans les « beaux quartiers » que dans les cités populaires. « D’ailleurs, j’habite et je vends aussi à La Faourette, qui est une cité voisine, et c’est peut-être mon meilleur point de vente », souligne-t-il.
Ses différents points de retrait, il les livre à vélo. « En fait, c’est un mode de déplacement que j’apprécie, j’ai même fait de longs voyages à bicyclette, témoigne-t-il. Et franchement, en ville on va parfois plus vite qu’en voiture. Sans compter le côté écologique… » Si ce n’était pas le but premier, ce mode de livraison lui a aussi attiré des clients : « Certains apprécient ce côté zéro pollution, d’autres viennent pour la qualité des produits. »
Le pain, parlons-en ! « Je fais du pain au levain parce que c’est meilleur pour la digestion. Le levain apporte tellement de qualités au pain ! Pour moi, c’est le point le plus important. En fait, quand je me suis intéressé à ce sujet, je me demandais s’il était encore possible de faire du pain et de répondre à la question de toutes les intolérances au gluten. La réponse est “Oui, si on le fait bien”. »
Au levain donc, et avec des farines semi-complètes de blés de population —, sa boulangerie s’appelle d’ailleurs Les Blés anciens. « Les variétés anciennes ont des glutens différents de ceux présents dans les variétés modernes. Donc il y a le côté santé et l’autonomie des paysans locaux, qui ont leurs semences et des mélanges adaptés à leur terroir. »
Un modèle qui rejoint celui de Roland Feuillas, boulanger à Cucugnan, dans l’Aude, chez qui Rémi Carne a réalisé un stage avant de se lancer. Dans les deux cas, les farines sont bio, mais Rémi n’a pas le label. L’artisan toulousain cherche aussi au maximum à s’approvisionner localement : les farines sont achetées à des paysans-meuniers de Haute-Garonne et du Gers, le sel vient de Salies-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques), les graines du Sud-Ouest.
En janvier dernier, Rémi Carne est passé de deux à une fournée par semaine, le vendredi. « C’est pour des questions d’optimisation mais aussi de fatigue, témoigne-t-il. J’ai une fille d’un an, j’étais crevé… »
Pour lui, c’était clair d’entrée : son organisation devait lui permettre de travailler en journée, pour concilier au mieux sa vie personnelle et professionnelle. Il est d’ailleurs certain de ne pas perdre de temps en produisant plus qu’il ne vendrait. Ici, tous les achats se font sur commande, via le site internet. « C’est royal parce que je sais ce que je produis et je vends tout », se félicite-t-il.
Il dépose gratuitement son pain et ses brioches dans les points de retrait ce qui lui permet de « rester raisonnable sur les prix ». Comme rien ne doit se gaspiller, il partage aussi… son fournil, avec deux autres boulangers ! Et pour s’ouvrir encore plus, Rémi Carne envisage de proposer des journées découverte, afin d’« apprendre aux gens à faire leur pain et diversifier [ses] propositions ».