Le chapitre se referme définitivement pour la librairie Passion Culture à Orléans

C'était la locomotive d'un nouveau quartier, à deux pas des bords de Loire. C'était un pari dans le monde des livres à l'heure où les Français délaissent les librairies pour l'achat en ligne chez Amazon notamment. Près de 5 ans après son ouverture, la librairie Passion Culture, installée dans la Halle Charpenterie, place de la Loire, ferme définitivement. Le tribunal de commerce d'Orléans place ce jeudi matin en liquidation judiciaire l'entreprise. 5 salariés avaient déjà été licenciés en mai, les 7 autres le seront prochainement.

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Un loyer trop élevé

Pour Sylvie Champagne, la fondatrice de Passion Culture, "le seul coupable, c'est le groupe Casino", ou plus exactement l'une de ses filiales immobilières. Qui a mis fin il y a 18 mois, à toute négociation sur le loyer de la Halle Charpenterie. Et qui réclamait 600 000 euros à la librairie, dont 120 000 euros de charge "injustifiées" selon elle. "Ils ne nous ont jamais montré aucun document justifiant de ces charges" affirme Sylvie Champagne. Une somme beaucoup trop élevée, elle demande alors son placement en redressement judiciaire, en février dernier. Les discussions reprennent, "on a mis toutes nos espérances dans cette procédure, pour essayer de trouver un accord avec le groupe Casino. Et il a encore refusé. A la fin, Casino nous demandait plus de 20 000 euros par mois ! En plus, injustice totale, il a proposé à un éventuel repreneur un loyer 3 ou 4 fois moins élevé". Un repreneur dont l'activité principale n'étaient pas les livres, et qui finalement n'a pas eu le soutien des banques.

C'était une belle aventure, mais aujourd'hui Casino nous assassine

Aujourd'hui Sylvie Champagne ne cache pas sa colère : "Le groupe Casino nous assassine, avec cette histoire de loyer, mais pourquoi, que veut-il faire de ce bâtiment vide ?". Une colère qu'elle exprime dans un communiqué :

Encore 20 ans à rembourser

La colère mais aussi l'abattement de Sylvie Champagne... "C'est très dur physiquement et moralement parce que mes 12 salariés se retrouvent au chômage. C'était une belle équipe, de libraires professionnels, qui pour la plupart m'ont suivie dans cette aventure il y a 5 ans. On a 14 000 clients fidèles, on a vécu une belle aventure, tous ensemble, mais aujourd'hui, on nous a tués". "Moi personnellement, ma caution personnelle auprès des banques c'est le prix d'un appartement ou d'une maison, donc j'en ai encore pour vingt ans à rembourser. Mais surtout, on arrivait à notre point de rentabilité, on voulait créer un grand salon du livre à Orléans, tout ça c'est terminé. Alors qu'on n'a rien à se reprocher, on n'est pas coupables, le seul coupable aujourd'hui c'est Casino".

Silence de Casino... et de la mairie

Ce problème des loyers trop élevés dans toute cette zone commerciale, Sylvie Champagne n'est pas la seule à le connaître. Le groupe Casino est propriétaire de toutes les surfaces commerciales, et régulièrement les commerçants évoquent des charges trop élevées. D'autant que lorsque les premiers commerces sont arrivés rue des Halles et Place de Loire (Passion Culture était parmi eux, ôtant d'ailleurs une belle épine du pied à la mairie d'Orléans, qui ne trouvait pas de candidat depuis 10 ans pour s'installer dans cette immense Halle Charpenterie), les travaux ont duré près de trois ans avant qu'elle deviennent attractive pour les consommateurs orléanais. Sylvie Champagne en veut donc aussi à la mairie d'Orléans. "Son silence est assourdissant. La mairie m'a accompagnée quand j'ai proposé de m'installer dans la Halle, mais depuis 18 mois et mes problèmes de loyers, personne n'a levé le petit doigt pour sauver ce lieu ce culture". Le groupe Casino, lui, n'a toujours pas répondu à nos demandes d'interview. Casino qui se retrouve avec un immense espace de 1600 mètres carrés, totalement vide. Mais dans lequel Sylvie Champagne avait engagé près d'un million d'euros de travaux, avant de s'installer. Lors des négociations, le groupe n'a pas proposé de la dédommager.

Les réactions sur les réseaux sociaux en revanche ont été très nombreuses, depuis l'annonce de la liquidation judiciaire, ce matin sur France Bleu Orléans. Messages de soutien, incompréhension, colère aussi des internautes et clients de la librairie orléanaise. Près de 500 partages, des dizaines de commentaires, "ils ont voulu tuer la culture" dit une internaute. De la nostalgie, aussi, tous témoignent du plaisir qu'ils avaient à fréquenter Passion Culture. En 5 ans, elle avait reçu plus de 200 auteurs, Douglas Kennedy, Marc Levy, Jean d'Ormesson... Des souvenirs qui rassurent un peu Sylvie Champagne : "vous savez, quand vous avez le privilège d'écouter Jean d'Ormesson, ça vous console de tout..."

Face à ces marques de sympathie, Sylvie Champagne se dit prête à continuer le combat. "Je suis décidée à engager toutes les procédures nécessaires en justice, pour faire valoir mes droits et faire reconnaître qu'il n'y a qu'un seul coupable aujourd'hui, le groupe Casino".