Vol et vandalisme d’œuvres d’art : que s’est-il vraiment passé au Centre Pompidou-Metz ?

Vol et vandalisme d’œuvres d’art : que s’est-il vraiment passé au Centre Pompidou-Metz ?Vol et vandalisme d’œuvres d’art : que s’est-il vraiment passé au Centre Pompidou-Metz ?
L'Origine du monde de Gustave Courbet, vandalisé par l'artiste et performeuse Deborah de Robertis © Deborah de Robertis

Lundi 6 mai, un groupe de personnes a tagué plusieurs œuvres de l'exposition « Lacan. Quand l'art rencontre la psychanalyse » au Centre Pompidou-Metz. L'action a été revendiquée par la performeuse Déborah de Robertis qui aurait dérobé une œuvre d'Annette Messager par la même occasion.

Alors qu’on pouvait imaginer que l’acte de vandalisme de L’Origine du monde (1866) de Gustave Courbet (1819-1877) soit le fait d’eco activistes comme au musée d’Orsay ou au musée du Louvre, l’affaire se révèle bien plus complexe. Hier, lundi 6 mai, plusieurs personnes se sont rendues à l’exposition « Lacan. Quand l’art rencontre la psychanalyse » au Centre Pompidou-Metz (jusqu’au 27 mai) et ont tagué plusieurs œuvres accrochées dans la Galerie 2, dont le chef-d’œuvre prêté par le musée d’Orsay, mais aussi The Birth (2007) de Louise Bourgeois, Replace Me (Remplacez-moi) (2012) de Rosemarie Trockel, Aktionshose : Genitalpanik (1969-2001) de Valie Export et Miroir de l’Origine (2014) de Deborah de Robertis. Je pense donc je suce (1991), une broderie d’Annette Messager est vandalisée et subtilisée au même moment. L’espace a été évacué dans l’après-midi et devrait rouvrir demain, mercredi 8 mai. Retour sur ce qu’il s’est passé hier après-midi au Centre Pompidou-Metz.

Deux personnes placées interpellées et placées en garde à vue

Lundi 6 mai, 13 heures 50. Plusieurs visiteurs viennent découvrir « Lacan. Quand l’art rencontre la psychanalyse ». Une fois arrivée dans la Galerie 2, une partie du groupe fait diversion auprès du personnel de médiation et de sécurité, relate le Centre Pompidou-Metz, pendant que trois femmes taguent la mention « Me Too » sur plusieurs œuvres accrochées. La salle d’exposition est évacuée et fermée par les autorités afin que les œuvres puissent être examinées. Deux individus nés en 1986 et 1993 sont interpellés et placés en garde à vue, tandis que la troisième personne prend la fuite avec l’œuvre d’Annette Messager. Une enquête, confiée au service interdépartemental de police judiciaire de Metz, est par la suite ouverte pour « dégradation ou détérioration de biens culturels commis en réunion » et « vol d’un bien culturel en réunion ».

Vue de l'exposition « Lacan, l’exposition. Quand l’art rencontre la psychanalyse » au Centre Pompidou Metz suite au tags de Deborah de Robertis © Deborah de Robertis Vue de l'exposition « Lacan, l’exposition. Quand l’art rencontre la psychanalyse » au Centre Pompidou Metz suite au tags de Deborah de Robertis © Deborah de Robertis

Vue de l’exposition « Lacan, l’exposition. Quand l’art rencontre la psychanalyse » au Centre Pompidou Metz suite au tags de Deborah de Robertis © Deborah de Robertis

L’histoire du vandalisme de L’Origine du monde se répand petit à petit, et, peu avant 20 heures, Deborah de Robertis revendique l’incident sur ses réseaux sociaux comme une performance intitulée On ne sépare pas la femme de l’artiste. De son côté, le Centre Pompidou-Metz réplique avec un communiqué de presse. « Avec tout le respect que nous portons aux mouvements féministes, nous sommes choqués de voir vandaliser des œuvres d’artistes, notamment d’artistes féministes, au cœur des combats de l’histoire de l’art, déclare Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz. Nous condamnons les actes de vandalisme contre les œuvres d’art conservées et présentées dans les musées, prenant également pour cible les équipes sur le terrain. »

Confronter les institutions avec une « performance »

L’artiste franco-luxembourgeoise aurait invité deux autres « performeuses » à taguer plusieurs œuvres de l’exposition (dont la sienne) pour « confronter une nouvelle fois les institutions et mettre à l’épreuve leur liberté d’expression post #metoo », explique Deborah de Robertis dans un communiqué. Mais, elle se serait « approprié » Je pense donc je suce pour une raison plus personnelle.

L'artiste et performeuse Deborah de Robertis performant au Centre Pompidou-Metz. © Deborah de Robertis L'artiste et performeuse Deborah de Robertis performant au Centre Pompidou-Metz. © Deborah de Robertis

L’artiste et performeuse Deborah de Robertis performant au Centre Pompidou-Metz. © Deborah de Robertis

En dérobant l’œuvre d’Annette Messager, elle souhaite « dénoncer la relation abusive que le curateur Bernard Marcadé, entretenait avec elle, alors âgée d’à peine 26 ans à l’époque, explique-t-elle dans un communiqué. Quand j’ai vu cette œuvre parmi les 250 pièces, je l’ai reconnue tout de suite, j’ai eu envie de vomir, car c’est celle qui est accrochée au-dessus de son lit conjugal. Je me suis souvenue des nombreuses fellations qu’il s’est permis de me demander comme si c’était son dû. » En parallèle de cette action, Deborah de Robertis a publié une lettre ouverte sur son blog Médiapart dans laquelle elle dénonce les comportements de six autres hommes du milieu, en les qualifiant de « calculateurs », « prédateurs » ou « censeurs ».

Une condamnation en 2018

D’après le quotidien « Libération », la performeuse avait alerté certains titres de presse dès le 14 avril dernier : « Je prépare une performance très prochainement, pour dénoncer les abus dans le monde de l’art, qui jusqu’à présent est resté silencieux. Je vous écris parce que j’essaie de trouver un média de confiance pour m’exprimer. Je suis connue, notamment pour avoir exposé mon sexe sous l’Origine du monde de Courbet en 2014 […]. Mes performances pointaient les abus de pouvoir sexuel dans le monde de l’art avant #MeToo, sans accuser directement, mais aujourd’hui je désire prendre la parole. » La performeuse avait également montré son sexe devant la Joconde de Léonard de Vinci lors d’une de ses prestations au musée du Louvre en 2017. D’après l’AFP, Deborah de Robertis a été condamnée par la justice française à 2000 euros d’amende pour s’être montrée nue lors d’une performance devant la grotte du sanctuaire de Lourdes, en 2018.

Portrait de Deborah de Roberti suite au vandalisme de l'œuvre de Courbet. © Deborah de RobertisPortrait de Deborah de Roberti suite au vandalisme de l'œuvre de Courbet. © Deborah de Robertis

Portrait de Deborah de Roberti suite au vandalisme de l’œuvre de Courbet. © Deborah de Robertis

« J’ai violé les musées, du musée d’Orsay au musée du Louvre jusqu’au centre Pompidou. Je les ai pénétrés de force, sans consentement ni autorisation, pour revendiquer ma place dans l’histoire », écrit-elle sur son blog. Si le combat contre la loi du silence dans le monde de l’art est légitime et juste, on peut douter de la pertinence et de l’efficacité d’une action qui utilise un slogan féministe pour dégrader des œuvres d’autres artistes femmes, qui sont, qui plus est, réputées pour leur positionnement féministe. N’est-ce pas contre productif de lancer de cette façon un Me Too du monde de l’art au lieu de réunir la parole des victimes pour que les choses changent enfin ?


« Lacan, l’exposition. Quand l’art rencontre la psychanalyse »
Centre Pompidou Metz, 1 Parvis des Droits de l’Homme, 57020 Metz
Jusqu’au 27 mai
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