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«Les femmes sont extrêmement dures sur leur propre vieillissement»

Avec son essai «Les Flamboyantes», Charlotte Montpezat franchit une nouvelle frontière dans la lutte contre la discrimination des femmes : celle de l'âge. L'essayiste psychanalyste lance des alertes, mais propose aussi des actions concrètes pour lutter contre l'âgisme qui nuit tant aux potentiels des 9 millions de femmes de 45-65 ans.

Portrait de Charlotte Montpezat.
Portrait de Charlotte Montpezat. (© DR)
Publié le 18 avr. 2023 à 09:18Mis à jour le 19 avr. 2023 à 16:14

Pensez-vous comme Madonna, que vous citez, qu'âgisme et sexisme vont de pair ?

Selon le ministère du Travail, Sexisme et âgisme sont les deux discriminations les plus puissantes, devant l'origine et le handicap. La combinaison des deux est une déflagration. Depuis toujours, les femmes sont plus en butte à l'âgisme que les hommes. C'est ce que l'anthropologue Françoise Héritier ou la féministe américaine Susan Sontag montrait dès les années 1970. À 50 ans, un homme est considéré comme séduisant, une femme beaucoup moins.

Sans tabou, vous rappelez que la vie sexuelle des femmes se prolonge, s'intensifie, se diversifie ; et que sinon, la fantastique énergie de la libido peut se sublimer. Vous dénoncez la «pathologisation» de la ménopause sous l'influence des laboratoires pharmaceutiques. Avez-vous pensé votre essai, véritable «connais-toi toi-même» pour les femmes de 45 ans et plus, comme point de départ d'un nouveau féminisme ?

Ce serait un joli prolongement de ce livre ! Aujourd'hui, ce combat féministe s'impose pour deux raisons : du fait du vieillissement de la population ; et parce que les années de vie gagnées grâce aux évolutions de la médecine et de la société ne s'ajoutent pas à la fin de nos vies, mais s'insèrent entre nos 50 et nos 70 ans. Elles ouvrent un nouvel âge, surtout pour les femmes, qui n'existait pas auparavant.

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«Les femmes sont extrêmement dures sur leur propre vieillissement»

© Editions Equateurs

Vous évoquez les violences économiques faites aux femmes et passées sous silence. Les femmes s'avèrent victimes du sous-emploi, puis de la pauvreté, du fait du divorce et de retraites insuffisantes, lorsqu'elles entrent dans le troisième âge. C'est terrible. Le féminisme aurait-il jusque-là manqué la question du vieillissement ?

Absolument. Il semblerait que l'âge fait tellement peur aux femmes elles-mêmes qu'elles refusent de le regarder en face. Même Simone de Beauvoir avait capitulé devant son propre vieillissement, qu'elle considérait comme une catastrophe. En Mai 68, nos mères ont brûlé leurs soutiens-gorge. Aujourd'hui, nos filles «se lèvent et se cassent», comme Adèle Haenel. Maintenant nous, une génération qui n'a pas été très combative, pouvons relever la question de l'âge et des femmes. Nous pouvons nous offrir, ainsi qu'à nos filles, le cadeau de vingt ans d'une vie formidable. C'est un joli combat, n'est-ce pas ?

Votre essai rappelle les bénéfices du «progrès» pour les femmes de 45-65 ans: pleine santé, allègement de la charge mentale des responsabilités familiale, sexualité libérée de la fonction procréatrice, autant d'atouts pour inventer un nouveau territoire de liberté. Êtes-vous optimiste sur cet âge «palimpseste» où différentes vies coexistent ?

Je suis une incurable optimiste, alors oui ! Mais pour s'emparer de cette tranche de vie nouvelle, encore faut-il reconnaître son existence. Dire aux femmes qu'elles sont vieilles à partir de 50 ans a un effet performatif : nombreuses sont celles qui se résigneront.

Selon vous, les femmes de 50 ans des années 2020 doivent «s'offrir une nouvelle liberté : celle de s'affranchir de la peur d'une péremption subie trop jeune». Est-ce facile, sachant qu'à «50 ans on nous demande d'arrêter de nous projeter alors qu'il faut faire exactement l'inverse», comme l'écrit Helena Noguerra, que vous avez interrogée ?

C'est tout le problème. L'enjeu, c'est de faire bouger le regard de la société. Pour cela, on a besoin de tout le monde. Des médias pour mieux nous représenter, des entreprises pour mieux nous employer, de nous-mêmes pour mieux nous aimer. Et quand je dis «nous», je parle des hommes et des femmes. Les femmes sont extrêmement dures sur leur propre vieillissement. C'est la première chose à changer !

«Les Flamboyantes», de Charlotte Montpezat (éd. des Equateurs, 208 pages).

Judith Housez

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