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«La victime devenait son jouet» : le pervers parcours de «l'arnaqueuse d’Hollywood», qui était en réalité... un homme

Entre 2010 et 2020, il a fait plus de 500 victimes, et causé 2 millions de dollars de pertes. Retour sur le parcours de l'arnaqueur qui a fait trembler la Colline, au cœur d'une minisérie diffusée sur Apple TV+.

Nul n'a oublié la folle histoire de l'arnaqueuse Anna Delvey. De 2013 à 2017, cette prétendue héritière russe a escroqué entourage, hôtels et investisseurs pour plusieurs centaines de milliers de dollars. Mais bien peu savent qu'à la même période, sévissait une toute autre criminelle : la «Hollywood Con Queen». Toutes deux furent, certes, des arnaqueuses en série. À ceci près que la seconde n'aspirait pas seulement à empocher l'argent de ses victimes. Elle entendait, avant tout, pulvériser leurs rêves.

Maquilleurs, cascadeurs, réalisateurs, photographes ou acteurs… Bon nombre de professionnels, désireux de se faire une place à l'ombre de la Colline, sont tombés sous le joug de cette escroqueuse aux multiples visages, leur promettant monts et merveilles. Jusqu'à ce que des journalistes percent son secret. Celle qui a fait 500 victimes et occasionné 2 millions de dollars (1,8 million d'euros) de pertes était en réalité… un homme. Un destin glaçant évoqué dans la minisérie documentaire Hollywood Con Queen, disponible sur Apple TV + depuis le mercredi 8 mai.

50 personnes par heure

Son histoire ressemble à «un film hollywoodien». Au fil des années, la Hollywood Con Queen se serait fait passer pour 15 personnes différentes. Parmi elles, la présidente de Lucasfilm Kathleen Kennedy, la célèbre productrice Amy Pascal, la présidente d'Universal Donna Langley, ou encore Wendi Deng, l'ex-épouse de Rupert Murdoch. Au plus fort de son activité, l'escroqueuse aurait appelé jusqu'à 50 personnes par heure. Dans les brouillons de son ordinateur, elle aurait conservé des notes sur chacune de ses cibles.

Pour cette criminelle, nul modus operandi n’a pu être établi. La Hollywood Con Queen n’a jamais procédé deux fois de la même manière. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’à chaque fois, «la victime devient son jouet», commente le journaliste Scott Johnson, dont les articles publiés sur le sujet dans le Hollywood Reporter ont inspiré la série. Le documentaire signé Chris Smith relate que l'escroqueuse visait généralement des personnes en freelance, plus vulnérables, leur faisant miroiter l’opportunité de leur vie. Tout en tissant sa toile autour d’elles.

Six voyages en Indonésie

Le réalisateur Will Strathmann compte parmi les victimes de ce stratagème. En 2017, il reçoit un email signé Amy Pascal. Croyant s'adresser à la véritable productrice, il échange avec elle autour d'un show qu'elle souhaite développer pour Netflix. Will Strathmann passe outre l'étrange comportement de son interlocutrice. Celle qu’il n'a jamais rencontrée en personne lui demande d'avancer des frais de voyage, et ne l’appelle qu'à 2 heures du matin. Il accepte cependant de s'envoler pour l'Indonésie, afin d'y faire des repérages pour le tournage.

Le réalisateur effectue, en tout, six voyages en deux semaines et demi, à la demande de la prétendue productrice. Chaque jour, il s'évertue à capturer les images susceptibles de la satisfaire. Mais à chaque fois, celle-ci lui demande de repartir en Indonésie - sans jamais s’acquitter d’un quelconque remboursement. Will Strathmann voit, peu à peu, ses économies partir en fumée. Le réalisateur, qui comprend trop tard le subterfuge, sera délesté de 54.452 dollars (50.585 euros).

Du sexe par téléphone

Pour d'autres, la supercherie va encore plus loin. Et dévoile l'étendue de sa perversité. Tel est le cas de John Taylor - un pseudonyme -, acteur en devenir. Ce dernier raconte dans la minisérie comment il a été contacté par un dénommé Doug Liman, un soi-disant réalisateur qui assurait travailler sur un nouveau projet, et souhaitait mettre à l’honneur un comédien inconnu. Le cinéaste insiste pour que John Taylor contacte Donna Langley, la présidente d'Universal. Bientôt, ce dernier se voit confronté à d’improbables demandes. Contraint d'avancer 800 dollars pour des cours d'arts martiaux, nécessaires à la préparation du film, il se voit attribuer une liste de longs-métrages à regarder, pour lesquels il doit rédiger l’analyse de multiples personnages. Qu’importe : en pleine pandémie mondiale, John Taylor est heureux de se prêter à l'exercice. Donna Langley (la fausse) lui assure, par ailleurs, qu'il participera bientôt à une lecture de scénario avec Tom Cruise. Ce rendez-vous n'aura jamais lieu. Mais l'épisode le plus étrange survient lorsqu'une nuit, il reçoit un appel de la part d'une personne prétendant être Barbara Ellison, l'ex-épouse du milliardaire Larry Ellison, cofondateur de la société de logiciels Oracle. Celle-ci lui propose d'utiliser sa salle de sport pour s'exercer dans le cadre de sa préparation physique. Avant d'exiger qu'il fasse semblant de la lécher, et d'avoir un orgasme au téléphone.

Si l'appel ne dure que 40 secondes, John Taylor affirme qu'il s'agit du «plus inconfortable qu'il a reçu dans sa vie». D’autant que l’incident ne demeure pas isolé. Lorsque John Taylor pense participer à une réunion Skype avec Donna Langley, celle-ci lui demande d'embrasser la caméra pour jouer une scène. Il s'exécute. Quand elle lui intime d'enlever son t-shirt, il cède, toutefois méfiant. Mais lorsqu'elle lui demande de se masturber face caméra, l'acteur refuse catégoriquement, entrant dans une colère noire, avant de couper court à la discussion. Et de voir son rêve s’effondrer.

«Harvey»

Durant des années, l'arnaqueuse sévit, impunie. Elle ignore néanmoins que, dans l'ombre, certaines personnes recherchent activement son identité. Tout comme le journaliste de Hollywood Reporter Scott Johnson, l'enquêtrice Nicoletta Kotsianas, engagée par la véritable Amy Pascal, se lance sur ses traces. Bientôt, des reporters de Vanity Fair mènent eux aussi leurs investigations. Et finissent par démasquer l’arnaqueuse. On apprend, médusé, que l’escroqueuse est en réalité… un escroc. De ceux qui changent de nom aussi régulièrement que de pays.

Émerge alors un tout autre personnage, décrit comme «volatile et violent». Derrière le masque de la Hollywood Con Queen, se cache un certain Hargobind Tahilramani. Ce dernier opère également sous le pseudonyme «Gavin», ou encore «Harvey», son surnom lorsqu'il était petit – ou peut-être un hommage à son idole Harvey Weinstein. A l’époque de ces investigations, l’homme de 44 ans a lancé un compte Instagram, Purebytes, où il officie en tant qu'influenceur lifestyle.

Il s’est même offert les services d'une connaissance - un ancien sommelier qui, engagé comme photographe, l'aide à tourner ses vidéos. Ce dernier trouve le comportement de son employeur de plus en plus suspect. Jusqu'au jour où Hargobind Tahilramani se déshabille devant lui, avant de lui lancer : «Ne t'en fait pas, je n'essaie pas de te violer.» Lorsque l'influenceur lui assure que le mouvement Me Too est une arnaque, l'ancien sommelier démissionne. L'arnaqueur finira, lui, par désactiver son compte Instagram.

Menaces et lettre de suicide

Quand le journaliste Scott Johnson retrouve l'insaisissable Hargobind Tahilramani par un heureux concours de circonstances, dans un appart hôtel de Manchester, en 2020, ce dernier accepte de lui livrer sa version des faits. Débute alors une série d'échanges quotidiens, durant lesquels l'escroc confie sa fascination pour les personnages d'Ursula dans La Petite Sirène (1989) et de Glenn Close dans Les Liaisons dangereuses (1988). Avant de partager le récit de sa vie. Né en Indonésie, le criminel a grandi dans un milieu favorisé, à Jakarta, subissant néanmoins les moqueries de ses camarades et de ses professeurs, qui le trouvent trop efféminé.

Jeune adulte, Hargobind Tahilramani s'envole pour les États-Unis, à l’issue des années 1990. Inscrit dans diverses universités américaines, il finit par intégrer la Cal State University Long Beach, où il participe à des concours d'éloquence. C’est alors que les ennuis commencent. Disqualifié pour plagiat lors d’une compétition, il décide de se venger. Hargobind rédige une lettre de suicide, faisant porter la responsabilité de son geste à certains de ses camarades. Et formule des menaces terroristes à leur encontre, sous couvert d’anonymat. Lorsque ces derniers découvrent la vérité, il est déjà trop tard. En 2001, Hargobind Tahilramani a déjà regagné Jakarta.

Interrogées par les journalistes des années plus tard, ses soeurs le qualifieront de mentalement instable. Au début des années 2000, après le décès de leur père – leur mère a succombé, quelques années plus tôt, à un cancer -, éclatent des disputes au sujet de l'héritage. Au point que le criminel aurait un jour poussé sa sœur dans les escaliers. Lui, assure que sa famille l’a contraint à suivre une thérapie de conversion. Et soutient que ses sœurs ont tout fait pour qu’il soit écarté de l’héritage.

Du Four Seasons en prison

En 2007, c’est pour des faits de vol qu’Hargobind est finalement envoyé en prison. Depuis sa cellule, l’arnaqueur fait livrer à ses codétenus de la nourriture du Four Seasons, et menace, via un téléphone qu’il a soigneusement dissimulé, l'ambassade des États-Unis. Pourtant, lorsque le criminel sort de prison, en 2011, il décide de laisser son passé derrière lui. Il poursuit désormais un nouveau but : intégrer l'industrie du divertissement. Quitte à se glisser dans la peau de ceux qui en tirent les ficelles.

Cette année-là, il convainc même Enrique Iglesias de venir se produire en Indonésie. Hargobind prétend organiser l'élection Miss Teen Indonesia, durant laquelle il propose au chanteur de donner un concert. L’artiste ne découvre la supercherie qu'à son atterrissage dans le pays. Depuis, Hargobind Tahilramani a été arrêté, en novembre 2020, après de multiples enquêtes médiatiques et policières à son sujet, et demeure actuellement au Royaume-Uni.

Le 6 juin 2023, un juge britannique a décidé qu'il serait extradé aux États-Unis. Un choix que le criminel conteste actuellement devant la justice. Dans un enregistrement diffusé au cours du documentaire, celui qui aurait toujours opéré seul déclare : «Je suis peut-être la Con Queen d'Hollywood, ou un criminel, ou je ne sais comment vous voulez m'appeler. Mais je suis le criminel le plus gentil que vous ayez jamais connu.»

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2 commentaires
  • JIF

    le

    Il faut hélas déjà connaître cette histoire pour comprendre cet article nébuleux qui la prend en route : nul.

  • c'est sur.

    le

    Une Bande de naïfs tout ces peoples . On ne vas pas pleurer pour eux.

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