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Interview

Quitter l'éducation nationale pour entreprendre : « J'avais besoin de plus de liberté »

Julie Baverel a été professeure des écoles pendant 25 ans, puis a quitté l'Education nationale pour créer une entreprise. Elle raconte comment et pourquoi de fonctionnaire, elle est devenue graphopédagogue indépendante et ne le regrette pas.

Julie Baverel, aujourd'hui graphopédagogue, a été professeur des écoles pendant 25 ans avant sa reconversion.
Julie Baverel, aujourd'hui graphopédagogue, a été professeur des écoles pendant 25 ans avant sa reconversion. (Getty Images)

Par Eva Aronica

Publié le 23 nov. 2023 à 14:00

En 2021, Julie Baverel, 50 ans, a quitté l'éducation nationale pour entreprendre. Elle a imaginé, puis créé le Cocon d'Alfred, un cabinet dédié à l'enfant, à l'adolescent et à la famille à Besançon. Elle y exerce en tant que graphopédagogue aux côtés d'autres professionnels médicaux et paramédicaux. Deux ans après sa reconversion, le bilan est, selon elle, positif, mais reconnait que son parcours n'a pas été simple.

Pourquoi avez-vous quitté l'Education nationale ?

Je ne m'y sentais plus à ma place. J'aimais toujours enseigner, mais j'avais le sentiment d'être prisonnière d'un moule. J'ai eu besoin de plus de liberté. Entreprendre était une solution.

Pendant le Covid, j'étais directrice d'une école élémentaire. La difficile gestion de cette crise m'a convaincu de faire évoluer ma carrière. J'ai fait un burn-out et je me suis dit : « Je ne veux plus de ça ». Les demandes de l'Institution étaient déconnectées de la réalité. Je ne me sentais plus concrètement utile pour les enfants. En devenant graphopédagogue [spécialiste de l'enseignement de l'écriture, ndlr], au contraire, je suis en relation individuelle avec eux.

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Julie Baverel, dans son cabinet au Cocon d'Alfred à Besançon.

Julie Baverel, dans son cabinet au Cocon d'Alfred à Besançon.Julie Baverel

Comment avez-vous préparé votre reconversion ?

Je l'ai beaucoup anticipé. Je savais que je ne serai pas enseignante toute ma carrière. J'ai mis 10 ans à trouver ce que je voulais faire d'autre. Pendant mes vacances, en 2017-2018, je me suis formée. Ensuite, j'ai obtenu un temps partiel à 50 %. Pendant deux ans, j'ai conjugué mon poste d'enseignante/directrice et mon activité de graphopédagogue.

Grâce à l'association de graphopédagogue qui m'a formée, j'ai pu bénéficier d'un réseau de collègues. J'ai bâti un business plan en m'inspirant de l'activité d'une consoeur déjà installée. Une des difficultés quand on travaille dans la fonction publique, c'est qu'on ne maîtrise pas certains codes. Je n'avais jamais fait un CV, les statuts et la paperasse, je n'y connaissais rien. Aujourd'hui encore, je suis sous le régime de microentrepreneur. Il me permet de ne pas avoir beaucoup de charges.

Quelles démarches avez-vous effectuées pour quitter la fonction publique ?

En 2020, j'ai fait une demande de rupture conventionnelle. J'ai reçu un refus pour nécessité de service, en raison du manque d'enseignants. Mon projet était déjà bien avancé, puisqu'au même moment, j'ai fait une offre d'achat pour des locaux. J'ai fait appel du refus tandis que l'institution me poussait à la démission. Le Rectorat ne voulait pas non plus accepter une mise à disposition, bien que ce soit sans salaire.

Puis, ça a été un parcours du combattant. J'ai rencontré un conseiller mobilité de l'inspection académique en janvier 2021. Il m'a seulement proposé d'imprimer des documents que j'avais déjà. Au bout de six mois, j'ai contacté tous les députés et sénateurs de ma circonscription, le recteur, le ministre de l'Education nationale, les syndicats… pour faire avancer mon dossier. Quelques mois plus tard, le ministre a accepté ma demande.

Comment avez-vous choisi vos locaux ?

Une connaissance vendait des locaux à Besançon, dans lesquels le Cocon d'Alfred est aujourd'hui installé. J'ai pu les acheter en créant une SCI, car je ne pouvais pas emprunter à titre personnel. L'espace m'a permis de réaliser une idée que j'avais depuis longtemps : créer un cabinet accueillant et riche en compétences pour accompagner au mieux adolescents, enfants et familles dans leur développement sensori-moteur, intellectuel et affectif. Le cabinet regroupe douze praticiens : neuropsychologue, orthophoniste, psychomotricien, sophrologue, etc.

Pourquoi ne pas avoir développé vos services dans le public ?

J'aurais beaucoup aimé ! J'ai proposé bénévolement de former les enseignants à l'apprentissage de l'écriture, mais mon inspecteur a soutenu que je n'avais pas la légitimité car je n'étais pas conseillère pédagogique.

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Combien gagniez-vous en tant qu'enseignante, et combien gagnez-vous aujourd'hui ?

J'ai quitté l'Education nationale après 25 ans d'enseignement, en tant que directrice et j'étais à 2.300 euros nets par mois. Quand j'ai démarré et pendant deux ans, j'ai touché le chômage sans condition de revenus de ma nouvelle activité qui était considérée comme une activité conservée [critère spécifique à la fonction publique, ndlr]. Cela m'a permis d'assurer une transition financière. J'avais 1.500 euros de chômage et, grâce à mon activité, 1.600 euros de revenu complémentaire. Depuis deux ans, mon activité a fortement progressé. Alors que mon chômage s'est arrêté en octobre, mon activité seule me rapporte aujourd'hui 2.800 euros nets.

Selon vous, quelles sont les clés de votre reconversion réussie ?

Ce n'est pas un parcours simple. J'avais des atouts : temps partiel accepté pendant deux ans pour tester mon activité, local sans loyer au départ, j'ai fait moi-même mon site internet et ma communication, j'avais un bon réseau d'enseignants et j'avais fait de la politique au niveau local ce qui m'a apporté des contacts. Avant de se lancer, je recommande d'avoir une situation financière stable équilibrée et un soutien familial sans faille.

Quel est votre bilan après deux ans d'activité à temps plein ?

Ça a été plus facile que ce que j'imaginais. D'un point de vue professionnel, c'est une expérience extraordinaire. J'avais peur de ne plus travailler en équipe, mais le fait d'avoir un cabinet pluridisciplinaire change beaucoup. Avant, j'étais directrice dans un système « très fonctionnaire » avec peu d'initiatives. Aujourd'hui, je travaille avec d'autres indépendants qui ont beaucoup d'idées et sont une grande force de proposition. Ça change tout !

Rupture conventionnelle pour les fonctionnaires

Depuis le 1er janvier 2020, le personnel de la fonction publique peut négocier une rupture conventionnelle. Cette procédure étant difficilement acceptée, en particulier dans l'enseignement en raison du manque d'enseignants, beaucoup démissionnent. « Je pense que l'éducation nationale n'a pas mesuré le nombre d'enseignants qui projetaient de quitter définitivement la fonction publique. » En 2022, 39.270 démissions ont été enregistrées, un chiffre qui a augmenté de 26 % entre 2020 et 2022, selon un rapport de la commission des finances du Sénat sur le budget 2022. Les enseignants du premier degré sont davantage concernés par les départs volontaires.>>> Pour en savoir plus sur la rupture conventionnelle dans la fonction publique, consultez le site service-public.fr en cliquant ici.

Eva Aronica

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