itisphere : Bonjour Monsieur Gialis, vous êtes directeur général et directeur R&D de Pellenc. Vous ne prédisez pas une longue vie aux startups qui lancent leur robot autonome aujourd’hui, pourquoi ?
Jean-Marc Gialis : En effet, et certaines sont déjà en difficulté. Le marché n’est pas prêt, et comme elles n’ont rien d’autre à vendre, elles ne peuvent pas s’autofinancer. La crise sanitaire les fragilise un peu plus car les investisseurs sont devenus frileux. Plusieurs startups nous ont demandé de les aider. Je pense effectivement que seules celles qui s’adosseront à un constructeur s’en sortiront.
Vitisphere : Vous pensez que seuls de grands constructeurs et distributeurs spécialisés dans la robotique pourront tirer leur épingle du jeu ?
J-M. G. : Tout à fait car seuls les acteurs qui ont déjà pignon sur rue seront capables de gagner la confiance des viticulteurs lors des démonstrations et de les rassurer quant à leur faculté à assurer la maintenance de leurs robots. Chez Pellenc, nous misons beaucoup sur la proximité client et nous associons les directeurs de nos filiales et de nos grands centres de distribution à nos programmes de R&D pour coller aux besoins du terrain.
Vitisphere : Le service rendu au viticulteur est donc plus important que le robot en lui-même ?
J-M. G. : On le voit déjà avec les tracteurs classiques. Avant d’acheter un produit, les clients achètent un service. Ce sera encore plus vrai demain avec les robots car ils n’auront plus la faculté de repérer les pannes et de s’auto dépanner.
Je vois aussi la précision des GPS augmenter à vitesse grand V et je pense que des dizaines de sociétés seront bientôt capables de proposer des engins autonomes de qualité. Il va être difficile de se démarquer.
Vitisphere : Qu’entendez-vous par « bientôt » ? Selon vous, quand verra-t-on vraiment des robots dans les vignes ?
J-M. G. : Les systèmes technologiques sont déjà prêts. Les clients ne le sont pas encore, mais l’arrivée prochaine de la 5G devrait faciliter la démocratisation des outils intelligents. La législation et les assurances doivent aussi évoluer.
A mon avis tout va s’accélérer d’ici une petite dizaine d’années. Et dans 20 ans, les robots seront devenus incontournables.
Vitisphere : Pellenc est aussi en train d’en développer ?
J-M. G. : Bien sûr. Une équipe interne de quinze personnes y travaille depuis des années. Comme nous n’avons pas besoin de subventions nous n’en faisons pas la publicité. Et nous finançons une grosse partie des travaux de la startup AgreenCulture sur un nouveau système de guidage. Tous les ans, nous dédions environ 1,5 millions d’euros, soit 7% de notre budget R&D, à la robotique. Et en 2013 nous avons créé la startup Pellenc Energy pour travailler sur les batteries lithium-ion.
Vitisphere : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre partenariat avec AgreenCulture ?
J-M. G. : Nous travaillons de manière tripartite avec AgreenCulture et le CIVC depuis que nous avons remporté le « challenge robotique » en 2018. C’est une collaboration très motivante et pédagogique pour nos équipes. Nous ferons la démonstration de notre robot dans quelques temps.
Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment, si ce n’est que nous nous concentrons essentiellement sur les tâches répétitives comme le travail du sol ou la pulvérisation confinée. Nous envisageons aussi d’automatiser la prétaille, voire la taille.
Vitisphere : Vous vous cantonnez au vignoble champenois ?
J-M. G. : Pas spécialement. Une fois que l’on sait géolocaliser et guider un enjambeur au centimètre près, il est facile de l’adapter à tous types de parcelles.
Vitisphere : Etes-vous ouverts à d’autres startups ?
J-M. G. : En tous cas nous ne sommes pas fermés. Nous sommes d’ailleurs en réflexion sur la forme de futures collaborations, Pellenc pouvant aussi bien jouer le rôle du constructeur intégrateur que celui du distributeur.