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L'hôtellerie

Comment rendre le secteur hôtelier plus attractif

La crise sanitaire est passée par là et l’hôtellerie en est sortie sonnée. De nombreux salariés manquent à l’appel et les difficultés de recrutement obligent les employeurs, en plus de leurs obligations légales, à s’intéresser de plus près aux conditions de travail. Un véritable défi pour un secteur aux métiers et aux risques professionnels très variés.

5 minutes de lecture
Céline Ravallec - 30/10/2023
Une salariée d'un hôtel équipée d'une valise roulante dans le lobby d'un hôtel.

L’hôtellerie figure parmi les secteurs qui ont été les plus fortement touchés par la pandémie de Covid-19. Cette période inédite de mise à l’arrêt de pans entiers de l’activité économique a abouti à des lendemains imprévus pour les métiers de cette activité. À commencer par une désertion du secteur. « On dénombrait, en hôtellerie-restauratiion 150 000 postes à pourvoir avant 2020, évalue Vincent Sitz, président de la commission emploi, formation et conditions de travail au Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR), un syndicat professionnel. Pendant les confinements successifs, 120 000 à 150 000 collaborateurs sont partis, ce qui représente aujourd’hui 350 000 postes à pourvoir. » Face à cette situation, il est devenu indispensable de retrouver une forte attractivité pour pourvoir les postes vacants et réussir à fidéliser de nouveaux salariés.

« On sait que ce sont des métiers difficiles, qui nécessitent une réflexion sur leur devenir dans les dix années à venir, considère Jean-Marc Banquet d’Orx, vice-président du Comité technique national D (services, commerces, industries de l’alimentation). De nouvelles attentes émergent de la part des consommateurs, qui font bouger ces métiers, ainsi que de la part des nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail. » D’autant que les besoins se font pressants : après les années 2020 et 2021, fortement perturbées, le secteur hôtelier en 2022 a connu une hausse des réservations de 5 % par rapport à 2019, année de référence avant la crise sanitaire. « Certains professionnels ont quitté le secteur lors de la crise sanitaire mais y reviennent aujourd’hui, poursuit ce dernier. Ce sont des métiers de passion. Mais qui demandent encore des efforts en matière de conditions de travail, et de multiples améliorations à apporter. » Proposer de bonnes conditions de travail est plus que jamais essentiel pour répondre aux attentes.

Réduire les troubles musculosquelettiques 

Avec plus de 20 000 établissements en France, le secteur de l’hôtellerie emploie actuellement autour de 175 000 salariés. Pratiquant des tâches et des métiers variés, le personnel est exposé à une grande diversité de risques professionnels. Les statistiques de ces trois dernières années sont peu représentatives, du fait des perturbations de l’activité et du chômage partiel engendrés par la crise sanitaire. Néanmoins, qu’il s’agisse d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, les risques les plus fréquemment rencontrés sont ceux occasionnant des troubles musculosquelettiques (TMS), les chutes – de plain-pied ou de hauteur – et les risques psychosociaux (RPS).

Un salarié réalise des actions de maintenance sur le toit d'un établissement.

Les TMS résultent de postures pénibles et répétitives, en particulier lors du nettoyage des chambres, ainsi que de l’emploi d’équipements parfois inadaptés, comme des chariots encombrants ou roulant mal, des aspirateurs trop lourds ou difficiles à manipuler, des chambres exiguës qui obligent à se contorsionner. D’autres métiers, comme les équipiers ou les bagagistes, sont également exposés aux TMS du fait de ports de charges fréquents. Les chutes, de plain-pied ou de hauteur, concernent tous les métiers et peuvent être causées par du travail effectué avec une forte contrainte temporelle, des environnements de travail inadaptés ou encore une mauvaise organisation du travail. Les RPS peuvent quant à eux découler de délais contraints pour remplir les tâches, de rythmes de travail soutenus – résultant parfois d’équipes en sous-effectif – ou encore d’incivilités de la part de clients. D’autres risques sont présents, comme le risque chimique, lié à l’utilisation de produits de nettoyage irritants par les valets et femmes de chambre, ou encore le travail en horaires décalés sur certains postes (réceptionniste, employé de bar…).

Prévenir la désinsertion professionnelle

Pour prévenir au mieux ces risques et proposer de bonnes conditions de travail, tous les établissements hôteliers ne sont pas armés de la même façon. Lors de la crise sanitaire, certains dirigeants d’établissements ont stoppé net des projets de rénovation ou d’achats de matériels, faute de trésorerie suffisante ou face à l’incertitude du lendemain. D’autres ont au contraire mis à profit l’arrêt forcé de l’activité durant les confinements pour remettre à plat leur organisation, réaliser des rénovations d’ampleur de leurs locaux, ou se doter d’aides techniques.

« De nombreux établissements ont eu du mal à se relever de la crise sanitaire, constate Aurélien Matte, ergonome à Horizon santé travail, un service de prévention et de santé au travail qui suit une centaine d’hôtels dans les Hauts-de-Seine. C’est encore une question de survie pour certains, donc la prévention des TMS est reléguée au second plan. »

Un salarié réalisé des opérations de nettoyage au sein d'un hôtel.

L’organisation peut également jouer. Dans les chaînes hôtelières, « les directeurs d’établissement peuvent avoir peu de marge de manœuvre, car les décisions se prennent le plus souvent au siège, poursuit-il, sous forme de consignes descendantes mais sans forcément accorder les moyens nécessaires pour les appliquer. » Néanmoins, l’ergonome constate une réelle conscience des enjeux autour de ces questions, « notamment en matière de désinsertion professionnelle et de recrutement ». Même constat dans de petites structures de la part de Vincent Sitz, pour qui « l’apparition des CSE pour les établissements de onze salariés et plus a contribué à accélérer les choses sur ces sujets. De plus en plus de salariés de l’hôtellerie s’intéressent aux questions de santé au travail et s’approprient les sujets ».

Repenser l'organisation et les aides techniques

Si la prise de conscience est là, passer à l’action n’est pas toujours aisé. Faute de budget parfois, mais aussi par méconnaissance des enjeux et des solutions existantes. Les aides techniques figurent parmi les premières solutions à envisager. Mais leur acquisition ne doit pas s’improviser. Elle doit s’inscrire dans une démarche de prévention plus globale et faire l’objet d’une analyse préalable. « La question doit être posée de la pertinence et de l’utilité d’une aide technique dans une configuration donnée », souligne Olivier Poisson, contrôleur de sécurité à la Cramif et pilote du secteur café hôtels restaurants (CHR) en Île-de-France.

Lève-lits, systèmes de déhoussage de couettes, appareils de nettoyage vapeur, chariots… Des équipements qui paraissent une bonne solution dans l’absolu peuvent ne pas apporter le bénéfice attendu si la configuration des lieux n’est pas adaptée. « Et pour les activités de nettoyage, de nombreux acteurs sont arrivés sur le marché dernièrement, avançant parfois des produits “révolutionnaires” qui n’en sont pas vraiment. Il faut savoir faire le tri », met-il en garde. Avant de choisir des équipements présentés comme facilitants, il est nécessaire de bien définir les besoins : quel matériel ? pour quelle fiabilité ? et quelle facilité ? Et il est toujours recommandé de tester les équipements en conditions réelles avant de les acheter, et de bien se former pour en maîtriser l’usage.

LE TÉMOIGNAGE DE...

Vincent Sitz, président de la commission emploi, formation et conditions de travail au GHR

« On observe de multiples expérimentations sur différents risques dans les établissements hôteliers. Des robots aspirateurs sont par exemple testés depuis quelques mois dans deux hôtels parisiens. Paramétré avec un architecte et programmé par de l’intelligence artificielle, le robot effectue 90 % du travail. Après son passage, il reste au personnel à faire les plinthes et les angles. C’est un gain en temps et en confort de travail indiscutable. Par rapport aux produits chimiques, des expérimentations d’un nettoyant vapeur à haute pression pour les salles de bain ont également été menées, avec succès pour certains établissements. Des bras articulés peuvent aider au nettoyage des grands miroirs. Aux postes d’accueil, qui exigent du personnel de rester debout de longs moments, des tapis antifatigue commencent à apparaître, ainsi que des tabourets assis-debout ou encore des postes de réception adaptables en hauteur selon la taille du personnel. »

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